Sous le titre poétique « Poussières d'Empire », le livre de Nelcya Delanoë, édité chez Tarik Editions, tombe à point nommé pour répondre à toutes ces questions et à bien d'autres, et du coup, arracher à l'oubli tout un pan de notre histoire en rétablissant ses acteurs, les premiers intéressés, dans leur droit à la parole et à la mémoire.
C'est au cours d'un colloque littéraire, raconte l'auteur, qu'elle apprit, de la bouche de l'un de ses amis vietnamiens, l'existence de soldats marocains du Viet-Nam qui desertèrent l'armée française pour rallier la résistance vietnamienne dirigée par Ho Chi Minh, avant de regagner le Maroc trente après. Sa curiosité excitée, elle décide de les retrouver et d'en savoir plus sur eux .
Nelcya Delanoë n'est pas à son premier séjour au Maroc. Professeur universitaire d'histoire à Paris, elle est native du Maroc où son père s'est illustré du temps du protectorat par sa défense de l'indépendance.
Parcourir donc le pays à la recherche d'anciens soldats anonymes n'est pas la difficulté qu'elle redoutait le plus. Il y en a une plus grande : celle de remuer des souvenirs qui remontent à plus d'un demi siècle avec des gens, aujourd'hui très âgés, qui ont passé tout ce temps à les refouler.
Nelcya Delanoë s'en rendra compte dès le premier entretien qu'elle tenta d'entreprendre avec les premiers qu'elle avait réussi à retrouver : « Prudents, ils fournissent de brèves informations et brossent succinctement des années lumière de vie obscure et martiale, modestes à s'effacer et habiles et effacer toutes les taches » écrit-elle. La prudence n'est pas le seul obstacle, il y a aussi la difficulté pour des gens, analphabètes pour la plupart de verbaliser des faits et des évènements en se mettant eux-mêmes en perspective. A force de persévérance et de ténacité, elle arrive pourtant à leur rendre la parole. Les documents historiques aidant, rapports de police, articles de journaux, travaux d'historiens, elle réussit même à apporter un éclairage des plus précieux sur un pan inconnu de l'histoire marocaine, celle faite par certains de ses hommes loin de ses frontières.
Deserteurs au nom de la patrie
Comment ces goumiers du Corps expéditionnaire français se sont-ils retrouvés chez le Viet-Minh ? pourquoi sont-ils restés au Viet-Nam plus de trente ans après la fin de la guerre contre la France ?
Si certains étaient, au départ, des prisonniers de guerre, la plupart d'entre eux avaient déserté les rangs de l'armée coloniale pour se rallier aux forces du Viêt-Minh qui, par sympathie avec la cause vientnamienne, qui, c'est le cas de la majorité d'entre eux, par des motivations patriotiques envers leur propre pays dont le roi, Mohammed V en l'occurrence, venait de subir l'affront de la destitution et de l'éxil. « Un jour j'ai vu la photo du roi Mohammed V sur un journal français, avec des mouches sur le visage, alors j'ai décidé de déserter et de rallier le Viet-Minh », raconte l'un d'eux. D'autres affirment avoir attaqué leurs officiers français en leur tirant dessus avant de prendre la fuite avec armes et munitions. Ce que semble attester la presse de l'époque et les rapports de la police qui explique la vague de désertion par la situation au Maroc.
Cependant on découvre grâce à ce livre, le rôle d'un homme, un Marocain nommé général Hamri, plus connu sous le nom de Maârouf. C'est à lui que le Viet Minh doit le ralliement massif des Marocains de l'armée française mais aussi des Algériens et des Tunisiens. Hamri, n'était pas un soldat, c'était un militant nationaliste qui se trouvait en Egypte à l'époque où Mohamed ben Abdelkrim Al Khatabi y tenait son quartier général. C'est Khattabi qui, à la demande de Ho Chi Minh, envoya Hamri au Viet-Nam pour éxhorter les soldats marocains à ne pas combattre le Viet Minh. C'est ce qu'il fit apparement avec beaucoup de succès.
Oubliés de tous après la guerre, ces poussières d'Empires se résignent à leur statut ambigu au Viet-Nam où ils n'étaient ni autorisés à revenir chez eux, ni habilités à mener une vie libre et normale sur place. Ils furent autorisés cependant à prendre femme et à travailler dans les champs.
