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L'éducation au civisme, un combat de longue haleine

Longtemps occultée, l'éducation civique commence à intéresser de plus en plus d'acteurs sociaux qui proposent des pistes et des moyens pour devenir des citoyens et des citoyennes responsables. C'est dans ce sens que l'association, présidée par le professe

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Dans le contexte actuel, l'éducation à la citoyenneté devrait normalement passer par l'école. Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui.
Le contexte actuel est celui de l'édification d'une démocratie dans un Maroc à la recherche du progrès et du développement durable. Or il ne peut y avoir de démocratie sans citoyens actifs et responsables. Mais on ne naît pas citoyen, on le devient grâce à l'éducation. L'éducation à la citoyenneté est donc plus que jamais prioritaire.
L'école a effectivement pour mission de préparer le citoyen de demain. Mais ceci n'est pas suffisant pour développer un sens civique chez les enfants. Le civisme est une vertu qui se pratique surtout dans les petits gestes de la vie quotidienne et son apprentissage se fait aussi en dehors de l'école, en premier lieu dans le contexte familial, puis social.
Nous sommes donc tous responsables de l'éducation à la citoyenneté, en tant que parents, enseignants, opérateurs économiques, responsables des médias, acteurs politiques ou de la société civile.
Les enfants apprennent par imitation bien avant qu'ils soient scolarisés et les premiers exemples de comportement leur sont donnés par leurs parents et leur entourage immédiat. Or bien souvent les parents sont défaillants dans ce domaine, soit parce qu'ils délèguent à des personnels non formés le soin de s'occuper de leurs enfants, soit parce qu'ils sont trop absorbés par des problèmes de survie quotidienne, soit parce qu'ils ne sont pas préoccupés par cet aspect de l'éducation.
Les enseignants ont bien sûr le devoir d'introduire cette dimension civique dans leur enseignement, depuis la notion de respect des autres, de tolérance, jusqu'à celles de respect de l'environnement, plantes, animaux, espace public etc.
La mise en pratique
de la citoyenneté
L'Etat, par l'exemplarité de son appareil et par sa fonction de gardien de la loi, a un rôle pédagogique dans l'apprentissage de la citoyenneté. En effet on apprend aussi par la contrainte : un environnement laxiste n'incite pas au respect de la loi et des règlements en général. Des sociologues ont élaboré une théorie dite «du carreau cassé» selon laquelle les petites infractions, lorsqu'elles ne sont pas réprimées, se généralisent et finissent par imprégner l'ensemble de la société. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics d'appliquer les règlements de manière stricte. Les médias ont également un rôle important à jouer, en particulier la radio et la télévision. Il s'agit là de moyens dont l'efficacité a été utilisée pour modifier les habitudes de consommation y compris des populations analphabètes et je déplore qu'on ne les utilise pas avec la même détermination pour modifier les comportements de nos concitoyens. Savez-vous que la publicité sociétale représente à peine 3% des budgets publicitaires ? Ces efforts sont donc très insuffisants pour modifier les mentalités.
Enfin, les organisations politiques et la société civile se doivent d'intervenir dans ce domaine en offrant un espace de militantisme et de mise en pratique de la citoyenneté.
Comment l'école peut-elle à votre avis contribuer à cette éducation à la citoyenneté ?
On demande beaucoup à l'école : elle doit former la personne avec ses qualités humaines, le travailleur muni des compétences dont le pays a besoin et enfin le citoyen. C'est une lourde tâche et pendant longtemps la dimension «éducation civique» a été quelque peu mise de côté. Récemment, on a commencé à prendre conscience de l'importance de ce volet de l'éducation et on a réinjecté de l'instruction civique dans les programmes scolaires. Mais, au Maroc du moins, elle n'est abordée que sous l'angle «fonctionnement des institutions», matière rébarbative s'il en est pour des enfants. En outre, la citoyenneté ne s'enseigne pas comme les mathématiques ou la géographie, elle doit se pratiquer au quotidien dans les rapports avec les autres et avec l'environnement et doit faire partie intégrante de la vie à l'intérieur de l'école.
Ceci suppose un investissement important de la part des enseignants et des chefs d'établissements. En outre ces efforts sont bien souvent mis en échec par les comportements que les élèves peuvent observer dès qu'ils franchissent les murs de l'école, dans la rue ou en famille.
Les jeunes seraient-ils la principale source d'incivisme ?
On a moins conscience, lorsqu'on est jeune, des devoirs qu'impose la vie en société. Il est aussi dans la nature de la jeunesse d'être rebelle aux contraintes et d'avoir le désir de transgresser les règles. Mais nous sommes les produits de notre environnement et de notre éducation, et ce sont les adultes qui donnent bien souvent le mauvais exemple. Les jeunes sont à la fois le produit et le reflet de notre société.
La citoyenneté fait appel à des qualités, des attitudes, des comportements et des connaissances dans le but de construire un esprit civique.
