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Accueil next L'humain au centre de l'action future

Beauté et génie de la danse

Les premiers ballets présentés par cette quatrième édition du Festival International de la Danse révèlent une danse contemporaine privilégiant autant l'idée que l'esthétique. Des œuvres magistrales interprétées par les danseurs de la prestigieuse compagni

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Le Festival International de Danse que le chorégraphe et danseur étoile Lahcen Zinoun nous offre chaque année s'est ouvert par deux splendides ballets contemporains exécutés par la compagnie du Théâtre d'Essen, parmi les plus prestigieuses d'Allemagne, au sein de laquelle ont dansé de grands chorégraphes comme Kurt Joos, Pina Bausch, et tout récemment, le danseur étoile Jaïs Zinoun, fils de Lahcen, y a pris quelques cours mais n'y a pu s'établir, n'y ayant pas trouvé sa place de soliste. La fameuse compagnie anglaise Royal Palais de Londres lui avait offert auparavant la place de soliste principal.
Le rideau de la scène du Complexe Moulay Rachid ( Casablanca) se lève devant une salle comble, un public venu savourer ces moments féeriques que procure ce Festival, un public qui ne manque jamais de telles occasions pour combler son amour de l'art. C'est la quatrième édition de ce Festival International de Danse organisé par Contretemps, Association des Arts de la Danse, créée par Zinoun.
Tout d'abord « Keith », une chorégraphie de l'Allemande Birgit Scherzer, où est magnifiée une masculinité machiste par la magie de la danse, où la force physique est alliée à une aisance et une agilité aériennes, où des allures félines s'intègrent à la puissance du mouvement. Ils sont une dizaine de danseurs vêtus de noir souple, raffiné, « sexy » dira Zinoun. Ils se déploient dans l'espace, le brisent, le survolent par d'amples mouvements, le structurent, dans une architecture monumentale, fugitive, construite de variations sublimes. Tempérament masculin à travers cette danse où se conjuguent des « expressions de convivialité et de rivalité », lit-on sur le catalogue du Festival, mais où prime l'élégance et une exaltation de la virilité. Une chorégraphie contemporaine privilégiant l'esthétique de manière incontestable, accompagnée par le piano en solo, le magistral « Köin concert » du célèbre pianiste américain Keith Jarret. La chorégraphie se décline en solos, pas de deux, danses de groupe et le « corps à corps » avec le piano révèle le talent exceptionnel du chorégraphe. La conception de chaque mouvement sur une musique « copieusement rythmique» et parfois en accord avec une note unique de piano, «à la cadence des battements de son cœur», est extraordinaire. A la fin du ballet tous ces hommes sont écroulés par le simple passage d'une femme vêtue de rouge, robe courte et talons aiguilles. Somme toute, « tout ce machisme n'est qu'apparence », comme dit Zinoun.
La chorégraphe Birgit Scherzer, dit le catalogue, avait quitté l'Allemagne de l'Est en 1989, sans présager que le mur de Berlin allait tomber. Elle avait quitté « sa famille et sa réputation établie pour poursuivre sa carrière indépendante, avant d'être nommée Directrice chorégraphe du Ballet de Staatstheater de la ville de Saarbrucke. Ses dernières créations incluent «Le sacré du printemps », «Carmina Burana» et «Orpheus et Eurydice ».
Premier chef-d'œuvre de la danse contemporaine
Après l'entre-acte, c'est La Table Verte, un ballet magistral, qui sera donné à voir. Chef d'œuvre de Kurt Joos pour lequel il remporta le Premier Prix au Concours de la Chorégraphie des Archives Internationales de la Danse. La Table Verte est considéré comme le premier ballet moderne, la création classique de la danse moderne. Le thème est inspiré de l'idée médiévale de la danse macabre, fait allusion à la première guerre mondiale et anticipe la seconde. «Les danses macabres ont toujours existé, depuis l'époque païenne, dit Zinoun. C'est une sorte d'exorcisme du corps vis à vis de la mort…».
Une œuvre fortement expressionniste, grandiose, extrêmement belle, chargée de finesse, un regard sur une époque de l'Humanité par le génie de la danse. «Une œuvre qui garde aussi toute son actualité, ne serait-ce que par rapport à ce que l'on observe aujourd'hui au niveau des Etats-Unis envers l'Irak », indique Zinoun.
Le chorégraphe juif allemand Kurt Joos avait vécu la première guerre mondiale et se rendait compte du danger qui s'approchait petit à petit en Allemagne, explique Zinoun. «Il avait quitté l'Allemagne pendant la guerre et y était revenu en 1947 (après 15 ans en Angleterre) pour y ouvrir une grande école où a été notamment formée Pina Bausch qui avait interprété à l'époque le rôle de la pleureuse dans La Table Verte. La fille de Kurt Joos a perpétué l'authenticité de ce ballet en respectant son style, tous ses pas, sa musicalité, le travail intégral de son père, un ballet qui existe dans le répertoire de toutes les grandes compagnies du monde». Le ballet est dansé sur une superbe musique de deux pianos composée spécialement pour l'œuvre par Cohen. «Un formidable travail de créativité entre le chorégraphe et le compositeur, juif allemand également, qui avait aussi été exilé», dit Zinoun.
La Table Verte est posée au milieu de la scène, les danseurs en masque et smoking sont autour, danse attablée, ils négocient, décident du sort de l'Humanité de la manière qui privilégie leurs intérêts personnels, ballets diplomatiques puissamment rendus par la danse. Au bas de la scène, deux pianos à queue se font face et les excellents pianistes interprètent la musique.
Les tableaux de la chorégraphie se succèdent comme une pièce de théâtre et en riches variations, les soldats et leurs fiancées, le charognard, etc., la table des négociations encore pour l'image finale, «avec des découvertes scéniques par des moments surprenants, artistiquement parlant, et dans un style néoclassique qui ne lésine pas techniquement sur des prouesses très difficiles, dit Zinoun. Une exécution technique et artistique parfaite». Zinoun a déjà interprété le rôle de la mort, rôle principal de La Table Verte, lorsqu'il dansait au sein du Ballet Royal d'Anvers. A la fin du spectacle, les applaudissements s'éternisent. La soirée a été fabuleuse. Tout le monde en est pleinement reconnaissant aux danseurs, à la danse, à Zinoun.
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