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Ramadan : une journée à Souika

Si d'ordinaire la Souika grouille de monde, durant le mois de Ramadan elle ressemble littéralement à une fourmilière. La foule est si compacte qu'il est impossible de se faufiler entre les gens. A côté de ceux qui viennent y faire leurs emplettes, il y a

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Chbakia, baghrir, mlaoui, miel, beurre rance, feuilles de pastilla, graines de sésames ainsi que tous les ingrédients qui entrent dans la préparation des plats spécifiques à ce mois sont étalés en abondance à Souika. Si vous êtes tentés de faire une petite virée là bas par un après-midi ramadanesque, vous aurez l'impression d'être dans un souk de Baghdad à l'époque des Abbassides : Epices, dattes, figues asséchées….seule la musique endiablée et les C.D disposés en vrac vous ramène à la réalité. L'odeur exquise de la chbakia qu'on vient juste de sortir de l'huile de friture et qu'on immerge aussitôt dans le miel chatouille vos narines et vous donne l'eau à la bouche. On dit qu'il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre, mais la faim qui ten aille votre estomac, rend l'envie d'acheter irrépressible.
Les vendeurs de Baghir, de crêpes et autres préparations qui garnissent la table du ftour durant ce mois tiennent le haut de l'affiche. Nombreux sont les commerçants qui – durant les autres mois de l'année vendent d'autres denrées alimentaires – se convertissent à cette activité. Ils savent très bien que c'est ce qui marche le plus, à l'image de Aïcha, qui se voile le visage avec un foulard, sa table de baghrir devant elle. " D'habitude, je vends les produits de toilettes de contrebande pour femmes. Durant le Ramadan je préfère vendre le baghrir car les gens cherchent beaucoup plus les plaisirs de la table que les crèmes et les produits de beauté " explique-t-elle.
En vous baladant, vous êtes parfois assaillis par des femmes comme Aïcha, qui vous proposent leurs marchandises avec une insistance qui confine au harcèlement. Elles rivalisent d'ingéniosité pour attirer les clients qui se délectent à l'avance d'un baghrir bien trempé dans le miel et le beurre fondu. Et les clients succombent souvent à la tentation au grand bonheur de ces femmes, mais au grand dam de certains boutiquiers qui voient d'un mauvais œil cette concurrence déloyale. Les guéguerres entre eux sont permanentes, les seconds accusent les premières de leur " prendre leur part de marché ".
" Je préfère acheter le baghrir et les autres préparations à ces femmes qui étalent leur marchandise sur la voie publique. Elles les préparent, nous dit-on, dans des poêles d'argile. Le baghrir n'en est que plus délicieux. C'est comme si ces " chhiouates " ont été préparées à la maison " raconte une femme sur un ton magistral.
A quelques heures avant l'annonce de la rupture du jeûne, il faut faire la queue et attendre patiemment son tour, devant le vendeur de chbakia, briouates et autres préparations faites au miel. De plus en plus de femmes déclarent ne pas avoir de temps à consacrer à la préparation de ces gourmandises, mais peut être qu'elles n'ont pas tout simplement le savoir-faire nécessaire. " Avec le travail chaque jour, il m'est difficile de préparer quoique ce soit. On n'est libre qu'à partir de 15h. j'ai juste le temps de faire un tour ici pour acheter ce qu'il me faut et pour préparer la Harira " déplore une femme qui fait la queue devant le vendeur de briouate. Mais une autre femme, plus âgée, pense que le temps n'y est pour rien : " les femmes d'aujourd'hui sont fainéantes, la bonne cuisine ce n'est pas leur truc. Elles savent à peine faire des omelettes ".
La souika, c'est tout cela, mais c'est aussi des scènes un peu indignes de ce mois. Il ne se passe pratiquement pas une seule journée sans que vous soyez témoin d'une dispute ou d'un accrochage, les gens deviennent irritables et nerveux. Pour un oui ou pour un non la bagarre éclate. L'autre jour, deux vendeurs à la sauvette se sont donnés en spectacle parce que l'un a empiété sur le domaine de l'autre. Après avoir échangé les insultes et les propos blasphématoires, ils ont failli en venir aux mains. Visiblement, le fait de ne s'être rien mis sous la dent depuis des heures semble avoir eu raison de leur sang-froid. Ne dit-on pas que ventre affamé n'a point d'oreilles.
La mendicité prospère également à souika durant ce mois sacré, les mendiants deviennent plus nombreux et surtout plus agressifs.
Ils savent que les âmes charitables le deviennent beaucoup plus que les gens deviennent plus enclins à faire l'aumône. Ils répètent tous la même litanie d'invocations et de prières que les habitués de souika ont fini par apprendre par cœur. Qu'ils soient hémiplégique, manchots ou tout simplement des personnes physiquement saines, mais vêtus de guenilles, ils ressassent devant vous la même ritournelle : " Ce mois est sacré, aidez-moi puisse Dieu vous récompenser je suis indigent et sans ressources ".
C'est ce mélange de saveurs, de marchandise, de spectacles, et de scènes qui fait le charme particulier de cet endroit très prisé par les Rbatis. Vendeurs, flâneurs, acheteurs, mendiants et pickpocket s'y côtoient… n'est pas qu'il faut un peu de tout pour faire une souika.
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