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S.M. le Roi : "le Maroc ne cédera pas le moindre pouce de ses terres"

S.M. le Roi Mohammed VI a accordé une interview à quatre publications libanaises à la veille de la réunion du Sommet arabe de Beyrouth.
Cette interview a été réalisée pour le compte des revues «Al Hawadith» , «La Revue du Liban», «Monday Morning»

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Le journaliste souligne la stature de S.M. le Roi homme de grande culture, moderniste, adepte assidu de la lecture édifiante et nourrissant de grandes ambitions pour son peuple et pour l'humanité. Le descendant de la noble lignée du Prophète a su insuffler un élan formidable à la démocratie marocaine, faisant fleurir les bourgeons des libertés publiques et des droits de l'Homme et transformant le Maroc en une oasis fertile où règne un développement économique et social global à travers des chantiers ouverts partout dans le pays , souligne le journaliste. Voici le texte intégral de cet interview :Question : Après l'annonce de l'initiative saoudienne pour le règlement global et définitif de la crise du Moyen-Orient, quelle est votre position à l'égard de cette initiative ? Attendez-vous des résultats efficients du Sommet arabe de Beyrouth ? Quel rôle joue le Maroc pour concilier entre les différentes initiatives et particulièrement celle des Nations unies, sachant que le Royaume a joué un rôle fondamental et efficace et continue à le faire pour le rapprochement des parties?

Sa Majesté le Roi : Notre position a été claire et nette au sujet de l'initiative de notre frère Son Altesse Royale le Prince Abdallah Ben Abdelaziz, Prince Héritier du Royaume d'Arabie Saoudite. Nous l'avons bénie et soutenue immédiatement, car elle correspond fondamentalement à nos options et à nos convictions, basées sur une paix juste et globale impliquant le retrait d'Israël de tous les territoires arabes. L'initiative a réaffirmé, comme vous le savez, une position arabe constante. Notre vénéré père Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu ait son âme, a joué un rôle fondamental pour promouvoir cette position, en joignant systématiquement l'acte à la parole. Ceci a conféré à mon pays un capital de crédibilité auprès de l'ensemble des parties dans la région et ailleurs. Le Maroc a donc été et demeure encore un pont important pour le rapprochement des points de vue de toutes les parties et a joué un rôle essentiel pour concilier entre toutes les initiatives, à condition que soient réunies la bonne volonté et l'intention sincère, qui sont assurément disponibles chez la partie arabe. Le Sommet arabe de Fès de 1982, qui a révélé une concordance et une coordination des positions du Maroc et de l'Arabie Saoudite, avait montré en effet, à travers un projet arabe de paix, que la nation arabe était mue, depuis lors, par une volonté sincère de mettre fin au conflit dans la région du Moyen-Orient sur des bases constantes et solides ayant pour fondement et pour référence la légalité internationale.
Concernant les résultats auxquels pourrait aboutir le Sommet arabe de Beyrouth, nous sommes confiant que les résultats de ce Sommet, que le Liban s'apprête à accueillir, seront importants, tant les intentions de la partie arabe sont saines et sincères. Aussi tenons-nous à dire au monde que nous avons le droit de notre côté et que nous sommes des apôtres de la paix. Je crois que c'est là l'essence même de l'initiative saoudienne. Nous ne devons pas également perdre de vue que l'équation au Moyen-Orient a deux éléments, l'un, arabe, fait de son mieux pour mener la région vers la sécurité, et l'autre, Israël , qui doit s'inscrire dans cette orientation arabe et saisir cette occasion historique et importante pour l'ensemble des peuples de la région. Pour ce qui est des Nations unies, nous estimons, dans la conjoncture délicate actuelle, que leurs responsabilités leur dictent d'assumer un rôle accru. Lorsque nous nous attachons, nous les Arabes, à la légalité internationale, cela veut dire que les Nations unies constituent la référence et la partie qui doit être associée aux efforts pour mettre fin au conflit. A cet égard, nous nous félicitons de la dernière résolution du Conseil de sécurité de l'O.N.U. qui mentionne de manière explicite l'Etat de Palestine dans le cadre d'une vision confortant son existence à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, aux côtés d'Israël.
Il s'agit là d'une initiative louable qui laisse croire fermement que le rôle des Nations unies est désormais nécessaire et de plus en plus important.

