Le rythme de la création de nouveaux antimicrobiens a duré jusqu'aux années 60 et ne laissait aucune chance au développement des bactéries. Malheureusement, à partir des années 80, la recherche scientifique n'a pas produit d'autres catégories d'antibiotiques. Résultat : après seulement 50 ans d'utilisation d'antibiotiques, ces traitements n'arrivent plus à vaincre les bactéries.
Pourquoi celles-ci font de la résistance? Quels sont les facteurs qui favorisent l'apparition de cette résistance ? Où en est la recherche aujourd'hui ?
Le point sur toutes ces questions avec le Pr Abdelfattah Chakib, professeur de maladies infectieuses au Service des maladies infectieuses du CHU Ibn Rochd.
L'antibiothérapie a sauvé un bon nombre de vies humaines. Quelles sont les plus grandes étapes de son histoire ?
L'ère de l'antibiothérapie a été inaugurée à la fin des années 1930 par l'utilisation de la pénicilline et des sulfamides. Ces deux antibiotiques ont rendu et continuent de rendre d'énormes services à l'humanité. La découverte par la suite de la streptomycine a révolutionné le traitement de la tuberculose.
D'autres antibiotiques appartenant à d'autres familles on été découverts ou synthétisés par la suite permettant ainsi la maîtrise des infections bactériennes les plus fréquentes.
L'enthousiasme des chercheurs a été vite tempéré par l'apparition de bactéries résistantes. En effet, juste après l'utilisation de la pénicilline dans les années 40, les chercheurs se sont vite rendu compte qu'une partie des staphylocoques qui étaient sensibles à la pénicilline sont devenus résistants à cet antibiotique.
Dans les années 50 et 60, on a développé de nouvelles catégories d'antibiotiques qui ont permis d'en élargir le champ d'utilisation et surtout de traiter même les infections dûes à des bactéries résistantes.
Dans les années 80 et 90, la recherche scientifique a permis l'amélioration des antibiotiques existants sans production de nouvelles familles d'antibiotiques.
Jusqu'au milieu des années 80, la résistance aux antibiotiques était limitée au milieu hospitalier et à certains germes. La situation a changé rapidement et des bactéries multirésistantes sont apparues et se sont disséminées hors des hôpitaux.
Donc, l'apparition du phénomène de résistance aux antibiotiques a assombri cet engouement. Qu'entend-on par résistance aux antibiotiques ?
On parle de résistance aux antibiotiques quand une bactérie est ou devient insensible à l'action d'un antibiotique. En fait il faut distinguer deux types de résistance, la résistance primaire et la résistance secondaire .
On parle de résistance primaire quand la bactérie est insensible à l'action de l'antibiotique depuis sa naissance.
La résistance secondaire survient quand une bactérie sensible à un antibiotique devient insensible.
Comment une bactérie devient-elle résistante ?
Plusieurs mécanismes sont utilisés par la bactérie pour devenir résistante à un antibiotique : altération ou modifications des sites d'action des antibiotiques, modification de la perméabilité de la bactérie à l'antibiotique ou production de substances (enzymes) qui inactivent ou modifient l'antibiotique.
Quels sont les facteurs qui favorisent l'apparition de bactéries résistantes ?
L'utilisation massive et surtout anarchique des antibiotiques reste le premier facteur. Lorsque des bactéries sont exposées à un antibiotique, celui-ci détruit les bactéries sensibles et épargne les bactéries résistantes, qui peuvent alors se multiplier, coloniser le milieu et se disséminer. Les bactéries qui survivent à l'exposition d'antibiotiques transmettent leurs caractéristiques de résistance à de nouvelles générations de bactéries
Quand le médecin choisit l'antibiotique le plus adéquat et quand il le prescrit avec une posologie et une durée suffisante, le risque d'apparition de résistance est minime. Il est malheureux de constater que certains médecins prescrivent pour les infections courantes et banales telles que des angines ou des infections pulmonaires et des infections urinaires, des antibiotiques « nouveaux » et « forts », alors qu'un grand nombre de ces infections peuvent être traitées avec efficacité par des antibiotiques découverts dans les années 60.
