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Hommage au nationaliste Driss Benzakour

Hadj Driss Benzakour, président fondateur du Moghreb de Fès et ex-président du conseil municipal, a rendu l'âme le jeudi 28 novembre. Une date qui s'inscrit désormais en lettres noires dans l'histoire d'un club dont le prestige restera à jamais confondu

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Malgré une longue et insidieuse maladie qui a cloué Hadj Driss en son humble domicile de toujours au quartier Bouremmana pendant des années, personne n'osait s'habituer à ce qu'un jour ce chevalier de l'histoire de Fès quittât la scène d'une fourmillante carrière.
Car Hadj Driss Benzakour n'a pas seulement marqué l'arène sportive - et pas uniquement locale.
Président du conseil municipal 1970/77, Hadj Driss militait pour une gestion d'une rare rigueur où la défense des deniers publics était érigée en une quasi deuxième religion. «Serrer la ceinture» gagnait, en son temps, ses lettres de noblesse. A telle enseigne que l'on avançait, alors, que Fès dégageait des excédents qui allaient soulager les carences budgétaires d'autres cités…
En dépit d'une dévotion exemplaire à ses attributions municipales, feu Hadj Driss Benzakour sacrifiait souvent les exigences familiales pour consacrer le plus clair de son troisième temps à un engagement débordant au sein de la société civile.
Président ou membre actif d'un grand nombre d'associations culturelles, corporatives, humanitaires ou sportives, il eut lui même le mérite d'avoir été à l'origine de la création d'un nombre éloquent d'ONG, témoigne son fils Mohamed, docteur pédiatre.
Il mena de pair la direction de l'Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL) et … la présidence du conseil municipal avec la même poigne.
Entre autres responsabilités, Hadj Driss Benzakour occupa les fonctions de vice-président du Croissant-Rouge Marocain, de président fondateur de la FRM Boxe, de Pdt de l'Aéro-club de Fès, du club équestre, de gymnastique, de théâtre, de la ligue nord-est de football, d'associations de parents d'élèves, de vice-président du 1er comité de la FRMF au temps du président Boucetta, et président fondateur du MAS omnisports.
En compagnie des nationalistes africains
Tant de titres qui étaient autant d'engagements pour une ville et une société civile meilleure au sens de la probité et de l'action constructive. Un militantisme cultivé depuis la jeunesse de ce «Moujahid» tous azimuts.
Né le 11 novembre 1915, Hadj Driss décroche une capacité en droit avant d'affiner ses études en Algérie, à Ghélizane précisément en compagnie de militants du nationalisme africain de la trempe des frères Boumanjel.
En 1934, il participe à la fondation du CAM (Comité d'action marocaine).
Son activisme indépendantiste lui vaut alors plusieurs arrestations par l'occupant.
Il est notamment condamné à deux années de travaux forcés à Goulmima en compagnie d'Abderrahman Belkorchi et autre Hachemi Filali.
Parmi les griefs évidents de sa détention, son passage remarqué au sein de l'organe de presse «Action du Peuple» du Parti Achchoura et l'Istiqlal de feu Bel Hassan Ouazzani où il assuma la fonction de secrétaire de rédaction. Libéré en 1943, Hadj Driss Benzakour tombera de nouveau sous le joug de la répression française sous la forme d'un exil forcé à Marrakech (1949-1950). L'éloignement de ses bases ne l'empêche pas de poursuivre ses diverses activités au sein d'organisations locales. Son passage dans la ville rouge retiendra parmi moults parachèvements l'enrôlement au sein de l'A.S.P.T.T.M d'un certain Just Fontaine qui continue, à nos jours, de défier la chronique comme recordman des buteurs des phases finales de la Coupe du monde de tous les temps avec 13 buts inscrits en 1958 en Suède. La licence de Fontaine au club marrakchi traînerait dans les archives de Hadj Driss..
Car l'harassant train de vie et le poids des attributions de cet auguste commis de l'Etat ne l'empêcha guère de rassembler, trier et compiler un nombre inimaginable de documents de toutes natures dans une “grotte d'Ali Baba» qu'envieraient les plus perspicaces des historiens et autres documentalistes affamés d'authenticité.
On passera les documents des hauts faits de l'histoire du Maroc, de la capitale spirituelle ou telle association pour citer un cas anecdotique révélateur de la méticulosité et de la passion vorace de notre acteur pour la consignation des moindres palpitations de la vie quotidienne de la cité. Bien calés dans ce fameux rayon «Joies et Peines» figuraient côte à côte mariages, naissances et… décès. Or grâce à l'assiduité «maladive» de notre bonhomme, Hadj Driss, qui veillait à conserver les invitations de toutes sortes, parvenait à reconstituer pratiquement toute une famille à partir de cartons d'invitations. Avis à ceux ou celles qui auraient oublié leur date de mariage.
Du temps de son acuité visuelle décente (il la perdit à cause du diabète), dès que vous évoquiez le moindre sujet de conversation il se levait instamment pour aller retirer, sans la moindre hésitation, l'archive y afférente dans le rayon correspondant. Vous êtes sidérés par la limpidité du dossier, la chronologie des documents et la parfaite conservation des photographies. Une lisibilité à faire frémir d'extase le chercheur le plus intransigeant. De fait, quand le monsieur entretenait ses interlocuteurs de tous bords, il savait de quoi il parlait et le faisait comprendre docilement ou fermement quand il le fallait.

Un rassembleur

Ainsi, en était-il à l'occasion des chaudes assemblées générales du MAS football du bon vieux temps quand il n'était question ni de cartes d'adhésion à 2.500 DH, ni déménageurs à l'entrée des bunkers des A.G.
Celles-ci se déroulaient souvent à l'air libre du terrain de basket et ouverte au large cercle de la famille. Là où tout le monde déballait son sac et que le comité se dégageait à la «majorité populaire». Aujourd'hui, la famille du MAS devra pleurer deux fois Hadj Driss Benzakour ! Le président fondateur et le rarissime rassembleur Hadj Driss Benzakour était la pièce incontournable de tout litige ou dissension au sein du grand club de la capitale spirituelle.
Le regret de sa disparition est d'autant plus fort que le MAS traverse une période des plus ternes de son histoire avec une pitoyable fissuration de ses rangs.
Hadj Driss, dans la plénitude de ses moyens, n'aurait pas toléré une telle injure à un prestige façonné depuis la fondation du MAS il y a 56 années!
S'il y a un hommage que partisans des divers clans du club peuvent rendre à leur père spirituel c'est bien de tomber leurs rancœurs et renouer leurs énergies et leur foi (s'il en reste) pour parachever ce que Hadj Driss a mis une vie à bâtir et à faire briller aux quatre coins du pays et ailleurs.
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