Menu
Search
Mardi 23 Avril 2024
S'abonner
close
Mardi 23 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next L'humain au centre de l'action future

Le «blues» des pleureuses du Gabon

Si sa voix évoque celles des divas du gospel et du blues, c'est peut-être qu'Annie-Flore Batchiellilys, petit bout de femme gabonaise, partage avec les grandes dames de la musique noire américaine de lointaines ailleules: les pleureuses Punu du sud du Gab

Le «blues» des pleureuses du Gabon
Même si les «ambianceurs» des nuits locales jugent parfois sa musique «pas assez dansante», sur le refrain labouré de certains producteurs africains: «en dehors du Ndombolo, du Zouk ou de la Mapuka, point de salut».
En France, où elle vit depuis plusieurs années, c'est «la Gabonaise». «Là-bas, on me dit: +tu roules trop les r, c'est trop africain, essaye les terminaisons comme Ophélie Winter», soupire-t-elle.
«Mais il y a dix Ophélie Winter, autant de Lara Fabian et de Céline Dion. Je regrette que les différences n'aient plus de place auprès des gros portefeuilles», poursuit la chanteuse. Moi, je ne sais donner que ce que j'ai: je suis une villageoise, une sauvageonne enracinée dans la tradition». Ce que donne Annie-Flore Batchiellilys, ce sont des tours de chants presque tous les soirs dans un cabaret parisien, des premières parties en Europe. Mais surtout une intensité, une présence, lorsque seule sur scène, après une grande respiration silencieuse, les yeux clos et le corps convulsé, elle entame a capella un chant des profondeurs de l'Afrique centrale: «Diboty» («merci» en langue Punu). L'inspiration «vient des pleureuses de chez nous. Quand tu les écoutes, tu as envie de te mettre une couverture sur le corps tellement tu as froid. On dit que ce sont des voix qui font se déplacer les morts».
Cette mélopée de deuil, l'»Ussule Mbembu», explique-t-elle, «c'est un chant et une façon de chanter à la fois, c'est Le blues», jailli de l'immense forêt équatoriale qui recouvre ce pays d'esprits et d'ancêtres, de masques et de rites.
«Ma mère vend des bananes et des sardines. Mon père est peintre en bâtiment. J'ai commencé à chanter à trois ans; je rêvais de devenir chanteuse, mais sans y croire», se souvient Annie-Flore.
Elle se rabat sur une autre vocation, la mécanique auto; tous les garçons rigolaient. Mais je suis allée dans un garage à Tchibanga (sud). Le patron «Ya Bruno», m'a seulement dit: « tu viens demain à 08H30 avec un pantalon, et j'ai commencé ».
«Diboty», ce chant de remerciement, le titre du second album qu'elle vient d'auto-produire, s'adresse à ceux qui ont cru en elle. De Bruno le garagiste à la grande figure de la musique gabonaise, Pierre-Claver Akendengué.
Ce dernier n'a cessé de l'encourager depuis leur première rencontre, en 1988, à un conservatoire qu'il animait alors avec le Centre culturel français de Libreville.
«Diboty» va aussi à son mari, un musicien français rencontré au Gabon. «Quand il m'a dit: tu vas aller à l'école de musique, j'ai rigolé, j'ai répondu: chez moi, on apprend pas à chanter, on chante. Et puis, j'ai appris ».
Pourquoi cette manie de remercier sans cesse la terre entière? Annie-Flore Batchiellilys invoque invariablement son proverbe préféré selon lequel nul ne peut rien à lui seul: «un seul doigt ne lave pas la figure».
L'enfant du pays est revenue à Libreville pour faire découvrir au public gabonais son nouvel album et chercher un «soutien» pour financer la distribution d'un disque tiré à seulement 1.000 exemplaires.
Ensuite, dit-elle, «j'ai l'intention de revenir au village au mois d'août, pour enregistrer la voix de ma grand-mère».
Lisez nos e-Papers