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Entretien avec M. Abdeltif Lahjoumri, directeur général de Mawazine.

Dans une ambiance bon enfant, les villes de Rabat et Salé reçoivent pour la première fois de leur histoire un festival avec une qualité conceptuelle et organisationnelle exceptionnelle. M. Abdeltif Lahjoumri, Directeur Générale du festival Mawazine, nous

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Malgré la présence d'un grand festival à Rabat, on a longtemps réitéré le vide organisationnel des manifestations culturelles dignes de la capitale du Maroc. Cette année, on la fait sortir de cette léthargie mais pas n'importe comment. De toute évidence, l'association Maroc-culture fait sortir les grands moyens. Qu'en dites-vous ?
Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous parlez de léthargie à Rabat. Elle y abrite plusieurs activités culturelles et théâtrales animées par plusieurs organismes.
Ce qui manque par contre, à la capitale du Maroc, c'est cette petite touche qui lui donnerait une spécificité multidisciplinaire. Il fallait conférer à Rabat la dimension culturelle qui la distingue des autres villes.
Par exemple, aujourd'hui quand vous faites allusion à Fès, vous pensez directement au festival des musiques sacrées, et c'est exactement le même refrain avec Gnaoua qui célèbre les musiques du monde à Essaouira.
On est parvenu à ériger un rapport solide entre les villes et les évènements qu'ils génèrent, traduits essentiellement par une identification indissociable entre la manifestation et l'aspect social et culturel de la ville elle même.
À ce niveau-là, je peux converger avec vous et dire qu'il ne subsiste pas de signature culturelle qui permettrait à Rabat d'émerger du lot, et avoir sa propre empreinte.
L'ambition de Maroc-cultures est justement d'accorder à cette ville une empreinte culturelle, dont tout le monde se rappellerait sans peine. D'autant plus, on s'est lancé dans un créneau que nous voulons singulier, et pour lequel nous avons opté pour un concept qui évoque les rythmes du monde.
Le choix de ce thème a fait objet d'une longue recherche, et de concertation avec plusieurs organismes et compétences spécialisées dans la culture qui ont tenu à donner la priorité aux cultures qui s'expriment par différentes manières que ce soit à travers le corps, les danses, ou des chorégraphies qui interpellent non seulement les arts traditionnels mais également la capacité de ceux-ci de faire un nœud avec la modernité.
Il existe un festival à Rabat déjà établi depuis quelques années. Est-ce qu'on n'aurait pas suscité une certaine concurrence entre les deux festivals ?
Absolument pas. Notre ambition est de créer une complémentarité entre les deux événements.
D'autant plus qu'il y a une différence fondamentale entre les deux rencontres. L'approche du festival de Rabat est polyvalente, et touche des activités diverses, le théâtre, l'art plastique, la musique, le cinéma, les conférences, etc. Cela pour vous dire qu'il est extrêmement riche, procurant à Rabat une animation qui s'inscrit dans le registre de la richesse et de la variété.
Par ailleurs, l'association Maroc-cultures tient à placer Mawazine dans un contexte qui se veut entièrement différent et innovateur. La rencontre opte pour un seul aspect culturel, celui de l'expression du corps, mettant toute la lumière sur la danse et le ballet.
Autre point fort de Mawazine réside dans sa volonté à contribuer au rehaussement de la qualité de l'art. À travers Mawazine, le public le constatera certainement, nous accordons une importance exceptionnelle à la sculpture, et à l'art plastique, car nous voulons faire sortir notre pays des dédales de l'amateurisme, et le placer sur les rails du professionnalisme.
Pour cet événement, nous invitons un des grands sculpteurs africains, le Sénégalais Osman Sow. Ses géantes sculptures symbolisent les mouvements qui retracent les étapes du long fleuve de la vie.
Ces sculptures ont emporté un succès fracassant au Pont des Arts à Paris, et Mawazine donnera l'occasion au public Marocain d'apprécier à son tour ces œuvres de grande valeur artistique.
Une programmation éclectique est offerte au public R'bati. Vous avez convié des musiciens venant des contrées les plus lointaines, Bolivie, Mali, Mexique, etc. Quels ont été les critères de choix ?
Premièrement, il faut noter que toutes les troupes et chanteurs qui ont été invités proviennent de ce que l'on appelle les pays du Sud.
Nous avons pensé que la mission de ce rendez-vous est de sortir de l'ordinaire, et permettre à son public de découvrir des destinations et des arts que je ne dirais pas méconnus, mais plutôt qui ont besoin d'être rapproché.
Par exemple, le choix de la Bolivie, et notre sollicitation pour la Diablada qui est une troupe de mineurs, et qui quitte de surcroît pour la première fois son pays pour aller vers une destination étrangère, n'est pas un hasard.
Cette troupe a été classée patrimoine immatériel de l'humanité lors de la même année que la place de Jamaâ El Fna.
Une fois que la Diablada achève son spectacle à Rabat, elle se rendra à Marrakech pour célébrer la symbiose artistique entre deux précieuses valeurs humanitaires. Dans ce sens, l'UNESCO n'a pas raté l'occasion pour souligner que la Diablada qui se produira sur la place de Jamâa El Fna constitue une consécration de la sauvegarde des patrimoines oraux et immatériels de l'humanité.
Les traditions populaires que ce soit en art ou en musique occupent une place prépondérante.
À travers ce grand événement, l'association Maroc-cultures tient absolument à marquer des points positifs pour faire évoluer les réalités culturelles et artistiques dans notre pays.
Nous comptons déployer tous les moyens pour sauvegarder le patrimoine culturel traditionnel.
La mission de préservation est une condition sine qua none si l'on veut contrecarrer ce phénomène de mondialisation qui menace les civilisations anciennes d'effritement.
On ne peut s'offrir le luxe de garder les mains croisées et ne pas tenter la sauvegarde de notre patrimoine national, meilleur témoignage de notre identité et de notre enracinement.
L'ambition de Mawazine est de redécouvrir les multiples facettes de notre culture, tout en installant ces traditions dans une logique de modernité.
Dans cet esprit, les chapiteaux de Salé, installés au profit des enfants en situations précaires, feront découvrir au public des présentations inédites des troupes africaines spécialisées en danse contemporaine élaborées à travers leur propre terroir.
Toutefois, il faut prendre garde quant à la manière dont on veut préserver notre patrimoine. Entreprendre une stratégie qui vise une sauvegarde saine, réalisée dans un esprit de modernité et non pas dans une approche folklorique est une démarche nécessaire à prendre en considération. La préservation de notre héritage civilisatrice est indéniablement le dénouement heureux pour que notre âme se réjouisse d'une béatitude identitaire totale.
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