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Entretien exclusif avec M. Abderrahmane Youssoufi

Après quatre années et demie d'alternance, alors que les candidats aux législatives du 27 septembre battent campagne et pavé, Abderrahmane Youssoufi ne cache pas sa satisfaction. Le bilan du gouvernement aux destinées duquel il a présidé est, dit-il «réel

Entretien exclusif avec M. Abderrahmane Youssoufi
Le pouvoir exécutif a travaillé harmonieusement». Et ce samedi 14 septembre, jour de l'ouverture de la campagne électorale, le Premier ministre s'est volontiers prêté au jeu des questions sans jamais se départir de sa sincérité de militant.
L'exercice du pouvoir, confie-t-il, ne l'a pas changé. «Ma trajectoire est la même, ma manière d'être aussi». Le premier secrétaire de l'Union socialiste des forces populaires ne renie rien de son passé et revendique haut et fort l'héritage socialiste. «De la même façon que nous avons combattu pour libérer notre pays du colonialisme et lutté pour les droits de l'Homme, nous voulons également que le Maroc se développe et qu'il soit bien géré. Et nous pensons que nous sommes aptes à y participer. Nous ne sommes pas condamnés à faire tout le temps des discours à partir de telle ou telle tribune nationale ou internationale. Il faut aujourd'hui acquérir la culture de gouvernement. L'USFP a fait sa mue, beaucoup plus qu'avant le 6e Congrès». L'homme s'est essayé, «grâce à la confiance de Feu S.M. Hassan II et celle renouvelée de Sa Majesté Mohammed VI», à imprimer un cachet particulier à la primature qui «jouit désormais d'une autorité morale dans le cadre des institutions».
Affable et souriant, Si Abderrahamane comme l'appelle affectueusement ses camarades, n'a éludé aucune interrogation. L'entretien qui a duré plus d'une heure tente de faire le point en trois temps : le temps de l'alternance et son bilan, le temps de l'USFP en campagne et enfin le temps des perspectives. M. Youssoufi est-il toujours tenté par le pouvoir ? Pourquoi les Marocains de l'étranger ne participeront-ils pas aux élections du 27 septembre ? Quelles sont les décisions qui ont été les plus difficiles à prendre pour le Premier ministre sortant ? L'extrémisme est-il un thème de campagne ?

Le Matin : Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur l'alternance inaugurée en 1998. Que diriez-vous d'elle, qu'elle a été consensuelle, porteuse de transition ou difficile à mener avec sept partis pas forcément à la même identité ?

Abderrahmane Youssoufi : C'est un petit peu tout cela à la fois. Cette expérience va marquer l'histoire du Maroc et aussi son présent. Il s'agit d'un événement très important qui a constitué un tournant dans notre vie politique. L'alternance est même arrivée à point nommé puisque le Maroc était en état de crise. Je n'ai pas besoin de répéter cette formule dramatique qu'avait utilisée Feu S.M. Hassan II. Les conditions de sa pleine réussite n'étaient pas à l'évidence toutes réunies. C'était un pari courageux que j'ai pris en m'adossant à la confiance de Sa Majesté et j'ai fais le pari de conduire cette alternance consensuelle en m'adossant également à une nouvelle majorité. Il n'était pas évident pour beaucoup de monde que cette expérience allait durer. Non seulement elle a connu une dramatisation par le changement de règne mais elle s'est révélée un facteur de transition dans l'autre sens, c'est-à-dire un facteur de consolidation et de stabilité dans notre pays. La confiance renouvelée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI a été aussi un nouvel élément qui a fortifié cette expérience. Malgré les appréhensions ou les souhaits qu'aurait pu avoir tel ou tel observateur, la majorité est restée jusqu'au bout cohérente. Il n'y a pas eu de crise politique, juste un remaniement qui s'avérait nécessaire. Nous n'avons enregistré aucune demande de démission ni de conflit à l'intérieur de la gestion gouvernementale.

Premier ministre du premier gouvernement d'alternance, comment avez-vous appréhendé l'exercice de la primature ? Quels sont aujourd'hui les acquis pour cette institution ? Y a-t-il eu finalement un effet Youssoufi ?