C'est cette vie au quotidien et de ce retour que ce livre émouvant évoque également. Dans l'espoir de restaurer la mémoire.
C'est au cours d'un colloque littéraire, raconte l'auteur, qu'elle apprit, de la bouche de l'un de ses amis vietnamiens, l'existence de soldats marocains du Viet-Nam qui desertèrent l'armée française pour rallier la résistance vietnamienne dirigée par Ho Chi Minh, avant de regagner le Maroc trente après. Sa curiosité excitée, elle décide de les retrouver et d'en savoir plus sur eux .
Nelcya Delanoë n'est pas à son premier séjour au Maroc. Professeur universitaire d'histoire à Paris, elle est native du Maroc où son père s'est illustré du temps du protectorat par sa défense de l'indépendance.
Parcourir donc le pays à la recherche d'anciens soldats anonymes n'est pas la difficulté qu'elle redoutait le plus. Il y en a une plus grande : celle de remuer des souvenirs qui remontent à plus d'un demi siècle avec des gens, aujourd'hui très âgés, qui ont passé tout ce temps à les refouler.
Nelcya Delanoë s'en rendra compte dès le premier entretien qu'elle tenta d'entreprendre avec les premiers qu'elle avait réussi à retrouver : « Prudents, ils fournissent de brèves informations et brossent succinctement des années lumière de vie obscure et martiale, modestes à s'effacer et habiles et effacer toutes les taches » écrit-elle. La prudence n'est pas le seul obstacle, il y a aussi la difficulté pour des gens, analphabètes pour la plupart de verbaliser des faits et des évènements en se mettant eux-mêmes en perspective. A force de persévérance et de ténacité, elle arrive pourtant à leur rendre la parole. Les documents historiques aidant, rapports de police, articles de journaux, travaux d'historiens, elle réussit même à apporter un éclairage des plus précieux sur un pan inconnu de l'histoire marocaine, celle faite par certains de ses hommes loin de ses frontières.
Deserteurs au nom de la patrie
Comment ces goumiers du Corps expéditionnaire français se sont-ils retrouvés chez le Viet-Minh ? pourquoi sont-ils restés au Viet-Nam plus de trente ans après la fin de la guerre contre la France ?
Si certains étaient, au départ, des prisonniers de guerre, la plupart d'entre eux avaient déserté les rangs de l'armée coloniale pour se rallier aux forces du Viêt-Minh qui, par sympathie avec la cause vientnamienne, qui, c'est le cas de la majorité d'entre eux, par des motivations patriotiques envers leur propre pays dont le roi, Mohammed V en l'occurrence, venait de subir l'affront de la destitution et de l'éxil. « Un jour j'ai vu la photo du roi Mohammed V sur un journal français, avec des mouches sur le visage, alors j'ai décidé de déserter et de rallier le Viet-Minh », raconte l'un d'eux. D'autres affirment avoir attaqué leurs officiers français en leur tirant dessus avant de prendre la fuite avec armes et munitions. Ce que semble attester la presse de l'époque et les rapports de la police qui explique la vague de désertion par la situation au Maroc.
Cependant on découvre grâce à ce livre, le rôle d'un homme, un Marocain nommé général Hamri, plus connu sous le nom de Maârouf. C'est à lui que le Viet Minh doit le ralliement massif des Marocains de l'armée française mais aussi des Algériens et des Tunisiens. Hamri, n'était pas un soldat, c'était un militant nationaliste qui se trouvait en Egypte à l'époque où Mohamed ben Abdelkrim Al Khatabi y tenait son quartier général. C'est Khattabi qui, à la demande de Ho Chi Minh, envoya Hamri au Viet-Nam pour éxhorter les soldats marocains à ne pas combattre le Viet Minh. C'est ce qu'il fit apparement avec beaucoup de succès.
Oubliés de tous après la guerre, ces poussières d'Empires se résignent à leur statut ambigu au Viet-Nam où ils n'étaient ni autorisés à revenir chez eux, ni habilités à mener une vie libre et normale sur place. Ils furent autorisés cependant à prendre femme et à travailler dans les champs.
C'est cette vie au quotidien et de ce retour que ce livre émouvant évoque également. Dans l'espoir de restaurer la mémoire.
