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Festival des Musiques Sacrées du Monde: la sagesse dans l'écoute

C'est à la lumière de la noble vertu de la sagesse que le Festival International des Musiques Sacrées de Fès veut en sa huitième édition rattacher son esprit et son nom. Son nouveau directeur général Ahmed Saâd Zniber l'imprègne désormais de sa mystique p

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Quel don divin plus ultime que la sagesse ? Plénitude dans l'accomplissement et la confluence des plus hautes vertus, dont la lumière céleste en des êtres élus abreuve d'autres éclairés. Les sages marquent leur époque et toute l'histoire de l'humanité de leur sceau éclatant, grâce auquel sans doute, par la Grâce Divine, l'humanité et la beauté de la vie resplendissent par moments, par endroits. Noble et divine vertu que la sagesse, mais tellement rarissime comme le veut la loi du précieux, elle ne cache pas, n'englobe pas, la face monstrueuse du globe. Frêles, douces et stellaires lueurs de candélabres sporadiquement épars sur la planète, l'illumination de la sagesse n'éteint pas le feu de la violence, de la barbarie, de la férocité, telle est la Volonté de Dieu. Mais la puissance de cet éclat de sagesse est en sa douceur, sa beauté, sa sérénité, sa préciosité, son éternité, et son essence divine illumine sa voie (son retour) vers la divinité.
La sagesse est une qualité divine suprême qui commande à un des Noms Divins, Le Sage (Al-Hakim), souvent associé aux Noms Le Savant, Le Puissant, et définit le Coran par “ La sage invocation ” (Al-dikr al hakim). Car, comme l'écrit l'illustre théologien algérien Dr Abdelbaki Meftah, “il n'y a pas de sagesse sans piliers plantés dans la science, et la sagesse confère à son détenteur la puissance de l'élévation ”. Quant au Shaykh Al Akbar Ibn Arabi, qui dans son œuvre a élaboré une analyse profonde de la relation entre sagesse, pouvoir et art, il écrit dans un de ses ouvrages “ Le sens du secret des Noms Divins ” : “ L'attachement au Sage revient à l'humilité face à lui, en le priant qu'il t'habilite à reconnaître chaque chose en sa valeur, à ordonner les choses dans leur ordre, leur temps, leur position… Et la réalisation par Lui passe à la fois par la reconnaissance de la Destinée et par la sagesse de la connaissance des relations entre les choses ; celui auquel Dieu a donné le discernement de ces relations à travers l'acquisition des sciences, à travers l'apprentissage et l'enseignement, à travers l'action efficiente et le travail, à travers les prières, celui-là perfectionne son âme par la grâce de ce Nom Divin de Sage ”. C'est à cette vertu et à cette lumière de la sagesse que le Festival International des Musiques Sacrées de Fès veut en sa huitième édition (du 31 mai au 8 juin 2002) associer son nom et son esprit, en y aspirant comme un cheminement à prendre, un idéal à atteindre. “ Les voies de la sagesse ” est le nouveau label donné au Festival par son nouveau directeur général, Ahmed Saâd Zniber, dont la personne incarne à bien des égards cette image de la sagesse donnée par Ibn Arabi.