Il est vrai qu'il s'agissait d'une «première». La nouveauté réside dans le fait que le Premier ministre était le dirigeant d'un parti politique. Ensuite, grâce à l'esprit et les dispositions de la Constitution révisée, une des premières prérogatives dont j'ai bénéficiée, était celle de proposer l'équipe ministérielle. Il s'agit d'une nouvelle coutume constitutionnelle. Cela a donné à la primature une autorité morale non seulement sur ses collègues mais dans le cadre des institutions. Je considère que les dispositions constitutionnelles en vigueur ont permis à l'Exécutif de s'affirmer et de jouer son rôle tel qu'il le concevait. Evidemment, il y a des interprétations et des souhaits parmi les analystes et observateurs. Je ne partage pas l'ensemble de ces observations. Je considère que le gouvernement a travaillé en bonne intelligence avec le chef de l'Etat, S.M. Mohammed VI et avant lui, avec feu S.M. Hassan II. Avec ses deux composantes, le pouvoir exécutif a travaillé harmonieusement.
Non ! Cette notion ne correspond pas à notre situation politique et constitutionnelle. Il est suffisamment spectaculaire et original de constater que Feu S.M. le Roi a appelé le chef de l'opposition d'une façon claire, publique et affirmée. Un chef d'opposition qui ne disposait même pas d'une majorité relevant de son camp.

Il y a quelques semaines vous présentiez le bilan du gouvernement que vos conduisez. Un bilan éminemment politique avec une production législative importante mais vos adversaires vous reprochent la lourdeur du déficit socio-économique même si les dépenses en la matière occupent environ 40% du budget de l'Etat. Qu'en est-il de la morosité et de la frilosité du monde de l'entreprise qui se dit avoir été peu écouté par le gouvernement? Et que dire à ces 20% de Marocains qui vivent avec moins d'un dollar par jour ?

Je vous fais remarquer que tout cela n'est pas le produit de l'alternance. Nous avons hérité d'une situation. Et si l'héritage n'était pas préoccupant, S.M. Hassan II n'aurait pas prononcé cette phrase fatidique (NDLR : « Le Maroc est au bord de la crise cardiaque »).Soyons tous bons joueurs et rappelons-nous dans quelle situation se trouvait notre pays. Comparons cette situation avec l'actif de ce gouvernement. Parmi les acquis incontestables, il faut noter l'effort fait pour consolider l'Etat de droit. Les libertés ont connu un essor important et ont été codifiées d'une façon excellente. Nous étions conscients du déficit social et nous avons essayé de le résorber. La proportion des dépenses sociales s'élève actuellement à 48%. Il y a eu un effort important d'attraction des investissements tant il est vrai que la principale plaie était le chômage et tout particulièrement celui des jeunes, cette armée de chômeurs que nous avons trouvée. La solution de ce problème réside dans le fait que le pays doit connaître une croissance forte laquelle nécessite des investissements nombreux et importants, nationaux et étrangers. On ne peut pas nous contester le fait que c'est pendant ce gouvernement que le Maroc a pu obtenir le plus haut niveau d'investissements. D'autre part, ces investissements ont permis la création de nombreux emplois. Nous avons fourni un effort extraordinaire puisque nous avons créé 70 000 postes dans la fonction publique alors que notre Administration est saturée et que nous nous attirons des reproches des institutions financières.
Le Maroc dépasse l'Egypte en la matière. Cet effort se poursuit, le dernier épisode résidant dans le règlement de la situation des 1300 jeunes titulaires d'un diplôme de troisième cycle. Nous avons fait un effort extraordinaire sur le plan de la santé. Des établissements fermés qui ne fonctionnaient pas ont rouvert. Nous avons créé des institutions pour lutter contre la pauvreté, que ce soit l'Agence de développement social ou l'Agence pour la promotion de l'emploi, l'institution du micro-crédit en plus de tous les textes adoptés qui vont dans le sens de la résorption du déficit social. Un tel déficit a d'ailleurs été résorbé en matière de scolarisation. On oublie beaucoup que ce gouvernement a réalisé la réforme de l'enseignement et de la formation. L'application de la charte de l'enseignement en est à sa troisième année. Nous tenons notre pari puisque le taux de scolarisation des garçons et filles de 6 ans frise les 100%. Ceci est valable pour le monde rural notamment pour les petites filles dont le pourcentage de scolarisation dépasse 80%. Nous avons adopté la loi relative à l'assurance-maladie obligatoire, ce rêve des Marocains et des gouvernements précédents qui n'a jamais pu traverser une certaine barrière. Il y a une injustice à considérer qu'il y a un déficit économique et social du fait du gouvernement. Il a fait plus que ce qu'il n'y avait dans ses possibilités pour résorber ces déficits. Malgré les crises internationales, la hausse des carburants, celle du dollar, les trois années de sécheresse. Face à de tels éléments négatifs, il aurait été difficile d'en sortir avec des fondamentaux en équilibre, d'apporter des solutions aux effets de la sécheresse dans les campagnes, de faire face à des catastrophes qui planaient sur notre cheptel, d'empêcher l'exode rural, de prêter attention aux petits agriculteurs ruinés. Nous avons créé des millions de journées de travail à la campagne. Nous avons également accéléré l'extension de l'adduction d'eau dans le monde rural. Celle-ci a dépassé les 50%. De même que l'extension du réseau d'électrification a atteint 1500 villages par an. Nous allons rapprocher les échéances avec une généralisation fixée à 2006. Nous avons aussi fait un effort pour désenclaver le Nord. Plus personne ne peut contester l'action menée par l'Agence du développement du Nord. Ajoutez à cela la création de l'Agence de développement des provinces du Sud. Notre bilan est réellement positif.

