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Cinéma: Mona Saber, le fantôme du père

Un film marocain sur la quête du père et des origines, tourné avec un certain lyrisme et beaucoup de sensibilité. Une histoire qui permet de passer un moment de détente, qui donne à voir de beaux paysages, de beaux acteurs, et toutes les contradictions d'

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Mona Saber, premier long-métrage de Abdelhaï Laraki, nous montre une fois de plus que le film marocain a franchi cette étape où il s'était longtemps enlisé, où il se voulait obstinément intellectuel, de préférence misérabiliste et presqu'exclusivement projection de la personnalité de son auteur et de ses règlements de compte avec son passé, sa vie. Mona Saber est un film de fiction, une histoire construite par un enchaînement logique de faits qui donne à voir de beaux paysages ainsi que le jeu de beaux acteurs, un film qui permet de passer un moment de détente, d'où l'on ne sort pas avec un regard noir sur son pays et sur le monde. Plus que cela, réalisé avec une grande sensibilité, il fait dire au cinéaste Farouk Chraïbi : « La tendresse que dégage ce film est prodigieusement révolutionnaire. (…) Rares sont les œuvres, aussi simples et fortes, qui découvrent simultanément tant de facettes sur l'auteur et son pays, dans un élan du cœur, freiné par la seule ambition d'être vrai ».
A travers une amitié qui se noue entre une jeune fille à la recherche d'un père jamais connu et un couple dont l'amour combat les problèmes sociaux et psychologiques auxquels se heurte aujourd'hui le jeune couple marocain. La lumière, « magistralement fixée par la caméra de Kamal Derkaoui » et rehausse la « plasticité lyrique » du film comme le note Farouk Chraïbi, se porte aussi sur les contrastes et l'incertitude d'un pays en mutation qui se cherche aussi.
Le film part d'un cimetière français où Mona apprend par sa mère, que son père géniteur est Mahmoud Saber, Marocain natif d'Essaouira, et non Gérard Delanoë gisant dans la tombe, qui l'a élevée et aimée. Mona accomplira alors un voyage au Maroc, saut de l'Occident en plein cœur de l'Orient, dans lequel s'élance avec naturel et souplesse Carmela Ramos dans le rôle de Mona, à la quête des origines. Elle est rassurée par l'hospitalité, l'amitié, l'affection. Le couple qui l'accueille s'investit dans son tourment, d'autant plus qu'il surgit lui-même de l'absence criante d'un père. Leila vit avec sa mère et Yacine, qui, orphelin, a été élevé à Essaouira par «Mama Khadija », rôle merveilleusement campé par la très charmante Chaïbia Adraoui, qui lui valu la consécration de meilleure actrice au Festival International du Film de Marrakech .

Renaissance dans la marocanité


Un jeune et beau couple amoureux, incarné par les talentueux nouveaux acteurs Asmae Khamlichi et Khalid Benchegra. Leila illustre un modèle de femme marocaine idéale, équilibrée, très lucide, qui s'assume parfaitement, aime passionnément et n'hésite pas à apporter son soutien à ses amis, son entourage. Son métier de danseuse professionnelle (qui est aussi l'autre métier de l'actrice Asmae Khamlichi, formée par Lahcen et Michèle Zinoun), métier, dans le film, qu'elle pratique même au cabaret, ne fait qu'affirmer ses valeurs et sa fidélité à l'homme de sa vie, dont elle sait ébranler la conscience, sans lui être asservie ni chercher à exercer une autorité sur lui. Lui, Yacine, est chômeur bardé de diplômes qui dans cette angoisse le poussant à la révolte, sait reconnaître à la femme qu'il aime la haute valeur qu'elle mérite, bien qu'il la taquine parfois, ce qui atteste, de la délicatesse de sa propre valeur. Le couple vit tout de même une crise et son union demeure fragile, car dans l'esprit de l'homme, comme le dit si bien Leila dans le film, « c'est de la bouillie ». Entre tradition et modernité il ne sait pas encore trouver et faire perdurer l'harmonie. Yacine emmène Mona à Essaouira pour une véritable exploration de l'existence de ce père tant recherché. Sur la route, une escale à Azemmour, moment onirique du film où Mona opère sa renaissance dans sa marocanité, par un rite populaire purificateur sur un site habité par la légende du marabout Moulay Bouchaïb et sa bien-aimée Lalla Aïcha. Ici le surnaturel est soutenu par une chorégraphie mystérieuse, signée Zinoun, de femmes drapées dans des haïks blancs entourant Mona.
Les séquences d'Essaouira montreront la beauté de cette cité du vent, et aussi celle du rapport mère-fils, entre Yacine et Mamma Khadija, surtout cette image où il apparaît sous l'arcade de l'entrée de la salle de bains, enveloppé dans une serviette et le visage barbouillé de mousse de rasage, tandis qu'il converse avec sa mère adoptive qui lui recommande de prendre soin de Leila. Il est sous l'arcade symbolique de l'orgueil de l'homme mais à l'écoute de la voix de la sagesse.
C'est à Essaouira que Mona remontera les traces du passé tragique de son père perdu. Prisonnier politique torturé, sa mémoire sera commémorée avec celle de tous les autres disparus lors d'une veillée devant l'ex-centre de torture et de détention du Derb Moulay Cherif de Casablanca, où les lueurs d'une multitude de bougies éclairent les photographies des suppliciés dans la danse macabre des années noires. Au cours de cette veillée Mona retrouvera un des anciens frères de combat de son père.
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