Menu
Search
Mardi 30 Décembre 2025
S'abonner
close
Mardi 30 Décembre 2025
Menu
Search

Immigration: non, l'Afrique n'est pas un continent maudit

Il fut un temps où, ballotée entre les tentations idéologiques que dictait une âpre rivalité américano-soviétique, l'Afrique faisait l'objet d'adulation. On ne tarissait pas d'éloges sur ses potentialités, ses ressources naturelles et ses hommes.
On s

No Image
Funeste, le cri proféré à une époque où tout pourtant donnait l'illusion du contraire ? Oui et non, le continent ayant acculé les grandes puissances à s'y livrer une guerre sans merci de leadership. C'était à qui mieux-mieux pour séduire et imposer son modèle.Or, ce même interventionnisme, outre qu'il opérait une désolante césure continentale, alimentait des guerres civiles à n'en plus finir. De la part des grandes puissances, lancées dans une course de leadership, il traduisait un intérêt soutenu, acharné même pour l'Afrique et ses peuples. Ce qui n'est plus le cas depuis de nombreuses années, un champ libre étant laissé à l'Organisation des Nations unies, impuissante à vrai dire à mener de front les combats contre les sécessions qui poussent comme des champignons, les affrontements ethnico-culturels ou religieux, les conflits territoriaux, la pandémie du sida qui ravage les populations, la pauvreté galopante qui clignote en rouge, etc.
Un désintérêt croissant s'étale, en effet, d'une capitale européenne à l'autre, exception du rituel Sommet franco-africain, institutionnalisé alors par le général de Gaulle, plus ou moins maintenu par ses successeurs et relayé par celui qui réunit les pays d'Afrique et de l'Europe.
Quant à l'Amérique de George Walker Bush, aux antipodes de celle de Bill Clinton qui avait fait une longue tournée dans le continent, elle est à présent absente, les conseillers du président américain, dont notamment Condoleezza Rice s'adonnant à d'autres mirages stratégiques. Est-ce à dire que l'Afrique est désormais reléguée dans un splendide isolement, plus marginalisée que jamais, livrée aux démons des guerres fratricides. Quelques chefs d'Etat, dont le président Abdoulaye Wade du Sénégal, ne se résignent bien évidemment pas à ce terrible sort. Ils réagissent et proposent des solutions et des stratégies, des partenariats et des pactes même. Cependant, leurs initiatives sont à peine prises en compte, que déjà le continent et ses peuples retombent dans l'oubli. Fini, enterré ces cycles de colloques fastidieux sur le dialogue euro-africain, ces proclamations vertueuses sur la démocratie et les critères qui prédominent pour l'octroi d'aides diverses. En 2002, la situation en Afrique, toutes proportions gardées, est revenue à ce qu'elle était avant les indépendances successives des années soixante, c'est-à-dire un néant programmatique, dépouillé qui plus est, de ses oripeaux et de ses clinquants qui étaient, autrefois, autant de mirages que de fausses promesses.
Faut-il se résoudre aussi facilement à une telle fatalité ? S'inscrire dans cette phobie néoeuropéenne sur l'immigration venue d'en bas, qui marginalise encore plus les peuples africains, perçus uniquement sous la lorgnette de hordes envahisseuses, débarquées du sud ? On a vu il y a un mois, à la veille de quitter la présidence de l'Union européenne, comment José Maria Aznar s'efforçait d'entraîner ses pairs vers une radicalisation des politiques de l'immigration. Il avait organisé même un Sommet à Séville, fin juin, qui avait pour objet de durcir le ton, sans ménagement à l'égard des pays du sud. De là, d'ailleurs, à désigner le Maroc de l'index, il n'y avait qu'un pas que le président du gouvernement espagnol, tout à sa phobie spécieuse, n'a pas hésité à franchir.
Comble de l'ironie, soit dit en passant, lorsque le Maroc a mis en place un insigne dispositif de surveillance sur le l'îlot Tourah, composé de 6 hommes chargés de conrôler l'émigration clandestine vers le nord , c'est le même gouvernement espagnol qui en a violemment pris ombrage et envahi le rocher ! En Italie, un débat sulfureux secoue la classe politique saisie par le projet de loi Bossi-Fini, deux chantres du néofascisme italien qui combattent l'immigration avec des accents d'une rare xénophobie. Caricaturale, la politique européenne de l'immigration procède du fâcheux principe «deux poids, deux mesures». Elle se contente de gesticulations et érige l'Argumentum baculinum ( argument du bâton) en politique d'Etat face à l'Afrique, mais passe sous silence ces redoutables et cupides « filières de l'est « constituées de réseaux mafieux turcs et roumains notamment.
Non que l'on feigne d'escamoter le débat et soutenir que l'immigration africaine vers l'Europe ne pose pas problème. Elle n'est, cependant, qu'un paramètre, aggravé certes, du douloureux dossier euro-africain qu'il faudra ouvrir un jour ou l'autre. Et ce dossier recouvre bien des manquements des pays industriels à l'égard de cette Afrique, dont les peuples n'en finissent pas de mourir et de désespérer. Il convient de prendre la problématique dans son ensemble, à savoir une révision, comme l'on dit, des termes de l'échange favorable aux pays riches et, un cercle vicieux, paupérisant les pays du sud. L'Europe est bien sûr omniprésente, envahissante même en Afrique à travers ses télévisions satellitaires et ses mirages publicitaires. Elle est absente, en revanche, au niveau des politiques d'investissements, des capitaux productifs et des partenariats créateurs d'emplois et de richesses. Elle s'offusque à juste titre de devoir hériter des misères des peuples du sud qu'elle s'évertue à stopper sur ses frontières.
Néanmoins elle pourrait prendre le mal à la racine, aider l'Afrique à promouvoir un développement équilibré et durable, l'assister politiquement, techniquement, financièrement à relever le défi de l'extrême pauvreté dans laquelle elle s'enfonce, afin de stabiliser ses populations dans le continent, attirées par les mirages de consommation. C'est à ce niveau qu'une réflexion commune doit être engagée, réunissant Africains et Occidentaux et tous ceux qui se refusent à cette résignation que l'Afrique est un continent maudit. Il faut commencer d'abord par un regard lucide et , dans le sillage de S.M. le Roi Mohammed VI qui a annulé toutes les dettes des Etats africains à l'égard du Maroc, refonder les rapports avec nos frères d'Afrique.
Lisez nos e-Papers