« L'alternance a ouvert des appétits »



Quel regard portez-vous sur les usines qui ferment en l'absence d'une loi qui régisse le droit de grève ?

Nous regrettons les fermetures d'usines. Les conflits ne devraient pas, à notre avis, atteindre une telle gravité. Je crois qu'il a manqué à certains dirigeants la maturité et la sérénité nécessaires. Les torts sont parfois partagés. Nous n'approuvons pas que des patrons excluent ou congédient des ouvriers parce qu'ils se sont syndiqués. Il fallait que les partenaires sociaux soient plus coopératifs entre eux. Mais on oublie de dire dans la presse que nous avons résolu des problèmes sociaux graves qui touchaient des entreprises importantes et un grand nombre d'ouvriers. Je pense à ICOZ, aux Celluloses du Maroc, à CIMET, la SAMIR…
La fermeture d'usines fait partie des dérapages. J'ai dit devant des journalistes étrangers que le Maroc vivait un Mai 68 permanent.
L'alternance a ouvert des appétits. Tout le monde a pensé que le moment était venu de satisfaire toutes ses revendications et de les imposer par des sit-in plus ou moins légaux.
Dans le même temps, nous avons développé les petites et moyennes entreprises qui doivent constituer l'essentiel de notre tissu productif. Voilà des structures dotées d'une charte et bientôt de moyens d'appui financiers après la signature de l'accord avec la société financière internationale, SFI. L'artisanat a connu un développement extraordinaire et il constitue une ressource très importante pour l'emploi. Transition facile pour vous parler du tourisme qui s'est développé parce qu'il y a une confiance dans le Maroc. Ce succès est accompagné par celui de l'augmentation des transferts de nos compatriotes à l'étranger qui, depuis l'alternance, a connu un accroissement sensible.

