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Relations sur les Royaumes de Marrakech et Fès de Georg Host

Après l'excellente «Histoire de l'empereur Mohamed Ben Abdallah», de Georg Host , voici enfin, traduit en français, un autre ouvrage de ce même auteur «Relations sur les Royaumes de Marrakech et Fès», qui vient de paraîtreaux Editions MLa Porte et qui n

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A l'actif de Georg Host, on peut relever une connaissance parfaite du pays et de ses hommes. Observateur averti, ce danois qui vécut au Maroc pendant sept longues années, était, sans le savoir, un ethnologue. Il réussit à tout noter, à tout relever, des détails les plus minutieux aux renseignements les plus précieux. «Relations sur les Royaumes de Marrakech et Fès - recueillies dans ces pays de 1760 à 1768» fut dans ce sens «un apport à cette longue chaîne de savoirs qui révélaient le Maroc à l'Europe, et désormais à lui-même».
Dans la préface de cet ouvrage admirablement traduit du danois par Frédéric Damgaard et Pierre Gailhanou, Jean-Louis Miège écrit : «Publié en danois en 1779, traduit presque aussitôt en allemand, l'ouvrage ne connut ni édition française, ni édition anglaise et pas, non plus, de traduction espagnole. C'est dire que qu'il resta presque ignoré dans les trois pays devenus par la suite les plus intéressés au destin du Maroc, les plus engagés dans sa vie diplomatique ou économique et qui, de conséquence, comptèrent le plus grand nombre de curieux et de chercheurs s'intéressant à l'empire chérifien».
Auteur usant d'une longue dite «rare», Host n'en fut pas moins compilé, plagié et parfois même repris intégralement par des auteurs qui oubliaient d'ouvrir les guillemets et de citer la source. C'est pourquoi, souligne le professeur Miège, «ce long et sournois pillage par quelques « spécialistes», comme l'ignorance générale de l'œuvre, rendent utile une publication qui renvoie à leur véritable origine des emprunts tradifs que le lecteur non averti pourrait juger information récente, et surtout qui redonne, dans sa quasi-intégralité et à un large public, une des œuvres maîtresses de l'historiographie et de l'ethnologie marocaine».

Des documents de première main


Georg Host a découvert le Maroc en 1760. Il y était envoyé par le gouvernement danois pour surveiller la compagnie royale dano-africaine de commerce. Rapidement, il devint vice-consul, puis consul du Danemark au Maroc, sous le règne de Sidi Mahamed ben Abdallah. Des relations d'amitié, de confiance et d'estime s'instaurèrent entre le souverain alaouite et l'envoyé danois. «Ce souverain établit avec lui des rapports très étroits et même amicaux, notent les traducteurs; si bien que non seulement Host assista à nombre de ses audiences officielles _qu'il a décrites avec exactitude_mais il eut aussi accès auprès du Roi et fut souvent reçu par lui en privé». En tant que diplomate et bien avant sa venue au Maroc en 1753, Georg Host avait participé, en sa qualité de conseiller de la compagnie dano-africaine, à l'élaboration d'un traité de paix, d'amitié et de commerce qui définissait clairement les attributions et obligations de cette compagnie qui gérait les ports marocains. En poste au Maroc, il participa également à la rédaction, le 27 juillet 1767, d'un autre traité de paix et qui mettait fin à la gérance danoise. «Le premier traité de paix et de commerce signé _en tant que Régent_en 1753 par Sidi Mohamed ben Abdallah avec le Danemark est très important à plus d'un titre, entre autres, parce qu'il fut le premier traité de paix signé entre le Maroc et un pays étranger. Sid Mohamed ben Abdallah s'en souviendra et il fut toujours bien disposé envers les diplomates danois, comme envers les maîtres-bâtisseurs, architectes, paysagistes, tailleurs de pierre et peintres danois qu'il fit venir dans le Royaume». relèvent les traducteurs. Cette estime royale profita amplement à Host qui put voyager librement dans tout le Maroc, recueillir des informations de première main sur l'armée, les finances de l'Etat, la marine, les importations et exportations, la vie de la Cour… Doté d'une solide culture générale, Host se promène avec aisance dans les livres anciens et offre aux lecteurs des citations dans le texte.
Le danois avait aussi l'avantage de connaître plusieurs langues, dont le latin et grec anciens, mais aussi l'allemand, le français, l'anglais, l'espagnol, l'arabe (classique et dialectal) appris sur place, l'hébreu et le berbère.
Observation des mœurs et traditions
«Son livre peut être considéré comme la première véritable encyclopédie consacrée au Maroc. Tout lui est grain: l'histoire, la géographie, les sciences naturelles, la sociologie, les arts… Il se démarque ainsi complètement de la tradition de la littérature sur le Maroc. Il ouvre surtout le chemin que prendront Chénier, Agrell, Jackson…», estime Jean-Louis Miège, dans sa préface. Mais à vouloir dominer toutes les époques et tous les savoirs, Host révèle aussi ses limites : certaines de ses références sont douteuses et remplies d'erreur. Toute cette partie a été supprimée par les traducteurs : «Aussi, avons-nous préféré enlever, dans le chapitre I, la partie historique compilée par Host dans tel ou tel ouvrage d'auteurs européens, passages manifestements excessifs sinon totalement mensongers, et rendus obsolètes par les récentes découvertes de la science historique».
Seule cette partie du livre de Host était sujet à caution, mais tout le reste de l'ouvrage, fidèlement traduit par Frédéric Damgaard et Pierre Gailhanou, dévoile cette observation presque scientifique d'un pays, de ses mœurs et de ses traditions, et dont certaines demeurent, deux siècles après, inchangées. L'expérience marocaine de Georg Host est unique et une des plus riches qu'un Européen ait vécu au XVIIIe siècle. Il note tout, relève et décrit tout. Il use en outre du «style plat de l'informateur». «On lui sait gré de cette absence de recherche littéraire qui, en l'occurence, atteste la véracité».
L'ouvrage de Georg Host est par ailleurs rehaussé d'illustrations qui sont «belles, précises et, pour la plupart, authentques. Elles furent dessinées sur place par des artistes danois de qualité, comme Stibold, mais aussi Heine, Shröder, et même par…Host. Elles constituent une des grandes sources iconographiques du Maroc, et furent souvent recopiées, plus faciles à reproduire que ne l'était le texte à traduire».
Aussi, au-delà de la valeur intrinsèque de cette œuvre majeure et magistrale, «Relations sur les Royaumes de Marrakech et Fès», est une une invitation à découvrir cette grande fresque qu'est le Maroc du XVIIe siècle.
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