En votre qualité, Majesté, de président du Comité Al Qods, et étant donné le rôle important qui est le vôtre dans ce domaine, quelles sont les dispositions et les mesures urgentes que votre Majesté propose pour empêcher la judaïsation d'Al Qods?

Sa Majesté le Roi : En notre qualité de président du Comité Al Qods, notre souci a été et demeure toujours de mener une action continue et persévérante pour sauver du danger de judaïsation, Al Qods, berceau des religions. Nous sommes aujourd'hui davantage soucieux de cela. Concernant les mesures pratiques pour empêcher la judaïsation de la ville d'Al Qods, je me référé, à cet égard, aux nombreuses dispositions qui ont été prises que ce soit au niveau islamique ou arabe.
Dans le cadre du Comité Al Qods, il a été procédé à la création de l'agence Beït Mal Al Qods qui a inscrit parmi ses objectifs principaux de contrecarrer la politique de judaïsation israélienne. Lors du Sommet arabe extraordinaire du Caire en octobre 2000, il a été procédé à la création d'un autre Fonds, sur proposition du Royaume d'Arabie Saoudite, baptisé Fonds Al Aqsa qui vise à financer des projets dans la ville d'Al Qods destinés à préserver son cachet arabe et islamique qui fait l'objet d'une vaste campagne de judaïsation sur les plans démographique et urbanistique. Des contacts politiques continus sont également menés avec les grandes puissances qui ont une influence avérée sur le cours des événements au Moyen-Orient et que nous exhortons à œuvrer pour la préservation d'Al Qods en tant que symbole de tolérance et de coexistence entre les religions. Il s'agit là, comme vous le constatez, d'un train de mesures aux objectifs nobles. Nous souhaitons que ces Fonds soient alimentés des dons nécessaires pour nous permettre d'assumer pleinement les tâches qui nous incombent à tous pour stopper l'avancée des implantations qui encerclent la ville et menacent la population d'Al Qods et ses habitations.
Al Qods est un dépôt entre les mains de l'ensemble des musulmans et des arabes qui n'y renonceront jamais, quel que soit le cours que prendront les événements.

Après les événements du 11 septembre dernier et leurs répercussions internationales, quelle est la position du Royaume du Maroc sur la guerre contre le terrorisme? Quels sont, Majesté, les mécanismes qui peuvent être proposés pour prévenir la poursuite de cette guerre? Au cas où l'Irak serait la cible d'une frappe américaine, quelle sera la réaction de Votre Majesté?

Sa Majesté le Roi : Comme chacun le sait, la position de principe du Maroc est le rejet catégorique de toute forme de terrorisme. Nous avons toujours été des apôtres de la paix, de la coexistence et du dialogue conformément aux préceptes de notre sainte religion islamique qui rejette la violence et l'atteinte à la vie des innocents. Aussi avons-nous condamné les actes terroristes, perpétrés contre les Etats-Unis d'Amérique, en même temps que nous avons annoncé notre soutien à un combat sans merci contre toutes formes de terrorisme, mais sur la base d'une approche globale mettant à contribution sur un pied d'égalité tous les instruments politiques et économiques, y compris le sécuritaire pour extirper le fléau du terrorisme et en éliminer les causes. Autant nous sommes soucieux de cela, autant nous insistons pour que la campagne internationale contre le terrorisme maintient sa cohésion autour de l'objectif qui doit cibler les véritables auteurs, au lieu de viser d'autres pays.
Nous refusons catégoriquement qu'un pays arabe, que ce soit l'Irak ou un autre, soit la cible de cette campagne, car rien ne justifie une telle action qui, certainement, ne sera ni dans l'intérêt de la région, ni dans celui des parties internationales qui aspirent à la stabilité dans cette région.

Après le dernier rapport présenté par le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan concernant la question du Sahara, il paraît que ce dossier se trouve aujourd'hui dans une impasse, surtout après la proposition de l'Algérie de partager les provinces sahariennes entre le Maroc et le polisario ? Comment voyez-vous l'aboutissement à une solution consensuelle entre les deux parties, sachant que le Royaume du Maroc a exprimé, au nom de toutes ses composantes institutionnelles, politiques, syndicales et sociales, et par une unanimité sans égale, son attachement à l'unité nationale ? A moins de deux mois qui restent pour parvenir à cette solution et avant que le conseil de sécurité ne prenne sa décision définitive à ce sujet, quelle est, dans ce contexte, la position des pays membres permanents du Conseil de sécurité vis-à-vis du conflit au Sahara?