Le droit de vote des MRE : « oui, mais »



Mais en même temps les MRE n'ont pas eu le droit de vote

Je comprends la protestation civique de nos compatriotes à l'étranger et je les en félicite parce qu'ils ont ce sens aigu de la citoyenneté. Cependant, il faut vérifier la légitimité de cette protestation. Nous avons eu une expérience durant laquelle nos compatriotes ont élu des députés. Tout le monde est unanime pour reconnaître qu'il s'agissait d'une mauvaise expérience parce qu'ils représentaient des continents entiers, n'avaient aucun contact avec leurs mandants et l'émigration ne se sentait pas représentée. Depuis, les autorités marocaines pensaient - et nous aussi quand nous étions dans l'opposition- à une représentation plus adéquate, inspirée de ce qui se fait dans d'autres pays. C'est-à-dire assurer d'abord une structure qui représente les Marocains de l'étranger et faire en sorte que cette représentation soit une réalité dans des structures constitutionnelles marocaines. Leur association aux travaux du Conseil économique et social où seront débattus les problèmes sociaux et économiques intéressant nos compatriotes est une idée qui a besoin d'être creusée . Nous ne contestons pas leur droit à voter demain s'il y a une réforme constitutionnelle, un référendum, la chose étant plus facile.
Les Marocains résidant à l'étranger sous-estiment la complexité des mécanismes de leur participation, dans l'état actuel des choses, aux élections législatives. Ils ne se rendent pas compte de l'inapplicabilité de ce droit. Nous sommes sous le régime de la nouvelle loi électorale instaurant le scrutin de liste et en présence de 91 circonscriptions. Dans quelles circonscriptions ces centaines de milliers de Marocains de l'étranger vont-ils voter ? Ces circonscriptions ont été taillées selon des critères et des équilibres démographiques. Nous ne contestons pas le principe du droit de vote mais les modalités n'ont pas encore été trouvées car le Maroc est en mutation. Les deux révisions constitutionnelles ne nous ont pas permis d'aller au fond des choses. Il a été convenu que la formule la plus adéquate serait le Conseil économique et social qui n'a pas encore été mis en place. A la législature prochaine, tous ces problèmes qui n'avaient pas un degré d'urgence durant celle qui s'achève, seront abordés et réglés.

L'alternance a forcément ses aspects cachés. Quelles sont les décisions qui ont été pour vous les plus difficiles à prendre ?

Il y en a eu plusieurs, sachant que toutes les décisions sont prises de manière responsable. Le dernier exemple en date est la loi électorale qui n'a pas été un exercice facile. Nos objectifs étaient de rompre avec les expériences précédentes. Il fallait également établir une loi électorale qui permette de réaliser cet objectif de transparence. Nous voulions que la place de la femme dans la décision politique soit accrue et faire accepter à la société machiste marocaine les dispositions de cette loi progressiste, admirée par les observateurs étrangers. Les lois les plus difficiles sont les lois de Finances. Chaque année, c'est un exercice ardu et même un calvaire. D'abord, pour le ministre des Finances mais aussi pour le Premier ministre qui doit arbitrer entre deux positions défendables. Autrement, la cohésion gouvernementale, l'excellent travail de préparation dont nous bénéficions grâce à une administration efficace et de qualité, qui a, contrairement à ce qu'auraient pu penser les gens, joué loyalement le jeu et travaillé pour servir le pays. C'est ainsi que nous avons pu dans un laps de temps aussi court et dans l'ambiance que vous connaissez présenter ce bilan.

Est-ce que cela signifie que vous êtes venu à bout de ces fameuses poches de résistance que vous évoquiez au début de l'alternance ?

Apparemment oui !

« L'USFP a fait sa mue ! »



Venons-en à présent à l'USFP. Le sixième congrès aura permis un exercice de clarification dans votre parti. Si vous deviez aujourd'hui à la mi-septembre décrire l'évolution de l'USFP depuis mars 2000 que diriez-vous ?