Le sacré est en nous

Car le Tout-Puissant a gratifié Saâd Zniber de sagesse et de savoir, l'a auréolé de leur lumière. Doté de ce discernement en question, d'une puissante capacité d'écoute, par une âme pure toujours disposée à recevoir plus d'enseignement et de sagesse, Ahmed Saâd Zniber diffuse par ailleurs généreusement et avec tant de sympathie sa science profonde. Architecte, musicien et auteur compositeur, il détient une grande érudition en matière de sciences de l'Islam et de soufisme. Mais, beaucoup plus que l'intellect, ses références privilégiées sont l'expérience personnelle, la dimension de son vécu et de sa pratique en ces domaines. Dieu lui a aussi donné la bonté et l'humilité. Son prédécesseur et créateur du Festival, Fawzi Skalli, n'a rien à lui envier en ces qualités et Ahmed Saâd Zniber lui rend hommage pour avoir fait du Festival ce qu'il est aujourd'hui, efforts couronnés par sa consécration l'année dernière par l'ONU comme une des douze personnalités du monde ayant contribué remarquablement à la construction du dialogue entre les civilisations. Saâd Zniber ne manquera pas à son tour d'apporter au Festival ses idées, sa touche personnelle. Fawzi Skalli ne quitte pas le Festival mais prend la direction d'un Colloque sur la mondialisation, «Rencontres de Fès,» qui se dérouleront pendant cette manifestation. La sagesse est particulièrement liée à la création, comme le Nom Divin de Sage est celui du Créateur, qui a créé l'homme à son image. Cette sagesse contient intensément la sensibilité, l'émotion, la quête. Chez l'être humain, la sagesse engendre donc la création. La relation entre la sagesse et l'art est ainsi mise en évidence dans les écrits d'Ibn Arabi, comme l'explique son commentateur, Dr Meftah. “ la science de la sagesse est infuse dans toutes les sciences et dans tous les arts. ”. Dr Meftah compare la sagesse à une sorte “ d'élixir chimique ” composée de spirituel, de corporel, de passionnel et de divin avant de donner cette magnifique formule de la “ potion ” de sagesse : “ Dans l'océan immense de la sagesse originelle se rencontrent en une parfaite harmonie toutes les sciences et tous les arts (des mathématiques à la chimie, la médecine, l'astrologie, en passant par la musique, le chant, la poésie, la calligraphie, l'architecture et divers autres arts et sciences), comme manifestations différentes complémentaires, et applications variées de la Science originelle de laquelle a jailli et à laquelle incombe la science de l'Unicité. Les signes des horizons et des passions ne sont que manifestations, reflets des soleils de l'entité divine… Et le but de tout art originel, sacré, est l'éveil de cette Présence dans la pure conscience ”.
Par ce concept de sagesse, Saâd Zniber a déjà donné une nouvelle dimension au Festival, dans sa compréhension plus profonde de la notion du sacré. Rappelons ici que lorsque les Maoussimyyat de Marrakech avaient consacré une de leurs éditions en hommage à Titus Ibrahim Burckhardt à l'art islamique, le label donné à cette édition fut : “ Sagesse et splendeur des arts islamiques ”.
Saâd Zniber souligne la différence entre la notion de “ sacré ” et celle de “ religieux ”, plus rigoriste. “ Le sacré est ce qui nous donne la possibilité de nous rapprocher de ce que nous avons de plus intime en nous-mêmes…, affirme Saâd Zniber. L'on imagine ordinairement le sacré comme quelque chose d'inaccessible, d'intouchable. Or nous avons tous une part de sacré en nous, car nous portons du souffle divin en nous”. Cette part de sacré se trouve là où siège le sixième sens, virtuellement présent à des degrés divers chez l'homme. “ Un sens proche qui ouvre l'esprit aussi bien sur les profondeurs et la richesse de l'intériorité que sur les vibrations de l'univers cosmique, poursuit Saâd Zniber, un sens qui regroupe les sens intérieurs, “ les cœurs dans la poitrine ”, comme ils sont signifiés dans le Coran ”. Un sens qui exacerbe tous les autres sens, que le soufisme désigne par le terme “ al batin ”, cœur subtil, centre de gravité de notre âme, et qui permet de saisir la réalité au-delà du premier degré. “ Et en ce sens se trouve la capacité extraordinaire d'écoute pure, disposition et ouverture extraordinaires de l'esprit où l'écoute devient entendement, discernement, sensibilité extrême ”, dit Saâd Zniber. Cette écoute capitale pour lui qu'il a développée au cours de son parcours spirituel entamé de prime jeunesse, qu'il déploie dans sa mystique permanente, qu'il se trouve en pleine activité professionnelle, en détente avec ses proches ou en retraite avec lui-même. Une écoute qui lui donne aisance, force de caractère dans la sérénité, maîtrise des situations.

