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Sidna Yusuf et Ibn Arabi

Au Colloque International d'Ibn Arabi qui vient de se tenir à la Faculté des Lettres de Rabat, Le Professeur espagnol Jose Miguel Puerta Vilchez a mis en relief l'influence de la personnalité de Sidna Yusuf dans la pensée akbarienne, au niveau de ses trav

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Le maître du soufisme Mohyye Eddine Ibn Arabi ne cesse d'éveiller les consciences sur la puissance de sa pensée, son acuité par rapport à toutes les époques de l'Humanité, l'évidence de sa dimension contemporaine. Si bien que de nombreuses rencontres scientifiques se tiennent régulièrement de par le monde, réunissant des savants d'Orient et d'Occident, musulmans pour la plupart (de naissance ou convertis) dont des « gens de Dieu ». En cette période sacrée pré-ramadanienne, s'est tenu un Colloque International sur Ibn Arabi à la Faculté des Lettres de Rabat, organisé par un groupe d'enseignants chercheurs universitaires autour du Professeur Mohammed El Mesbahi. Y ont été conviés des savants d'Andalousie, du Maghreb, des Etas-Unis, d'Angleterre, d'Iran, et du pays.
L'Espagnol Pr Jose Miguel Puerta Vilchez venu de Grenade a traité de « La perle de Yusuf dans l'univers imaginal d'Ibn Arabi ». Car dans cet univers, cette imagination créatrice, illuminée de la lumière cosmique du Prophète Sidna Mohammed Prière et Salut Divins sur lui, qui incarne l'homme parfait par le miracle prophétique, brille la lumière précieuse du Prophète Sidna Yusuf sur lui le Salam Divin. Une attention particulière pour sa personnalité, comme le précise Pr Vilchez. « Peut-être la cause en est, dit-il, les liens forts entre l'image yusufienne coranique, et les concepts de la beauté et de l'imaginal, fondamentaux chez Ibn Arabi, et dont les portées dépassent le niveau du monde des intelligibles ». Pr Vilchez va jusqu'à relever des affinités, qui ne se limitent pas à l'apparence, entre la personnalité de Sidna Yusuf et celle d'Ibn Arabi. Il relève des similitudes relatives aux événements marquants de la vie de l'un et de l'autre, leur ascétisme (pas dans le sens de l'isolement mais du renoncement) commun aspirant à la perfection de l'âme, et que tous les deux ont immergé dans l'océan où la navigation est permanente entre les mondes du réel et celui de l'imagination. Comme ils ont tous deux expérimenté l'interprétation de la vision et des symboles du monde et se sont appliqués à aiguiser leurs capacités à saisir les secrets de l'inconnu (al-ghaïb). « Ibn Arabi a recherché sa propre image dans le miroir prophétique de Sidna Yusuf », dit Pr Vilchez. Il indique que l'image de Yusuf accompagne notre soufi andalou depuis l'éclosion de sa pensée, dans sa jeunesse alors qu'il séjournait quelque temps au Maroc.
Une histoire métaphysique et symbolique

