Dans son ouvrage « Mémoire de Melle » (1), Michel Chaillou nous a rappelé quelques scènes de la vie quotidienne casablancaise durant les années trente. « Les bus, a-t-il écrit en substance, avaient le museau aplati. Le teuf-teuf de leur moteur préhistorique nous brinquebalait d'un côté sur l'autre de l'après-midi quand on les empruntait pour les plages ou la piscine Ortlieb, du nom d'un administrateur décédé qui administrait sans doute du haut du paradis les vagues dont, aux heures de forte marée, on apercevait la tête frisée comme un chou dépassant la longue digue de pierres grises qui nous défendait du grand large. La plus grande piscine du monde à côté du Bassin Georges-Louis, bassin de compétition où nagèrent les frères Vallerey et Alex Jany, le myope recordman du monde du cent mètres nage libre ». Le projet de ces piscines a été élaboré en 1931 par les services municipaux dans le cadre d'un programme d'équipement dont la première réalisation a été le Vélodrome dont les plans ont été dessinés par Alexandre Cormier auquel on doit également « La Princière » ; une crémerie-pâtisserie de la rue Driss Lahrizi fort connue des artistes et autres acteurs de Casablanca. Initialement, il s'agissait, pour les édiles d'alors de créer « une avant-piscine populaire d'environ 300 mètres sur 100 », en avant du rivage, complétée par une « deuxième grande piscine » avec « une plage naturelle pour les enfants » et une piscine de compétition, ainsi qu'un lieu pour la pratique sportive. (cf. Bulletin Officiel Municipal de septembre –octobre 1931).
Des ambitions revues à la baisse
Les ambitions initiales seront revues à la baisse un an plus tard ; le projet adopté se réduisant à une emprise de quelques hectares et laissant, pour de futures programmations budgétaires, la création de la piscine de compétitions.
Baptisée du nom du contrôleur civil, chef de région et président de la commission municipale de Casablanca, Georges Orthlieb, la piscine municipale sera inaugurée le 14 juillet 1934.
Un grand succès
Dès sa première saison, elle fut littéralement envahie par les habitants de la ville. 4000 entrées par jour au lieu des 1000 prévues encourageront les édiles d'alors à redoubler d'efforts en matière de desserte, d'équipements et de services.
Gagnée sur l'Océan, grâce à la destruction des rochers, elle a été conçue, dans le même temps, pour demeurer protégée contre ses caprices. Qualifiée de «plus grand équipement balnéaire d'Afrique » , elle s'étendait sur près de 5 hectares et comprenait trois bassins : une «grande piscine », un «stade nautique » et une « piscine populaire ». Selon des documents d'époque, les « 328.000 entrées enregistrées dans les quatre premiers mois d'exploitation » avaient incité la ville à poursuivre l'aménagement de la partie ouest « par l'établissement d'un bassin moins luxueux». Appelé « petit », ce dernier, le troisième, devait être réservé à ceux qui ne savaient pas nager, puisque long de 100 mètres, il n'avait que 1,50 mètre de profondeur. Y ont batifolé, beaucoup d'enfants issus de parents à revenus modestes. Il y ont non seulement appris à nager, mais aussi à aimer la natation, le soleil et la mer. Caractéristique importante de cette infrastructure considérée comme l'une des plus modernes de son temps : l'eau de mer y était renouvelée quotidiennement par le jeu des marées ; une station de pompage permettant de suppléer au manque de houle.
Après avoir fait le bonheur des Casablancais près d'un demi siècle durant, la piscine municipale commencera, dès le début des années soixante dix à tomber en totale décrépitude.
L'une de ses composantes essentielles, sera donnée en gérance au dirigeant d'une équipe de football qui, sous la dénomination «Le Nautilius » en fera un lieu de loisirs pour citadins huppés.
Cela ne durera que ce que durent les roses puisque le lieu, transformé en simple débit de boisson, devint tellement mal famé que les autorités locales durent vite le fermer.
