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Espaces verts: la lente décrépitude d'un bel ermitage

La capitale économique manque cruellement d'espaces verts. La moyenne en espaces plantés par habitant n'y est que de 1,5 m2 per capita environ. Dans l'indifférence générale, certains îlots de verdure continuent à subir les outrages du temps et des hommes.

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Décidément, il n'a plus fière allure … Altier au temps de son édification, le lion de l'Ermitage a perdu de sa magnificence. A l'instar du plus ancien jardin de Derb Soltane qui souffre le martyre depuis le jour où il a été décidé qu'un nouveau découpage administratif le prive de son vivier naturel, il a non seulement subi les outrage du temps, mais aussi celui des hommes. D'aucuns se sont, en effet, échinés à faire ressembler ce fauve à un simple petit chaton. A force de patience et de coups de burin, ils l'ont transformé en ruine. A leur vandalisme, rien n'a échappé, même pas les bancs de jaune de et de vert peints construits par des militants syndicalistes en mal d'action. Flash-back sur cette opération lancée il y a quatre ans pour donner plus de couleurs à un endroit délaissé depuis plus d'une décennie.
Son histoire commence comme un rapport de police. Par la date : Dimanche 28 juin 1998 et le lieu : l'Ermitage. Ce jour, aux alentours de la délégation du ministère des Affaires culturelles de la Wilaya, il y avait foule. Beaucoup de badauds, mais, surtout, un nombre impressionnant de militants CDT venus prêter main forte à leur secrétaire général. Il faisait très chaud. Tellement chaud qu'il a fallu arroser le sol pour éviter les désagréments de la poussière fine que le moindre petit pas élevait en volutes âcres et tenaces.
Laissé à l'abandon, le terrain choisi par cette centrale syndicale pour le lancement de son programme national de chantiers, ne payait pas et ne paie toujours pas de mine malgré sa superficie et sa situation : 1,3 ha jouxtant la belle bâtisse qui abrite la délégation régionale du ministère des Affaires culturelles. Il fallait donc préalablement préparer cet endroit à accueillir l'aréopage de personnalités officielles venues donner le premier coup de pioche pour le lancement du « projet Mohamed Bahi » qui, pour, une enveloppe globale de 310.000 Dh., devait permettre l'aménagement d'un petit jardin d'enfants, d'une aire de repos et d'une piste de course à pied ainsi que la réhabilitation de l'ensemble de l'espace environnant. Aux côtés des personnalités gouvernementales et syndicales, il y avait le président de la commune urbaine du Maârif, venu bénir des travaux. En effet, c'est de cette dernière que l'Ermitage dépend.
Retour sur la photo de famille : d'un côté, se tenaient des hommes et femmes en tenue de ville venus assister à la cérémonie, soit en qualité de participants ou de simples spectateurs, et de l'autre des hommes engoncés dans des gilets jaunes frappés du sigle syndical qui portaient des pelles et des pioches qu'ils semblaient savoir manipuler avec la dextérité des professionnels de la Promotion nationale. Ceci, contrairement aux personnels d'encadrement différenciés par leurs gilets verts et par les calepins froissés qu'ils serraient dans leurs mains, à la manière des fameux “manifolds” popularisés par l'OCP. Deux mondes qui se croisaient sans se rencontrer et sans mot dire, exceptés les ordres brefs donnés à haute et intelligible voix via des mégaphones qui ont longtemps servi à diligenter les 1er mai de Derb Omar. Symbolique ? Tout dans l'opération l'était. A commencer par l'agrément que le ministre-délégué auprès du Premier ministre chargé des Affaires générales, a donné aux initiateurs de l'opération le 18 juin 1998 en leur faisant part de “la profonde compréhension” du Premier ministre tout en les assurant de « l'entière disposition du gouvernement à accorder toutes les facilités possibles » afin que ce programme (qui devait être organisé sur l'ensemble du territoire national du 15 juillet au 15 août 1998 et voir la participation de 200.000 volontaires environ), se déroule « dans des conditions adéquates ». Qu'en a-t-il été de sa partie relative à l'Ermitage ?
A en juger par ce qu'il en est advenu, force est de reconnaître qu'elle ne devait point avoir pour finalité première de redonner des couleurs à ce vieil endroit de villégiature des mordus du défunt « terrain Chili » de nos jeunes années. Devenu l'un des dépotoirs les plus appréciés par les amateurs de la construction anarchique, l'entrée principale de ce jardin ressemble désormais plus à un champ de bataille qu'à une allée de jardin public. Bancs défoncés, eucalyptus en état de mort latente, palmiers qui refusent obstinément de grandir, puanteur, … tout n'est que ruine et désolation. Seul le vert et jaune des trottoirs continue de rappeler l'histoire de ce chantier pilote baptisé du nom de l'ancien correspondant à Paris du quotidien Al Ittihad Al Ichtiraki. Son naufrage, lui, nous remet en mémoire le nombre incalculable de projets d'espaces verts qui ne sont jamais sortis des cartons des édiles de l'urbanisme à Casablanca. Entre autres ceux qu'on nous a fait miroiter vers la fin de l'année 1997 et qui portaient sur la création de la ceinture verte du grand Casablanca, l'aménagement de la carrière de Sidi Moumen, la création d'un nouveau zoo près du parc Yasmina, etc. Des initiatives qui auraient pu augmenter, dans de proportions notables, la moyenne en espaces plantés par habitant. Laquelle frise, comme chacun le sait, le mètre-carré et demi per capita. A titre de comparaison, cette moyenne avoisine, selon les experts, les 10 m2 à Paris, Londres et New York et les 28 m2 à Bruxelles. On en est loin. Tellement loin qu'il devient criminel de continuer à fermer les yeux.
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