Les vibrations de l'univers et de l'être

La spiritualité a stimulé en lui ses talents artistiques qui ont amplifié l‘écho de sa quête. L'architecture l'a orienté vers des thématiques particulières : “ Musique et architecture ”, “Symbolique mystique et artistique de l'architecture traditionnelle musulmane ”. Dans la réalisation de la Médina mythique de Coco Polizzi à Agadir, il fut le conseiller discret en tant qu'architecte et artiste en parfaite harmonie avec les rêves de l'autre artiste fabuleux, Coco Polizzi. Dans sa passion de la musique, Saâd Zniber est interpellé, en tant qu'auteur compositeur, par la musique traditionnelle de l'Inde du Nord ainsi que les musiques orientales et celtes, et travaille actuellement à une composition originale. Dans son explication savante et expérimentée de l'écoute, il évoque le sama'e. “ Le sama'e est une science, un art, une musique, une forme de spiritualité, une écoute mystique, dit-il. Ce terme même illustre bien que l'écoute mystique englobe le tout ”. Le soufi Shadhilite Abou el Mawahib, cité par l'islamologue Eric Younès Geoffroy, écrit qu'il y a dans l'écoute du sama'e, celle de la poésie et du chant, et celle qui s'apparente à l'écoute du Coran ; la parole divine est ancienne, l'écoutant est présent, et ce qui réunit les deux c'est l'écoute du Coran, ou de l'origine coranique du sama'e et toute l'émotion qui en découle. “ Les créateurs des musiques sacrées, ou mystiques, dit Saâd Zniber, ont été de grands mystiques (comme Jalal Eddine al-Rûmi par exemple), qui avaient une connaissance profonde de l'être, à partir de laquelle ils ont pu traduire musicalement leurs sentiments, sensations, émotions, par des formes différentes mais par une même compréhension de l'universel. La force d'expression de la musique en mystique est une prise de relève par rapport à la parole, lorsque celle-ci parvient à ses limites. L'expression musicale est par contre illimitée car elle se fond par excellence dans le langage de l'univers cosmique et de l'intériorité profonde humaine, qui sont musique ”. De musique est pétri l'ordre du cosmos, et même son désordre lorsqu'il survient sans bouleverser pour autant l'ordre éternel. De musique est imprégnée l'âme humaine, comme elle magnifie le corps humain. La musique est incontestablement d'origine sacrée, divine. Et la musique sacrée ne fait que se rapprocher des origines de toute musique. “ La musique comporte les rythmes, les mélodies et les vibrations, reprend Sâad Zniber. Pythagore déjà avait expliqué la notion de vibration en tant que donnée scientifique caractérisant l'univers. Et la vibration est musique, tant dans le cosmos que dans les bouleversements de l'âme humaine. Les vibrations induisent les profondeurs de la musique et tout l'univers fonctionne comme cela. Cette notion est particulièrement bien comprise en Inde. Certains instruments à cordes indous comportent des cordes appelées “ sympathiques ”, que les doigts ne touchent pas et dont le rôle est uniquement de faire vibrer le son des autres, de leur donner une résonance. Notons que le terme ici “ sympathique ” renvoie au système nerveux humain appelé “ sympathique ” responsable de la transmission des sensations (par vibrations) entre l'extérieur et l'intérieur de l'organisme humain ”, souligne-t-il .

A l'écoute de nos enfants

Saâd Zniber enrichira donc le Festival de sa propre mystique, de ses connaissances, de ses aspirations, dans cette thématique de la recherche du moi, à travers l'art en tant que miroir de l'homme. Le caractère international du Festival sera renforcé dans ce sens, et en même temps les expressions artistiques marocaines seront davantage présentes, car une meilleure connaissance de l'autre passe par une réelle connaissance de soi. “ Telle qu'on a appréhendé ici la notion du sacré, il n'est plus du tout associé à un quelconque élitisme et son inaccessibilité n'a plus aucun sens ”, dit Saâd Zniber. Son premier développement de l'esprit du Festival s'est donc effectué sur son ouverture : sur un plus large public, sur la ville de Fès elle-même qui l'accueille, et sur le Maroc, tout en préservant son caractère fondamental international. Car le Festival a été enfanté par l'âme de Fès, foyer ancestral et prestigieux de spiritualité , de savoir, d'art, de rencontre savante des cultures. Une partie des spectacles désignée par “ Festival off ” se produira gratuitement dans la ville et sa médina. Après les spectacles se tiendront des veillées de confréries soufies avec dîner payant, pour que les artistes et festivaliers puissent prolonger leurs soirées par une meilleure connaissance de la diversité de la spiritualité marocaine. Plusieurs autres innovations sont en cours d'étude et une des plus merveilleuse est la grande participation nouvelle de l'enfance au Festival, dont l'ouverture sera célébrée par une chorale d'enfants, avec un appel au droit à la vie et à la sagesse, un questionnement sur le monde qui leur sera légué. Par ailleurs une animation spécifique à l'intention des enfants est prévue par le Festival sur toute sa période. «La pureté de leurs êtres, proche du sacré, peut également éveiller nos consciences à un monde de paix et de sagesse, dit Saâd Zniber. Alors soyons aussi à l'écoute de nos de nos enfants».
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