Sa Majesté le Roi : Votre question comporte une réponse suffisante, c'est que le Maroc, avec toutes ses composantes, politiques et sociales, est attaché à son unité territoriale et à sa souveraineté sur ses provinces du sud . Il n'est point disposé à céder le moindre pouce de ses terres, car l'unité territoriale est pour lui une chose sacrée. Sur la base de cette unanimité, le Maroc a toujours montré sa disposition à coopérer avec l'Organisation des Nations unies et l'envoyé personnel de son secrétaire général pour parvenir à une solution politique et définitive à ce dossier artificiel qui entrave, dans la réalité, la marche de l'Union du Maghreb Arabe et retarde les efforts de développement commun au sein de l'Organisation. Ce que je voudrais affirmer, c'est que le Maroc n'a pas conduit ce dossier vers l'impasse et ne le fera jamais parce qu'il a traité dans un esprit positif sincère avec le secrétaire général des Nations unies et son envoyé personnel, et a accepté, malgré certaines réserves, l'accord-cadre proposé par M. James Baker - à qui nous témoignons toute notre considération pour les efforts qu'il déploie- pour trouver une solution politique à cette question. Le Maroc a consenti beaucoup d'efforts pour aboutir à une solution pacifique en prônant la voie du dialogue pour parvenir à cette fin.
La responsabilité de l'impasse dont vous parlez incombe à l'autre partie et à ceux qui sont derrière elle, qui cherchent à compromettre tous les efforts et initiatives visant à mettre fin à ce conflit. Pour ce qui est de l'idée de partition à laquelle vous avez fait allusion et qui a été présentée par l'Algérie, et que le Maroc a accueillie avec un grand étonnement, je voudrais dire très clairement qu'elle a fait tomber tous les prétextes et alibis que présentait l'Algérie pour justifier sa position à l'égard de ce dossier et sa soi-disant défense de ce qu'elle appelle l'autodétermination. Notre souhait est de voir triompher la raison et privilégier la logique de l'intérêt commun et de l'avenir des générations des pays du Maghreb arabe sur l'intérêt étriqué et immédiat qui a conduit à la situation que nous vivons actuellement. Pour ce qui est du volet de la question relative à la position des pays membres du Conseil de sécurité, je peux vous assurer que ces pays sont conscients des tenants et des aboutissants de ce dossier et connaissent clairement la position du Maroc à ce sujet, tout comme ils n'ignorent pas ce qu'ils y a derrière les attitudes des autres parties. Nous nourrissons l'espoir de voir les discussions qui auront lieu au Conseil de sécurité durant les prochaines semaines, déboucher sur la décision judicieuse et utile propre à mettre fin à ce conflit artificiel et à confirmer la marocanité de nos provinces du sud afin que nous puissions nous consacrer entièrement aux défis du développement et aux enjeux de l'avenir que nous sommes appelés à relever pour être au niveau des attentes des peuples de l'UMA.

Après votre dernière visite au Sahara marocain et votre rencontre avec ses habitants, comment voyez-vous, Majesté, les relations maroco-algériennes, dans la conjoncture actuelle et sous le mandat du Président Abdelaziz Bouteflika ? Et qu'en est-il de la question du tracé des frontières entre les deux pays ?

Sa Majesté le Roi : Il est tout à fait naturel que le Roi du Maroc rende visite à ses fidèles sujets dans toutes les provinces, au nord comme au sud, et il s'agit d'une visite que nous avons pris l'habitude d'effectuer afin de connaître de près les préoccupations et la situation de nos citoyens. C'est une ancienne tradition que nos glorieux ancêtres ont toujours suivie. C'est pourquoi notre visite dans nos provinces du sud a pour signification essentielle d'entretenir les contacts et la communication avec nos sujets. Pour ce qui est de nos relations avec l'Algérie soeur, nous essayons toujours de faire en sorte qu'elles soient empreintes de respect et à l'abri des calculs étroits, car les liens existant entre les deux pays nous donnent à aspirer que ces relations soient à la hauteur des ambitions des deux peuples. Les potentialités des deux pays, si elles étaient utilisées dans le sens du développement, changeront sans nul doute la configuration de la région, du point de vue économique et social. Au Maroc, nous sommes les apôtres du dialogue et du respect des principes de voisinage, et à plus forte raison si ce voisin est un frère. La question des frontières entre le Maroc et l'Algérie est en réalité un héritage de l'époque coloniale et le Maroc n'avait nullement l'intention de faire de cette question, un sujet conflictuel. La vision du Maroc est, au contraire, de faire de ces frontières des espaces de rencontre et de communication.