Le comportement du malade peut être aussi un facteur favorisant. Le fait d'arrêter un antibiotique avant la fin de la durée prescrite par le médecin ou de diminuer le nombre de comprimés prescrits entraîne l'apparition des résistances.
L'automédication ou la délivrance d'antibiotiques sans ordonnance médicale peuvent aussi générer des résistances.
L'utilisation des antibiotiques dans l'industrie agroalimentaire est un facteur aussi important que les autres facteurs déjà cités. Les antibiotiques ajoutés à la nourriture destinée au bétail ou pulvérisés sur les récoltes de fruits peuvent aussi participer à l'émergence ce de bactéries résistantes
Les facteurs qui favorisent la diffusion des bactéries résistantes sont essentiellement le manque d'hygiène avec notamment le non-lavage des mains et les voyages à travers le monde.
Quelles en sont les conséquences ?
Les deux conséquences majeures sont l'augmentation de la mortalité et du coût. Les bactéries résistantes entraînent des infections sévères souvent mortelles et qui nécessitent une prise en charge thérapeutique cent à mille fois plus coûteuse que le traitement d'une infection à germe sensible.
A quel niveau est arrivée la recherche aujourd'hui ?
La recherche scientifique en matière de résistance des bactéries aux antibiotiques se fait selon trois axes : une recherche fondamentale qui essaye de comprendre les mécanismes moléculaires et génétiques de la résistance et d'imaginer de nouveaux antibiotiques qui permettent de contrecarrer l'action des bactéries.
L'utilisation de l'informatique a permis d'élaborer des logiciels de simulations de l'action des antibiotiques.
Une recherche épidémiologique qui étudie la propagation des bactéries résistantes dans les hôpitaux, dans les villes, dans chaque pays, au sein de chaque continent et dans le monde. Ces études sont très intéressantes car, en comparant le type de bactéries, leurs modes d'apparition et de circulation , ont permis d'élaborer des stratégies de prévention et de lutte contre la résistance.
Pourquoi celles-ci font de la résistance? Quels sont les facteurs qui favorisent l'apparition de cette résistance ? Où en est la recherche aujourd'hui ?
Le point sur toutes ces questions avec le Pr Abdelfattah Chakib, professeur de maladies infectieuses au Service des maladies infectieuses du CHU Ibn Rochd.
L'antibiothérapie a sauvé un bon nombre de vies humaines. Quelles sont les plus grandes étapes de son histoire ?
L'ère de l'antibiothérapie a été inaugurée à la fin des années 1930 par l'utilisation de la pénicilline et des sulfamides. Ces deux antibiotiques ont rendu et continuent de rendre d'énormes services à l'humanité. La découverte par la suite de la streptomycine a révolutionné le traitement de la tuberculose.
D'autres antibiotiques appartenant à d'autres familles on été découverts ou synthétisés par la suite permettant ainsi la maîtrise des infections bactériennes les plus fréquentes.
L'enthousiasme des chercheurs a été vite tempéré par l'apparition de bactéries résistantes. En effet, juste après l'utilisation de la pénicilline dans les années 40, les chercheurs se sont vite rendu compte qu'une partie des staphylocoques qui étaient sensibles à la pénicilline sont devenus résistants à cet antibiotique.
Dans les années 50 et 60, on a développé de nouvelles catégories d'antibiotiques qui ont permis d'en élargir le champ d'utilisation et surtout de traiter même les infections dûes à des bactéries résistantes.
Dans les années 80 et 90, la recherche scientifique a permis l'amélioration des antibiotiques existants sans production de nouvelles familles d'antibiotiques.
Jusqu'au milieu des années 80, la résistance aux antibiotiques était limitée au milieu hospitalier et à certains germes. La situation a changé rapidement et des bactéries multirésistantes sont apparues et se sont disséminées hors des hôpitaux.
