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Education et environnement : les écologistes s'inquiètent

A l'occasion de la tenue de
l'atelier de l'intégration de l'éducation à l'environnement au sein des programmes scolaires et des activités associatives, nous avons rencontré M. El Houssine Zaïd, professeur à l'Université Mohammed V Agdal, Faculté des s

Education et environnement : les écologistes s'inquiètent
Q : M. El Houssine Zaïd, vous êtes enseignant-chercheur à l'Université Mohammed V Agdal, à la Faculté des sciences de Rabat depuis 24 ans où vous vous intéressez à la physiologie des plantes et à leur utilisation à des fins environnementales. Vous avez été invité à animer une bonne partie de cet atelier en présentant des exposés interactifs abordant les problématiques de l'eau, des pratiques agricoles et leur impact sur l'environnement, les notions de développement durable, de biodiversité et l'intervention, souvent négative, de l'homme sur les écosystèmes. Ma première question concernera la région d'Essaouira que vous avez eu l'occasion de visiter à maintes reprises lors de vos activités de recherche en relation avec le département de l'environnement et du PNUD. Comment l'avez-vous trouvée?
R : Splendide et séduisante!
Q : Qu'est ce qui fait sa splendeur?
R : En dehors de son côté artistique et culturel, c'est la diversité de ses écosystèmes qui m'a frappé.
Q : Et plus précisément?
R : La région abrite une végétation riche, diversifiée et bien adaptée aux conditions de l'environnement. S'il n'y avait que l'arganier (Argania spinosa) comme unique espèce endémique, ça aurait suffi pour mériter le détour.
Q : Voulez-vous dire qu'il ne s'agit pas de l'unique plante endémique du Maroc?
R : Certainement pas puisqu'il y en a plusieurs
Q : Et à part la végétation?
R : Il y a également de belles dunes dont certaines sont fixées, d'autres semi-fixées alors que le reste en perpétuel mouvement (dunes vives), ce qui ne manque pas de se répercuter négativement sur la ville et ses environs (l'ensablement de Dar Sultan Mahdouma au village des Diabat en est un exemple parlant!).
Forte pression sur l'arganier
A ce propos, il convient de souligner que c'est là un des aspects de la fragilité de l'environnement d'Essaouira. Un autre aspect consiste en la forte pression qui pèse sur l'arganier et qui pourrait être contrôlée par une gestion durable de cette ressource naturelle originale.
Q : Mais l'arganier n'est-il pas classé «Réserve de Biosphère»?
R : Théoriquement oui! Mais en pratique, son charbon continue à être exploité. De même, j'ai appris il y a quelques semaines, dans le journal télévisé, qu'une superficie non négligeable d'arganiers située dans la région d'Agadir, allait être déboisée pour céder la place … à la décharge!
Q : Vous avez abordé les végétaux et les dunes, mais qu'en est-il des animaux?
R : N'étant pas spécialiste du domaine animal, je ne risquerai pas de me hasarder, mais je pense qu'il serait sage de faire un diagnostic plus détaillé pour avoir des données fiables sur ce secteur. Mais l'on peut d'ores et déjà citer le fameux Faucon d'Éléonore (Flacon eleonorea) qui niche sur l'île Mogador. Ah! J'allais oublier l'île! D'après l'état des connaissances fragmentaires, scientifiques relatives à l'archipel, une étude de la biodiversité animal serait une priorité à inscrire et à accomplir d'urgence.
Q : Le Faucon d'Éléonore est-il le seul rapace de la région?
R : Non, il en existe au moins un autre : le faucon crécerelle. Mais l'important de signaler la présence de lagunes qui sont des espèces de clairières situées à l'intérieur de la forêt dunaire. Nous les avons visitées hier en compagnie d'une trentaine d'enseignants/responsables d'associations invités à l'occasion de la session de formation sur la thématique de l'éducation à l'environnement organisée conjointement par Enda Maghreb, le département de l'environnement, la délégation de l'Education nationale d'Essaouira et le ONUD. Permettez-moi de vous dire qu'elles sont dans un état déplorable!
Q : A quoi cela est-il dû?
R : En partie à la pollution
Q : De quel type de pollution s'agit-il?