La création de l'Union maghrébine a eu lieu à l'initiative de S.M. le Roi Hassan II, croyez-vous, Majesté, que cette Union puisse être ressuscitée, à la lumière des développements de la question du Sahara ?

Sa Majesté le Roi : La création de l'UMA était une revendication des peuples maghrébins depuis l'époque coloniale, et cette ambition est restée vivace après l'indépendance. Je puis vous assurer que le Maroc est attaché à cette option que nous croyons être le gage de l'avenir de cette région, car les dénominateurs communs entre les cinq pays du Maghreb sont multiples et constituent une force d'impulsion pour l'émergence d'une Union maghrébine forte et efficiente. Nous œuvrons dans ce sens avec certains de nos frères parmi les dirigeants du Maghreb arabe dans le sens -je ne dirai pas de la résurrection de l'Union, car elle existe, elle est structurée et elle dispose d'un cadre clair-, mais nous cherchons à la dynamiser pour mieux répondre aux ambitions de nos peuples.

Le Maroc connaît une autre crise diplomatique avec sa voisine l'Espagne après le rappel de l'ambassadeur marocain il y a quelques mois, et nous ne voyons se profiler à l'horizon aucune amélioration des rapports tendus entre les deux pays, malgré les relations amicales, voire quasi familiales, qui lient Votre Majesté au Souverain espagnol. Comment voyez-vous, Majesté , une issue à cette crise que le Maroc vit à l'Est et au Nord?

Sa Majesté le Roi : Le Maroc et l'Espagne sont des pays voisins liés par des intérêts multiples. Hélas, ces relations ont traversé dernièrement des circonstances particulières, et le Maroc, en toute sincérité, n'a pas été derrière ces circonstances et ne les a pas provoquées. Mais ce que je voudrais vous dire, c'est que nous sommes convaincus et nous œuvrons à ce que notre relation soit marquée par le respect mutuel et un comportement conforme aux principes du bon voisinage. Nous essayons toujours de dépasser avec l'Espagne les séquelles du passé et de faire valoir de nombreux éléments positifs nous liant au peuple espagnol, de favoriser la prise de conscience d'une réalité fondamentale qui est l'existence d'intérêts vitaux liant le Maroc à l'Espagne et d'œuvrer à transcender les considérations conjoncturelles et la vision condescendante. Comme je l'avais dit auparavant, nous sommes partisans d'un dialogue équilibré prenant en compte les intérêts et les valeurs du Maroc, tout comme nous sommes respectueux des intérêts d'autrui.

Majesté, vous avez pris une louable initiative sur le plan africain, il y a quelques jours, celle de réunir les chefs d'Etat de Guinée, de Sierra-Leone et du Liberia, en vue du règlement du différend qui les oppose en tant que riverains du fleuve Mano et ce, malgré le fait que le Royaume du Maroc ait quitté, il y a 20 ans, l'Organisation de l'unité africaine. Cela suscite l'étonnement de tous les observateurs. Comment expliquer cela, Majesté ?

Sa Majesté le Roi : Comme vous le savez, le Maroc fait partie, géographiquement, du continent africain et a des liens solides avec l'Afrique qui remontent loin dans le temps, liens où s'imbriquent les dimensions spirituelle, culturelle et sociale, particulièrement avec l'ouest du continent. La politique du Maroc envers ses frères africains est fondée sur la solidarité et la coopération et, de ce point de vue, nous avons pris l'initiative d'aider les pays que vous avez cités, à transcender certains différends qu'ont connus leurs relations. Le Maroc était, comme vous le savez, l'un des fondateurs de l'Organisation de l'unité africaine au début des années soixante du siècle passé. Même s'il s'est retiré de cette Organisation après que celle-ci ait admis en son sein une entité fictive, le Maroc a su garder des relations bilatérales privilégiées avec la majorité des pays africains. Il n'est donc point étonnant que le Maroc assume le rôle qui lui est connu historiquement, contribue au règlement des questions africaines et se soucie des préoccupations de ce continent, mettant à sa disposition ses moyens, aussi modestes soient-ils, au service des causes africaines.