Donc, l'apparition du phénomène de résistance aux antibiotiques a assombri cet engouement. Qu'entend-on par résistance aux antibiotiques ?
On parle de résistance aux antibiotiques quand une bactérie est ou devient insensible à l'action d'un antibiotique. En fait il faut distinguer deux types de résistance, la résistance primaire et la résistance secondaire .
On parle de résistance primaire quand la bactérie est insensible à l'action de l'antibiotique depuis sa naissance.
La résistance secondaire survient quand une bactérie sensible à un antibiotique devient insensible.
Comment une bactérie devient-elle résistante ?
Plusieurs mécanismes sont utilisés par la bactérie pour devenir résistante à un antibiotique : altération ou modifications des sites d'action des antibiotiques, modification de la perméabilité de la bactérie à l'antibiotique ou production de substances (enzymes) qui inactivent ou modifient l'antibiotique.
Quels sont les facteurs qui favorisent l'apparition de bactéries résistantes ?
L'utilisation massive et surtout anarchique des antibiotiques reste le premier facteur. Lorsque des bactéries sont exposées à un antibiotique, celui-ci détruit les bactéries sensibles et épargne les bactéries résistantes, qui peuvent alors se multiplier, coloniser le milieu et se disséminer. Les bactéries qui survivent à l'exposition d'antibiotiques transmettent leurs caractéristiques de résistance à de nouvelles générations de bactéries
Quand le médecin choisit l'antibiotique le plus adéquat et quand il le prescrit avec une posologie et une durée suffisante, le risque d'apparition de résistance est minime. Il est malheureux de constater que certains médecins prescrivent pour les infections courantes et banales telles que des angines ou des infections pulmonaires et des infections urinaires, des antibiotiques « nouveaux » et « forts », alors qu'un grand nombre de ces infections peuvent être traitées avec efficacité par des antibiotiques découverts dans les années 60.
Le comportement du malade peut être aussi un facteur favorisant. Le fait d'arrêter un antibiotique avant la fin de la durée prescrite par le médecin ou de diminuer le nombre de comprimés prescrits entraîne l'apparition des résistances.
L'automédication ou la délivrance d'antibiotiques sans ordonnance médicale peuvent aussi générer des résistances.
L'utilisation des antibiotiques dans l'industrie agroalimentaire est un facteur aussi important que les autres facteurs déjà cités. Les antibiotiques ajoutés à la nourriture destinée au bétail ou pulvérisés sur les récoltes de fruits peuvent aussi participer à l'émergence ce de bactéries résistantes
Les facteurs qui favorisent la diffusion des bactéries résistantes sont essentiellement le manque d'hygiène avec notamment le non-lavage des mains et les voyages à travers le monde.
Quelles en sont les conséquences ?
Les deux conséquences majeures sont l'augmentation de la mortalité et du coût. Les bactéries résistantes entraînent des infections sévères souvent mortelles et qui nécessitent une prise en charge thérapeutique cent à mille fois plus coûteuse que le traitement d'une infection à germe sensible.
A quel niveau est arrivée la recherche aujourd'hui ?
La recherche scientifique en matière de résistance des bactéries aux antibiotiques se fait selon trois axes : une recherche fondamentale qui essaye de comprendre les mécanismes moléculaires et génétiques de la résistance et d'imaginer de nouveaux antibiotiques qui permettent de contrecarrer l'action des bactéries.
L'utilisation de l'informatique a permis d'élaborer des logiciels de simulations de l'action des antibiotiques.
Une recherche épidémiologique qui étudie la propagation des bactéries résistantes dans les hôpitaux, dans les villes, dans chaque pays, au sein de chaque continent et dans le monde. Ces études sont très intéressantes car, en comparant le type de bactéries, leurs modes d'apparition et de circulation , ont permis d'élaborer des stratégies de prévention et de lutte contre la résistance.