R : D'abord, il y a le plastique et les boîtes de conserve vides qui témoignent du passage irresponsable de certains visiteurs. Ensuite ces larges sont envahies de dépôts et déchets dus à l'extension de l'urbanisation qui a réduit la superficie de ces milieux. Enfin, une odeur désagréable, probablement due à la présence d'égouts, envahit les environs, deux bouches, d'égout fonctionnelles, selon des témoins, par période de surcharge des émissaires, servent à déverser l'excédent «d'ordures» dans la lagune.
Q : Ces lagunes sont donc une source de nuisance aux habitants du coin?
R : Ecoutez! les première lagunes sont situées à une trentaine de mètres des premières maisons! la proximité de l'agglomération urbaine leur est nuisible. Nous avons, lors de la sortie d'hier, remarqué la présence dans la lagune d'un gros pneu usé, milieu propice pour le développement de larves et plus tard de nymphes de moustique.
Et vous savez aussi bien que moi, l'ampleur de la nuisance que peut causer cet insecte.
Q : Faut-il alors les assécher? Puisqu'elles sont sources de nuisance?
R : Certainement pas! Vous savez que ces lagunes sont les zones humides que certains oiseaux migrateurs ont choisies comme station de repos pour y nidifier avant de reprendre leur long et éternel voyage.
Soyons donc des hôtes à la hauteur, et souhaitons-leur la bienvenue.
Q : Comment cela?
R : En nettoyant et en préservant ces milieux rares dans la région puisque la qualité de l'eau se répercute directement ou indirectement sur la flore et la faune. De plus, bien valorisées, ces lagunes pourraient constituer des sources d'attraction intéressantes.
Q : A propos de la flore des dunes qui est à proximité des lagunes, la trouvez-vous appropriée?
R : Il y a une espèce dont la présence me dérange: il s'agit de l'Eucalyptus!
Q : Pourquoi cela?
R : C'est une espèce qui consomme beaucoup d'eau ce qui ne cadre pas avec l'objectif de maintenir ces zones humides.
Q : Que peut-on mettre à la place?
R : D'autres essences forestières: des arbres fixateurs d'azote par exemple (en dehors de l'Acacia cyanophylla qui a déjà été introduit dans la région), des espèces qui ont déjà fait leurs preuves ailleurs.
Q : Un exemple?
R : Le Casuarina par exemple, qui est un arbre actinorhizien pas trop exigeant et qui a fait ses preuves dans le sud-est asiatique et particulièrement au Vietnam, en Egypte, au Sénégal etc .
Q : Vous vous êtes intéressé à plusieurs composantes de l'Environnement d'Essaouira…
Une trilogie à préserver
R : En effet, j'estime qu'il faudrait focaliser davantage sur la trilogie «Dunes/Arganier/Faucon d'Éléonore» à laquelle on pourrait peut être associer les lagunes et le côté culturel et artistique de la ville.
Q : Vous nous avez brossé un tableau très positif de la région d'Essaouira. Qu'en est-il du côté négatif! D'abord existe-t-il? Si oui, en quoi consiste-il?
R : C'étaient là les principaux atouts que la région d'Essaouira recèle. Malheureusement, des pressions pèsent sur elle et constituent sa faiblesse et sa fragilité.
Q : Lesquelles?
R : Elles sont de deux types : celles liées aux activités humaines, et celles liées aux phénomènes naturels. Concernant les premières, j'évoquerai une urbanisation non réfléchie, un réseau d'assainissement vétuste et ancien, une déstructuration de la végétation des cordons dunaires, une pression trop forte sur l'arganier, l'extraction du sable fluviale, le prélèvement du bois, etc … Quant aux secondes, elles peuvent se résumer en trois points:
- Les inondations dues aux crues de l'oued Ksob;
- Le déplacement des dunes de sables par le vent,
- La conjonction des facteurs climatiques défavorables (sécheresse, érosion éolienne).
Q : Un dernier mot pour conclure?
R : J'ai été très surpris par le grand nombre d'associations qui s'intéressent de près ou de loin à l'environnement .
Je salue ces compétences et potentialités et leur souhaite beaucoup de courage pour persévérer dans leur combat quotidien pour un environnement plus sain de leur ville et une biodiversité floristique et faunistique de sa région. Je tiens aussi à leur transmettre que j'ai été ravi de travailler avec eux durant ces trois jours et serai prêt à récidiver quand l'occasion le permettra.
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