Le Royaume du Maroc a connu après l'accession de Votre Majesté au Trône, il y a moins de trois ans, un saut qualitatif en matière de démocratie et ce, à travers l'élargissement du champ des droits de l'Homme et des libertés publiques après la libération des derniers détenus politiques, le retour des personnes qui étaient restées en exil et l'annonce faite par Votre Majesté du nouveau concept de l'autorité, ce qui fait du Maroc l'un des rares havres de démocratie dans le continent africain. Quelles sont les prochaines étapes pour la consécration du climat de démocratie au Maroc ? Etes-vous, Majesté, satisfait de l'action du gouvernement de Abderrahmane Youssoufi ?

Sa Majesté le Roi : J'ai fait du parachèvement de l'édification de l'Etat de droit et de la consécration de la démocratie, dans le cadre de la Monarchie constitutionnelle, la base et la finalité de mon règne. La démocratie étant une construction permanente et une culture dont la propagation, aux plans de la pensée et de la pratique, requiert une dimension économique et sociale au risque de demeurer formelle et d'être menacée dans ses composantes politiques, j'ai pris la résolution de mener une action de terrain pour la dynamisation de la solidarité sociale, par le biais de la Fondation Mohammed V pour la solidarité que je préside personnellement et dont je supervise, de façon effective, les activités. Cette institution est une locomotive pour l'action de la société civile dans les domaines social et humanitaire au profit des démunis et des catégories sociales les plus vulnérables et en particulier les enfants de la rue et les femmes, ainsi qu'en matière de lutte contre l'analphabétisme et la pauvreté et d'aide à l'intégration sociale et au développement. J'œuvre également à travers les orientations que je prodigue au gouvernement et aux opérateurs économiques, à promouvoir l'investissement, l'initiative privée et la libération des énergies pour la création de nouvelles richesses permettant une vie décente aux personnes se trouvant dans le besoin, particulièrement les jeunes afin qu'ils aient la ferme conviction que la démocratie est la meilleure voie pour le développement et pour la prévention de toutes les formes d'extrémisme et de fanatisme.
Parallèlement, je suis déterminé à redoubler d'efforts pour renforcer les acquis dans le domaine de la démocratie, particulièrement en réunissant toutes les garanties pour le déroulement d'élections honnêtes, la promotion de la situation de la femme et de l'enfance et la mise en place des mécanismes à même d'assurer la protection des droits de l'Homme à travers les nouveaux textes de loi relatifs aux libertés publiques et à la procédure pénale, la création de l'institution “Diwan Al Madhalim” et l'installation prochaine du Conseil consultatif des droits de l'Homme dans sa nouvelle version où la consolidation de la démocratie constituera la meilleure prévention des abus et des violations du passé. Nous nous penchons, en outre, sur l'élaboration d'une nouvelle loi sur les partis politiques qui constituent la véritable école de démocratie ainsi que sur la création d'instances spécialisées garantissant la liberté et la pluralité des moyens de communication audiovisuels. Le plus important pour moi reste le renforcement de la démocratie de proximité locale, de la régionalisation et de la décentralisation. Concernant l'action du gouvernement, j'ai travaillé avec toutes ses composantes, le Premier ministre en tête, dans une parfaite coordination et dans le respect total des attributions constitutionnelles de chaque institution. En ma qualité de Roi de tous les Marocains, qu'ils soient au gouvernement ou dans l'opposition, et compte tenu de l'influence que pourraient avoir mon évaluation et ma vision des choses sur les citoyens, il me serait difficile d'émettre un jugement de valeur sur l'action du gouvernement à quelques mois des élections, auxquelles, du reste, je n'ai pas le droit de participer, laissant les électeurs s'exprimer en toute liberté sans orienter leurs opinions.

L'économie est le moteur principal du développement de tout pays. Majesté, quelle est votre vision pour la dynamisation de l'économie marocaine et quelles sont les mesures que vous estimez appropriées pour sortir le Maroc des problèmes du chômage, de l'émigration clandestine et de l'endettement? La politique de régionalisation et de décentralisation est-elle la solution efficiente à ces problèmes?

