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L'ennui, un mal moderne

Tous ceux qui s'y ennuient
A Casablanca, même ceux qui semblent le plus à l'abri du désœuvrement sont rongés par l'ennui. C'est indéracinable. Exigences de la capitale économique obligent. L'ennui, ici, est une vraie maladie du temps. Eternelle répétit

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Que faire pour combattre ce désagrément ? Le divertissement s'en avère la réalité corollaire mais où le trouver ? Pour les Casablancais, certainement pas dans cette ville où tout semble chanter l'hymne de ce mal sans nom (voir encadré).

Un homme sans divertissement est un homme plein de misères : ainsi, le chantre populiste de la haute Provence, Jean Giono, a -t- il choisi d'achever l'un de ses grands romans.
Une vision proprement pascalienne qui voit que toute activité vaut mieux que le repos auquel chacun prétend aspirer – Repos qui n'est autre qu'une forme plus flatteuse de l'ennui : « Ennui. Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un repos sans passion, sans affaire, sans divertissement » écrivait l'auteur des Pensées.
Or, rien que voir les gens de Casablanca, l'image pascalienne, qui s'est toujours voulue universelle, se trouve renversée !
Tout le monde est sur les dents. Tout le monde monte des affaires. Tout le monde court. Et pourtant, personne n'échappe à l'ennui. « Maladie du temps » dira-t-on.
« C'est du taylorisme qu'on fait et qu'on subit à Casa » me confie un jeune homme d'affaires, le ton impassible. Pour lui, le travail, censé être un lieu d'épanouissement, semble incapable de le détourner de son ennui.
Bigre ! Les plus actifs se trouvent eux aussi engloutis dans le spleen et l'angoisse. C'est dire que l'ennui a des visages divers. On le trouve aussi bien dans l'agitation que dans l'hébétude.
Et c'est comme si ces « vieux » temps modernes entraînaient les Casablancais avec force comme le vent les grains de sable, sans même leur laisser le temps d'être à soi. Ces gens deviennent petit à petit robotisés, réifiés…Donc, déshumanisés. On comprend que l'on a affaire au premier centre économique du pays, que la ville foisonne de projets… Mais une vie, j'allais dire une ville !, toute active qu'elle soit, doit laisser en elle un espace pour la méditation : l'occasion d'une progression spirituelle! Sinon, on n'aura qu'une vie pleine de vide, sans âme ; une vie (une ville ?) ennuyeuse. Car la vie est faite aussi d'idées.
Casablanca, une ville qui chante l'hymne de l'ennui ? A.B, qui vient d'y débarquer pour un stage, le croit bien : « J'ai appris ici à me trimballer tout le temps avec un lourd sac d'ennui. Que je sois en train de lire, de regarder la télé ou de marcher, je suis ennuyée comme si une immense noirceur m'emballait dès que je met les pieds à la gare. Les gens aussi m'inspirent la même impression. Ils croient réaliser des choses mais en réalité, ils sont enveloppés d'un vide hideux ».
A tous ceux qui vivent dans la capitale économique, qui s'y ennuient, cette leçon pourrait servir : le remède à l'ennui n'est pas une vie remplie mais bien remplie.

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