Allumant un briquet dans la pénombre, comme une lanterne, il a longé les spectateurs. Derrière, des vagues, du vent. Puis d'une voix rendue presque plaintive, comme pour traverser la tempête, il a commencé l'histoire de Gwynplaine. Ce petit garçon abandonné à l'âge de dix ans sur la presqu'île de Portland par des vendeurs d'enfants. Et qui, horriblement mutilé, porte, gravé sur la face comme une grimace, un sourire éternel. D'où ce nom, «l'homme qui rit», donné par les foules, quand, à l'âge de vingt-quatre ans, il se fait saltimbanque. Sa troupe, sa famille, c'est le philosophe misanthrope Ursus, le loup Homo, et Dea, une aveugle belle comme «un songe qui aurait un peu pris corps». Laurent Schuh est seul sur scène : il est tour à tour narrateur et personnages, tout le monde et personne. Il a plusieurs voix pour mieux faire ressortir une seule : celle du texte de Victor Hugo. De ruptures de rythme en changements de ton, variant le volume ou l'intensité, il installe les phrases dans l'espace comme s'il posait un objet délicat. Un considérable travail de diction réalisé à partir de l'adaptation de François Bourgeat. Lequel a réussi à tirer d'un roman de huit cents pages, un texte d'une heure et demie pour le théâtre. Certes, il a fait des choix. La description et la critique impitoyable de l'aristocratie anglaise début XXVIIIème par Hugo est mise de côté au profit des aventures de Gwynplaine et du poids de son destin. Des scènes-clés du roman se succèdent, tels différents tableaux, séparées de quelques brèves respirations. L'enchaînement, fluide et plutôt convainquant, donne un bon aperçu du texte. Jusqu'au fameux discours de Gwynplaine à la chambre des Lords. Un hymne pour le peuple et contre les puissants, le cri d'un homme dont le stigmate symbolise la souffrance de ses semblables : «En haut le monde qui marche, en bas le monde sur qui l'on marche». De cet homme censé faire rire, la salle ne rit pas. Car le ton, parfois même trop pathétique, est grave. Ce soir, L'Homme qui rit, conte épique, philosophique, initiatique et satyrique, croustillant d'humour chez Hugo, est plus proche du drame. Mais par sa narration presque incantatoire, Laurent Schuh fait naître un climat fantastique qui donne à l'histoire de Gwynplaine la dimension d'une prophétie.
«L'Homme qui rit» de Victor Hugo avec Laurent Schuh.
(Adaptation : François Bourgeat. Mise en scène : Caroline Girard et Laurent Schuh).
Institut Français de Casablanca le 12 novembre à 21h, Salle Bahnini à Rabat le 14 novembre à 21h., Institut Français de Meknès le 16 novembre à 20h30.
(Texte disponible à la Librairie Le Carrefour des livres).
«L'Homme qui rit» de Victor Hugo avec Laurent Schuh.
(Adaptation : François Bourgeat. Mise en scène : Caroline Girard et Laurent Schuh).
Institut Français de Casablanca le 12 novembre à 21h, Salle Bahnini à Rabat le 14 novembre à 21h., Institut Français de Meknès le 16 novembre à 20h30.
(Texte disponible à la Librairie Le Carrefour des livres).