Sa Majesté le Roi : J'avais bien souligné, au lendemain de mon accession au Trône, que je ne disposais pas d'une baguette magique pour résoudre tous les problèmes du pays. Tout ce dont je dispose c'est l'unanimité du peuple autour de ma conduite des affaires de l'Etat et notre volonté commune de travailler avec sérieux dans le cadre de la démocratie, de la solidarité sociale, de l'optimisation de nos potentialités et de l'économie libérale pour laquelle le Maroc a opté depuis une longue date pour la réalisation du développement durable. J'ai porté un intérêt particulier au décollage économique et à la solidarité sociale qui sont les piliers de la démocratie politique, comme je vous l'ai dit. A cette fin, la solution réside dans la création de plus de richesses avant de réfléchir à leur répartition. Le débat était fausse puisqu'il s'articulait sur la répartition des richesses avant même de réfléchir à leur création. Or la création de nouvelles richesses et d'opportunités d'emploi ne peut se concevoir que par l'affranchissement de l'initiative privée de toutes les entraves, l'encouragement de l'investissement privé et la rationalisation de la gestion des établissements publics ou leur privatisation, car l'Etat n'est pas toujours un bon gestionnaire en matière économique. Dans ce contexte, j'invite le gouvernement et le parlement à œuvrer à la levée tous les obstacles entravant l'investissement et ce, à travers la réforme de l'administration, de la fiscalité et de la justice et l'élaboration d'un code de travail incitatif de l'investissement et de la production. A ce titre, nous avons franchi d'importantes étapes en créant des centres d'investissements régionaux en guise de guichet unique qui va permettre à l'investisseur de démarrer son projet dans le plus bref délai possible, qui pourrait se réduire à quelques heures. En illustration de la confiance dont jouit le Maroc, grâce à sa stabilité politique, son système démocratique et son engagement réel dans la voie de la libéralisation de l'économie, nous avons réalisé cette année plus de trois milliards de dollars d'investissements directs extérieurs. Notre proclamation de l'actuelle décennie comme priorité nationale pour la réforme du système d'éducation et de formation devra aussi contribuer à alimenter l'économie en ressources humaines qualifiées pour réaliser les objectifs de développement global. En même temps, nous allons nous concentrer sur les secteurs prometteurs de l'économie nationale, notamment le tourisme, la Pêche Maritime, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'agroalimentaire et l'artisanat, en l'occurrence des secteurs où nous disposons d'une forte compétitivité.

Le Royaume du Maroc a connu d'intenses débats concernant l'amendement du code de statut personnel (Moudouwana) en vue d'améliorer la situation de la femme et son statut dans la société marocaine. Vous avez, Majesté, constitué à cet égard une commission chargée de cette question. Comment peut-on, selon Votre Majesté, concilier entre les ambitions de la femme marocaine et ses aspirations à un devenir meilleur dans le cadre des enseignements de la Chariaâ ?

Sa Majesté le Roi : Oeuvrer à rendre justice à la femme, à lever toutes les formes de discrimination qu'elle endure, a été parmi mes premières initiatives, convaincu en cela qu'une société qui marginalise la moitié de sa population que sont les femmes, ne peut escompter aucun développement. Outre ces initiatives prises pour que la femme soit investie de hautes responsabilités dans les domaines politique, économique et culturel, j'ai pris sur moi, en ma qualité d'Amir Al Mouminine, de donner suite à un mémorandum qui m'avait été adressé par l'ensemble des organisations féminines marocaines, tous courants politiques, culturels et régionaux. Et puisque l'objectif de rendre justice à la femme est d'une telle noblesse, qu'il doit être placé au-dessus de toute exploitation électoraliste et politicienne étroite, j'ai constitué une commission consultative, pluridisciplinaire, pour l'examen d'un projet de réforme fondamentale et globale du code de statut personnel. Toutefois, que ce soit lors de l'installation de cette commission ou à l'occasion des différentes séances de travail que j'ai présidées aux fins de suivi et d'évaluation, j'ai tenu à ce qu'elle fasse son travail dans la célérité mais sans précipitation. Nous étions devant deux choix: ou bien réaliser une réforme partielle de la Moudouwana, ce qui allait nécessiter un temps court, certes, mais qui devait nous amener à entreprendre une autre réforme après quelques mois ou quelques années, ou bien d'élaborer une nouvelle Moudouwana, dans le fond et dans la forme, ce qui a été retenu, mais cela nécessitera un peu de temps qui, dans les cas extrêmes, ne devra pas dépasser l'année en cours. En outre, étant convaincu de l'utilité d'une action en profondeur, car un travail superficiel et précipité me rebute, particulièrement sur des sujets qui constituent un facteur déterminant dans un projet de société démocratique et moderniste, que je m'attache à édifier pierre par pierre, j'ai opté pour la seconde voie. En ma qualité d'Amir Al Mouminine, je suis convaincu que la Chariaâ et la tradition du Prophète, mon aïeul, que le salut soit sur lui, qui rend hommage à la femme, peut, par les temps présents, à travers l'ouverture de la voie à l'ijtihad et à la jurisprudence, et en rejetant tout repli sur soi, toute étroitesse d'esprit, nous permettre de rendre justice à la femme dans le cadre de la Chariaâ et en conformité avec ses nobles finalités. Ceci ne doit pas nous empêcher, pour autant, de procéder à une mise à niveau de notre système judiciaire par la création de tribunaux spécifiques à la famille qui seront installés graduellement.

