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Habib Souaïdia dénonce «la sale guerre» dans la nuit algérienne

Le livre-témoignage de l'ex-officier des forces spéciales algériennes est un éclairage différent sur la guerre civile qui déchire l'Algérie. Les exterminateurs ne sont pas toujours ceux que l'on croit, l'horreur étant également galonnée .

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Le livre de l'ancien officier des forces spéciales de l'armée algérienne, Habib Souaïdia, doit être nécessairement appréhendé comme une voix qui s'élève pour briser le silence d'une guerre secrète. C'est une sale guerre, une guerre où, tous les jours, toutes les nuits, des Algériens, enfants, femmes, hommes, tombent sous la barbarie. Ici, la subjectivité ne peut être que secondaire. L'auteur raconte, décrit, procède à une autopsie d'une guerre qui a fait jusque-là plus de 150 000 morts et des milliers de disparus . Et c'est cela qu'il faut garder présent à l'esprit, au-delà de la polémique sur fond de procès que le livre a provoqué dès sa sortie en mars 2001.
L'ouvrage, paru aux éditions de «La Découverte», de cet ancien engagé volontaire, aujourd'hui réfugié politique en France, doit être pris d'abord pour ce qu'il est. Un témoignage, autrement dit une part de vérité dans cette longue nuit que traverse l'Algérie, ce pays où on ne sait plus qui tue qui, et qui, à l'échelle Richter de la barbarie, est plus barbare, plus assassin, plus exterminateur que l'autre. L'ancien officier qui avait la charge de lutter contre le terrorisme, celui-là même qui s'était engagé, «par vocation», pour faire carrière dans l'Armée Nationale Populaire, a vite fait de perdre toutes ses illusions patriotiques. Il revient de loin. Et c'est dans ce voyage au bout de la nuit et surtout de l'horreur humaine et galonnée qui avait donné comme mot d'ordre à ses troupes «il faut terroriser les terroristes», H. Souaïdia transporte le lecteur qui, de son canapé, suit «la situation algérienne» via les bulletins d'informations. Le témoignage sur cette guerre sans images est sans fioritures, sans effets de langue, l'écriture n'étant plus qu'un support pour livrer un témoignage brut, froid, insoutenable.
Toute polémique serait impudique face aux massacres de ces centaines de milliers de citoyens. H. Souaïdia a eu le mérite d'écrire, de livrer sa part de vérité, pour que plus jamais on ne puisse s'exclamer «on ne savait pas». Et ce qu'il affirme – certains intellectuels et de rares journalistes algériens ont eu le courage de le dire également- est effarant.
«La sale guerre» apporte en effet un autre éclairage sur ce qui se passe en Algérie : les «groupes armés», responsables des massacres, ne sont pas toujours ceux à qui l'on pense. Selon l'auteur, et loin de toute intention de vouloir absoudre les islamistes, les généraux ont également leur part de responsabilité dans cette grande boucherie .

«La vérité n'est pas schématique»


«Depuis 1992, c'est une guerre secrète qui est menée par les généraux : faux maquis, intoxication en tout genre, manipulations et infiltrations des groupes armés islamistes. Ce rideau de fumée leur permet de mener impunément une guerre d'une incroyable sauvagerie (…) C'est nous que les généraux ont obligés à faire leur sale guerre… Et tout cela pour de l'argent (…) Le climat d'insécurité a permis à la mafia politico-militaire de faire tranquillement main basse sur l'économie algérienne. Et il a permis surtout de contenir la colère sociale,» écrit en effet H. Souaïdia.
Question :la communauté internationale peut-elle rester sourde à ce témoignage et à détourner le regard au nom d'intérêts bien compris ? La préface du livre rédigée par un ancien juge d'instruction italien, spécialisé dans les affaires de terrorisme, donne à réfléchir. « La vérité historique n'est ni simple ni schématique, et elle n'est pas toujours logique : il existe des vérités incroyables pour le sens commun et qui n'en sont pas pour autant moins réelles. La vérité n'est pas facile, car la réalité, les hommes et leurs desseins ne sont pas simples », écrit ce magistrat qui a instruit des affaires célèbres comme celles de l'assassinat d'Aldo Moro ou encore l'attentat contre le pape Jean-Paul II.

«La sale guerre» de Habib Souaïdia
Editions «La découverte» 204 pages
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