Je dirai que l'USFP évolue dans la voie de la modernisation. C'est un parti dans lequel se posait la problématique de son organisation. Il souffrait des dysfonctionnements de ses structures organisationnelles. Il y avait comme une espèce de crise permanente et paralysante du parti due à certains courants ou pseudo-courants, ou encore certaines attitudes assez conservatrices et même rétrogrades. La meilleure preuve que l'USFP souffrait de cela, est l'arrivée du grand événement qu'est l'alternance. C'est-à-dire la chance pour le parti d'arriver aux affaires. C'est un enthousiasme généralisé qui devait se produire dans les rangs du parti et lequel allait logiquement appuyer son premier secrétaire, le gouvernement et l'expérience. Paradoxe, nous n'avons pas assisté à cela. Il faut se demander comment un Premier ministre et un gouvernement ont pu relever ce défi avec un parti sclérosé jouant l'inertie. Le 6ème congrès de l'USFP a marqué un changement qualitatif et organisationnel. Le parti s'est volontairement ou involontairement débarrassé de ces éléments qui étaient de véritables obstacles dans son fonctionnement. Depuis, nous voyons une USFP qui a repris sa vigueur et tenu tous ses congrès provinciaux. Son secteur féminin s'est développé et sa jeunesse s'est régénérée et restructurée en devenant encore plus forte qu'elle ne l'était. C'est un parti qui se porte bien et garde sa place prééminente dans l'échiquier. Il est toujours porteur des espoirs du peuple marocain. L'épreuve des élections va encore le dynamiser. Je pense que nous allons aborder la suite de cette alternance dans de meilleures conditions.

Votre parti mène campagne sur le thème de la transition démocratique et de l'expérience qu'il faudrait continuer pour que les acquis soient préservés. Quelles ont été derrière le rideau les ultimes recommandations du premier secrétaire à ses camarades ?

Je leur ai dit qu'ils avaient deux tâches. D'abord expliquer le bilan gouvernemental, le faire partager avec les électeurs car, paraît-il, il n'y avait pas suffisamment de communication alors que nous savons tous qu'il y avait plutôt de la désinformation. Ensuite, convaincre les électeurs de la nécessité de continuer cette expérience pour faire réussir les chantiers déjà ouverts et en ouvrir d'autres. Je pense par exemple à la réforme de l'audiovisuel sur laquelle nous avons travaillé pendant 4 ans. Il y a maintenant une Haute autorité et nous avons enterré le monopole étatique en matière de communication. Je leur ai demandé d'insister sur les grands problèmes pour lesquels nous n'avons pas eu tous les moyens, mais qui demeurent des problèmes que nous avons hérités et dont va hériter le prochain gouvernement. Je pense particulièrement à l'insuffisance des emplois pour nos jeunes. Il faut faire un grand effort pour trouver d'autres investissements et engager nos concitoyens à investir. Si l'emploi des jeunes est un chantier prioritaire pour nous, la consolidation des droits de la femme l'est également. Cette expérience a eu le mérite de sensibiliser la société marocaine sur le problème de la femme. Le débat qui a eu lieu pendant ces quatre années est inédit. Il a aussi permis aux forces conservatrices de paraître sous leur vrai jour et aux forces de progrès de se réunir même si elles ne l'ont pas fait suffisamment. Nous sommes arrivés à des résultats : une commission Royale va réformer le Code du statut personnel. Et nous allons continuer de développer le rôle politique de la femme. Les prochaines élections municipales vont être l'occasion d'élargir l'espace devant les Marocaines…
N'est-il pas contradictoire que l'USFP ne présente aucune femme tête de liste au niveau provincial ?
Nous nous sommes engagés à réserver la liste nationale aux femmes et à présenter des candidates également sur les listes provinciales à des degrés qui peuvent être gagnants. Nous n'avons pas dit que nous allions présenter les femmes en tête de listes provinciales et par conséquent nous ne nous sommes pas déjugés. Bref, la représentation féminine ne se limite pas pour nous à la liste nationale. Je crois que le choix est toujours un débat et répond à une situation concrète sur le terrain d'une circonscription. Nos sœurs ont occupé les places qui étaient possibles pour elles. Cela ne signifie pas que nous ne nous voulions pas les mettre en tête de liste. Je pense qu'une femme passera parce qu'elle est en deuxième position et que le compagnon masculin a pu servir de locomotive. Hypothèse qui ne serait peut-être pas réalisée si cette camarade était tête de liste…

« Nos services de sécurité fonctionnent bien »



L'Istiqlal exprimait dernièrement sa crainte de voir la campagne électorale se réduire à un débat entre «laïcs et islamistes». Que vous inspirent les événements liés à la Salafya Al Jihadya sur lesquels vous ne vous êtes pas exprimés ?