Fin d'une histoire
Le même sort sera, d'ailleurs, réservé à l'ensemble de la piscine. Condamnée une première fois, puis rouverte durant une saison, elle sera définitivement mise à mort pour cause de pollution de ses eaux. Proche de l'émissaire de « Mriziga » et, faute d'infrastructures de traitement, elle a, en effet, commencé à en recueillir les effluves ; d'où dangers pour sa clientèle.
Tombée de rideau, donc sur une vie bien remplie.
Terrain d'assiette
Remblayée en 1986, la défunte piscine municipale a fini par donner son terrain d'assiette à ce joyau immortel de l'architecture religieuse arabo-islamique qu'est la grande Mosquée Hassan II.
(1) Editions du Seuil, Paris, 1993
Des ambitions revues à la baisse
Les ambitions initiales seront revues à la baisse un an plus tard ; le projet adopté se réduisant à une emprise de quelques hectares et laissant, pour de futures programmations budgétaires, la création de la piscine de compétitions.
Baptisée du nom du contrôleur civil, chef de région et président de la commission municipale de Casablanca, Georges Orthlieb, la piscine municipale sera inaugurée le 14 juillet 1934.
Un grand succès
Dès sa première saison, elle fut littéralement envahie par les habitants de la ville. 4000 entrées par jour au lieu des 1000 prévues encourageront les édiles d'alors à redoubler d'efforts en matière de desserte, d'équipements et de services.
Gagnée sur l'Océan, grâce à la destruction des rochers, elle a été conçue, dans le même temps, pour demeurer protégée contre ses caprices. Qualifiée de «plus grand équipement balnéaire d'Afrique » , elle s'étendait sur près de 5 hectares et comprenait trois bassins : une «grande piscine », un «stade nautique » et une « piscine populaire ». Selon des documents d'époque, les « 328.000 entrées enregistrées dans les quatre premiers mois d'exploitation » avaient incité la ville à poursuivre l'aménagement de la partie ouest « par l'établissement d'un bassin moins luxueux». Appelé « petit », ce dernier, le troisième, devait être réservé à ceux qui ne savaient pas nager, puisque long de 100 mètres, il n'avait que 1,50 mètre de profondeur. Y ont batifolé, beaucoup d'enfants issus de parents à revenus modestes. Il y ont non seulement appris à nager, mais aussi à aimer la natation, le soleil et la mer. Caractéristique importante de cette infrastructure considérée comme l'une des plus modernes de son temps : l'eau de mer y était renouvelée quotidiennement par le jeu des marées ; une station de pompage permettant de suppléer au manque de houle.
Après avoir fait le bonheur des Casablancais près d'un demi siècle durant, la piscine municipale commencera, dès le début des années soixante dix à tomber en totale décrépitude.
L'une de ses composantes essentielles, sera donnée en gérance au dirigeant d'une équipe de football qui, sous la dénomination «Le Nautilius » en fera un lieu de loisirs pour citadins huppés.
Cela ne durera que ce que durent les roses puisque le lieu, transformé en simple débit de boisson, devint tellement mal famé que les autorités locales durent vite le fermer.
Fin d'une histoire
Le même sort sera, d'ailleurs, réservé à l'ensemble de la piscine. Condamnée une première fois, puis rouverte durant une saison, elle sera définitivement mise à mort pour cause de pollution de ses eaux. Proche de l'émissaire de « Mriziga » et, faute d'infrastructures de traitement, elle a, en effet, commencé à en recueillir les effluves ; d'où dangers pour sa clientèle.
Tombée de rideau, donc sur une vie bien remplie.
Terrain d'assiette
Remblayée en 1986, la défunte piscine municipale a fini par donner son terrain d'assiette à ce joyau immortel de l'architecture religieuse arabo-islamique qu'est la grande Mosquée Hassan II.
(1) Editions du Seuil, Paris, 1993