Avoir un esprit civique, comme vous dites, est certes le fruit d'une bonne éducation, mais ne requiert en fait qu'un sens moral développé et du bon sens. Bien souvent des personnes qui n'ont pas de connaissances particulières et de milieu modeste en remontreraient à d'autres de niveau socio-économique élevé. Je n'en veux pour preuve que le comportement de certaines «élites» en matière de préservation de l'environnement, de respect du code de la route, de respect des engagements, ou de respect des autres etc. A l'heure actuelle, tout le monde est prêt à revendiquer ses droits, mais bien peu sont prêts à assumer la contrepartie, c'est-à-dire les devoirs. C'est pour rappeler les exigences de la citoyenneté qu'AFAK a élaboré une charte du citoyen dont les différents aspects sont développés dans nos programmes de spots radiophoniques
Nos valeurs tradionnelles sont compatibles
avec le progrès
Les valeurs dont vous parlez, ces valeurs d'éthique, de tolérance et de solidarité existaient dans la société. Mais elles ont de plus en plus tendance à disparaître. Serait-ce à cause de notre mode de vie calqué sur l'Occident ?
Ce sont des valeurs universelles que partagent toutes les civilisations et je ne pense pas qu'elles soient en train de disparaître, au contraire. Il est vrai que notre société a évolué rapidement, ne serait-ce que sous la poussée d'une démographie mal maîtrisée et des nécessités économiques, ce qui engendre de nombreux problèmes. Cependant, il n'y a jamais eu autant d'associations qui se préoccupent d'éthique, de solidarité et de promotion des droits de la personne humaine dans notre pays, ce qui tend à démontrer que ces valeurs sont toujours à l'honneur. Il faut se méfier de ceux qui rejettent la modernité au prétexte qu'elle viendrait de l'Occident, idéalisent le passé et prônent le retour aux sources comme solution miracle. Il s'agit en fait d'une nouvelle forme de totalitarisme religieux qui nie les concepts de démocratie, de tolérance et de respect des droits de la personne humaine, sans lesquels il ne peut y avoir de développement durable. Nos valeurs traditionnelles sont tout à fait compatibles avec le progrès et la modernité.
Depuis la création d'Afak, beaucoup de chose ont été faites pour la sensibilisation du citoyen au respect de l'environnement. Mais est-ce suffisant ?
Lorsque nous avons créé l'association «AFAK civisme et développement» en 1995, beaucoup de gens sont restés dubitatifs, car la notion de civisme était gommée de la conscience collective. Je constate avec satisfaction que nous avons réussi à convaincre de la pertinence de ce combat. Les esprits évoluent dans le bon sens, beaucoup de gens ont pris conscience de leur responsabilité de citoyens, mais les comportements tardent à suivre, car rien n'est plus difficile que de faire changer les mentalités et les comportements. C'est un travail de longue haleine, un combat permanent et quotidien quel que soit le pays et le niveau économique.
Votre association Afak mène, de façon ponctuelle, des opérations de sensibilisation à l'environnement. Qu'en est-il pour l'éducation à la citoyenneté ?
Afak qui est une association de sensibilisation au civisme et de promotion de la citoyenneté mène depuis 1998 un programme radiophonique d'éducation à la
citoyenneté. C'est un programme qui n'a pas d'équivalent dans un pays en développement et qui n'aurait pu être mené sans le soutien d'entreprises citoyennes telles que la Banque Populaire et la BMCE. Ce programme a permis de sensibiliser la population à certains aspects de la citoyenneté : droits et devoirs, respect des lois et règlements, conscience professionnelle, respect des femmes etc.
C'est aussi la première fois qu'une ONG d'un pays en développement mène une campagne multimédia de grande envergure pour sensibiliser les citoyens aux enjeux des élections législatives. Cette campagne repose sur des pages annonce dans la presse écrite nationale. Nous regrettons seulement que la presse partisane ne se soit pas impliquée davantage. Cette campagne est diffusée à travers la radio, la chaîne de télévision 2 M ; des affiches ont été diffusées dans les entreprises, les agences bancaires et les bureaux de poste grâce à un partenariat avec la CGEM, avec le GPBM Groupement Professionnel des Banques au Maroc et Barid el Maghrib. L'affichage urbain a été offert par FC Communication. Cette campagne vient compléter celle du Ministère de l'Intérieur et nous espérons que les deux initiatives vont amener nos concitoyens à mesurer les enjeux des prochaines élections et les inciter à voter en connaissance de cause et en toute liberté.
Comment dès lors pouvoir amener les jeune à voter, surtout lorsque ces derniers sont en butte à toutes les difficultés du quotidien, le chômage, l'échec ?
Le meilleur moyen pour les jeunes de faire évoluer les choses est de s'impliquer dans la vie politique de ce pays. Rien ne sert de critiquer en spectateur, il faut devenir acteur du développement. Leur avenir en matière d'emploi dépend des choix stratégiques qui seront effectués par le gouvernement. Or ce gouvernement sera précisément issu des urnes. C'est donc leur vote qui va donc déterminer sa composition. Ce sont les parlementaires que nous allons élire qui vont déterminer notre avenir pour les années qui viennent. Il y a donc un travail de sensibilisation à effectuer auprès des jeunes et je regrette que ce travail ne soit pas mené au niveau des établissements supérieurs, publics et privés, puisque tous les étudiants sont en âge de voter.
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