L'Istiqlal a toute latitude d'analyser comment doit se passer la campagne électorale. Nous ne concevons pas pour notre part que la campagne va se dérouler sous le signe de l'affrontement entre les partis démocrates et ceux dits islamistes. Notre préoccupation est de convaincre les Marocains de la justesse de l'expérience d'alternance, de la nécessité vitale qu'elle puisse se poursuivre et prospérer et de la nécessité de voter pour les forces politiques qui ont été déterminantes dans cette expérience. Nous n'allons pas intégrer les faits divers dans la campagne électorale. Nos services de sécurité fonctionnent bien. Ce pays stable et démocratique n'a jamais connu de gangstérisme sous couvert de prosélytisme religieux. Il y a eu des cas isolés et nous n'avons aucune crainte pour notre pays. La détection de cellules dormantes qui seraient en contact avec des organisations mystérieuses signifie également le bon fonctionnement de nos services de sécurité. Mais cela ne saurait être pour nous un thème de campagne.

Abderrahim Bouabid disait que les sièges n'intéressaient pas l'USFP. Avez-vous le sentiment que les militants et des sympathisants ont réussi le passage de la culture de l'opposition à celle du pouvoir ?

Dans une large mesure même si cela se fait progressivement, ne sont restés à la traîne que quelques minorités. Le parti a rempli sa mission, a exercé sa fonction tribunitielle lorsque cela était nécessaire. Nous ne l'avons pas fait seulement par le discours car nous avons payé de différentes façons. Les idées démocratiques n'ont pas éclaté de manière spontanée au Maroc. Tel était le propos de Bouabid. Nous sommes aujourd'hui satisfaits de voir les Marocains attachés à la démocratie. Il y a même quelques hyper-démocrates dans notre pays. Cette phase était accomplie alors que l'heure de résoudre les problèmes était venue et que l'échec de ceux qui voulaient nous barrer la route devenait patent. Nous sommes des patriotes. De la même façon que nous avons combattu pour libérer notre pays du colonialisme et lutté pour les droits de l'Homme, nous voulons également que le Maroc se développe et qu'il soit bien géré. Et nous pensons que nous sommes aptes à y participer. Nous ne sommes pas condamnés à faire tout le temps des discours à partir de telle ou tribune nationale ou internationale. Il faut aujourd'hui acquérir la culture de gouvernement. L'USFP a fait sa mue, beaucoup plus qu'avant le 6e congrès.



« Je continuerai d'exercer mes responsabilités
à l'USFP »



Nous sommes le 28 septembre au matin et les résultats des élections sont annoncés. Si l'USFP fait partie de la majorité avec qui pourrait-elle gouverner ?Aura-t-elle encore la force d'élargir le spectre ? Les alliances pré-électorales, malgré le scrutin par liste, n'auraient-elles pas facilité la tâche ?

J'espère vous revoir après le 28 septembre et nous en rediscuterons…

La mission de Abderrahmane Youssoufi est-elle terminée avec la transition démocratique ? L'expérience du pouvoir vous tente-t-elle encore ?

La seule expérience qui m'ait tenté est de travailler pour mon pays. J'ai passé la plus grande partie de ma vie dans l'opposition, que ce soit sous le protectorat ou à l'Indépendance. J'ai participé pendant 4 ans et demi à l'exercice du pouvoir. J'appartiens à un parti dont je souhaite qu'il continue à participer à la gestion de la chose publique. Je poursuivrai l'exercice de mes responsabilités politiques au sein de l'USFP et elles vont me dicter de faire en sorte que le parti soit entièrement derrière mes camarades s'ils sont au pouvoir. Voyez-vous, il n'y aucun changement dans ma trajectoire, ni dans ma façon de faire et d'être.

Qu'est-ce que le Premier ministre sortant que vous êtes peut-il souhaiter au prochain chef de l'Exécutif ?

Nous allons essayer de l'aider, mes camarades et moi-même pour qu'il réussisse dans sa mission. Les souhaits, c'est bien, les gestes et les actes sont encore plus précieux.
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