Le Maroc connaîtra, dans le courant de septembre prochain, des élections législatives, dont on dit qu'elles seront les premières élections entièrement honnêtes du Royaume. Est-ce que Votre Majesté s'attend à ce que ces élections créent un changement dans le paysage politique marocain ? D'après Vous, quelle sera la part des Islamistes ?

Sa Majesté le Roi : Comme je l'ai souligné maintes fois, je m'attends à ce que les prochaines élections expriment, avec toute sincérité, liberté et honnêteté, les courants de l'opinion publique, et qu'elles fassent émerger une élite profondément imprégnée des principes servant l'intérêt général et qualifiée à ériger les instances élues en puissant lévier pour le progrès économique et social, dans le cadre d'un paysage politique rationnel, constitué de pôles homogènes. Quant à la part revenant à ce parti ou à un autre, c'est le libre choix des électeurs qui va en décider.

L'Algérie fait face au problème de l'amazigh où cette revendication linguistique est accompagnée de doléances politiques plus profondes qui confinent au droit à l'autonomie. Quel est le point de vue de Votre Majesté concernant la question de la langue amazigh au Royaume du Maroc ?

Sa Majesté le Roi : Mes principes, ma culture et mon éthique politique m'interdisent de m'immiscer dans les affaires intérieures d'un pays étranger. Qu'en serait-il alors, quand il s'agit d'un pays frère et voisin auquel je souhaite tout le bien, la stabilité, le progrès et la prospérité. S'agissant de mon pays, l'amazigh est la propriété de tous les Marocains, c'est un patrimoine national et une composante fondamentale de l'identité nationale plurielle, et sa promotion s'inscrit dans le cadre du projet démocratique moderniste, consacrant l'unité nationale, laquelle est riche par la diversité de ses affluents amazigh, arabo-islamique, andalou et saharo-africain. Comme c'est le cas pour toutes les grandes questions nationales, j'ai entrepris la création d'un Institut Royal pour la culture amazigh, et j'ai nommé à sa tête une personnalité académique nationale qui œuvre, aux côtés d'un comité quadripartite, à la proposition des membres du conseil d'administration de cet Institut qui aura en charge la promotion de la culture amazigh et son développement dans tous les domaines, tout en ayant présent à l'esprit la dimension nationale de cette culture qui est une source de fiérté pour tous les Marocains, en tant que question culturelle nationale, qui ne relève ni d'un cadre régional, ni d'un courant politique déterminé.

Le Maroc est l'un des rares pays arabes où vit une communauté juive ayant une représentation politique et dont les membres jouissent du droit de citoyenneté. Y-a-t il une crainte que cette communauté ne fasse l'objet d'une action hostile de la part d'activistes intégristes marocains?

Sa Majesté le Roi : Le Maroc se distingue par son pluralisme culturel fondé sur des idéaux de tolérance, de modération et d'ouverture sur toutes les civilisations. Les Sultans du Maroc avaient accueilli les Juifs et se sont opposés à leur persécution en Andalousie. Ils ont trouvé dans mon pays un espace fertile pour la liberté, la tolérance, la modération et la coexistence dans le respect mutuel entre les fils d'Abraham, que le Salut soit sur Lui. Partant de ce référentiel historique, qui s'est manifesté à travers la protection accordée, par feu mon grand-père S.M. le Roi Mohammed V, que Dieu ait son âme, aux Juifs en butte aux lois du régime de Vichy, allié des Nazis, et l'action d'avant-garde de mon regretté père, que Dieu l'ait en Sa Sainte Miséricorde, dans le processus de paix au Proche-Orient en direction des Juifs marocains et non marocains, épris de paix, et de par ma qualité de Roi de tou
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