Dans l'ouvrage d'Ibn Arabi intitulé «Al-Israe ila makam Al-Isra » («Voyage vers la station de l'ascention»), édité à Fès en 594 H (1197-1198), signale le Professeur, Ibn Arabi attribue le «troisième ciel », «ciel d'Al-Shahada» à Sidna Yusuf. Il décrit ce ciel comme « ciel de la beauté » et « minéral de la noblesse ». Ce troisième ciel où « se concrétise», «se matérialise» la noblesse, dont la quintessence est la beauté. Ibn Arabi évoque, en rapport avec ce concept de la beauté, Al-Miîraj, l'ascension verticale de Sidna Mohammed, Prière et Salut Divins sur lui, comme étant la perfection de la beauté yusufienne, car le Prophète Mohammed, Khatim Al Anbiae (le Sceau des Prophètes), englobe les vertus célestes de tous ceux qui l'ont précédé. Ainsi poursuit le Professeur : « Ce troisième ciel que visite le traversant, c'est à dire Ibn Arabi, dans son voyage savant et existentiel vers le Trône Divin, est le ciel de la beauté des cœurs, ciel où le traversant rejoint Yusuf avec les ressources des mondes inconnus (al-ghouyoub) et qui devient le ciel qui conduit au monde de l'inconnu (al-ghaïb), dont le saisissement aboutira à travers le cœur, l'imaginal et l'inspiration et non par la raison et la réflexion théorique ». Car dans la pensée soufie l'apport céleste de l'expérimentation personnelle surpasse la réflexion tout en la nourrissant. «Dans ce troisième ciel propice à l'ascension verticale, notre soufi andalou voit la beauté des prophètes. Il décrit ainsi le prophète comme propriétaire d'un palais et d'une nation qu'il gouverne avec sagesse et justice dans un contexte de prospérité et de sérénité, à une phase nuptiale en compagnie d'une mariée éblouissante, rayonnant de la lumière du sultanat, des anges et des créatures supérieures, parfait dans ses vertus et dans sa création (al-khoulouk wa al-khalk), sain, innocent, souverain absolu, savant et connaissant des secrets de l'inconnu». Soulevons ici, au niveau de la langue arabe, langue coranique et divine, que les termes « khalk » et « khoulouk » ou « akhlak », c'est à dire « création » et « vertus », sont de même racine. Les vertus, (leur présence ou leur absence), l'âme, priment dans l'acte divin de création de l'être humain. L'âme est directement de l'ordre du divin, et dans la Création, elle prime sur le corps et sa matérialité. Ainsi est la Parole Divine dans le signe 85 (verset 85) de sourate « Al-Isra » : « Et l'on t'interroge sur l'âme, dis que l'âme est de l'ordre de Dieu, et vous n'avez acquis de la science que très peu ». Dans la même sourate, signe 36, Dieu Recommande encore :
« N'intervenez pas sur ce dont vous n'avez pas la science. L'ouïe, la vue, le cœur (al-fouad), vous serez Questionnés sur tout cela ». C'est à dire que l'homme aura des comptes à rendre, lors du Jugement Dernier, sur tout ce qu'il a pu dire au sujet de l'âme, de la perception, de l'entendement, de l'écoute, de la vision, des sentiments…Tout ce qui concerne les vertus, essentielles en soufisme, composantes de la noblesse et source de la beauté, est d'essence directe divine.
Pr Vilchez indiquera ensuite qu'Ibn Arabi, en traitant de la beauté et de la noblesse de Sidna Yusuf, a attiré l'attention sur tout le mal et l'injustice dont le prophète Yusuf a été victime au cours de sa vie, la trahision de ses frères, le prix modique de sa vente par les marchands d'esclaves, les accusations qu'on lui a infligées… Car ces hautes qualités, la beauté d'être, suscitent chez l'homme faible (faiblement doté en vertus), la jalousie, l'agressivité, le mensonge,… Ainsi, Sidna Yusuf symbolisera dans les travaux d'Ibn Arabi, l'homme qui, accablé par la perversité de ses ennemis, surmontera ces épreuves dans sa voie du rapprochement de Dieu, par la force de sa volonté et de sa foi, et sera élevé au plus haut rang, auquel conduisent les différentes étapes de la connaissance sur la voie du Très Haut. Dans les travaux akbariens, toute l'histoire coranique de Yusuf prend l'allure d'une histoire philosophique, métaphysique et symbolique,
« voyage » yusufien de l'esclavage à la royauté, et à la souveraineté absolue telle qu'elle est décrite au «troisième ciel». Il consacre une analyse particulière à l'incident qui oppose Sidna Yusuf à l'épouse de Pharaon, qui a conduit le prophète à l'emprisonnement, lieu de ses visions, celles-ci se situant dans la sphère de l'imagination, intermédiaire entre le monde des intelligibles et le monde sensoriel. Surmontant l'épreuve de la tentation, il y a préféré l'emprisonnement où il a réalisé profondément la condition d'esclave et où il a commencé son voyage spirituel qui le conduira juqu'à la royauté, et jusqu'à la station de la plus grande proximité. Cette phase de la vie de Sidna Yusuf constitue une étape importante de son parcours initiatique. Elle introduira , dans les travaux du maître soufi, le concept du monde imaginal. Et partant de cet incident symbolique, Ibn Arabi entreprendra une étude complexe de la relation entre l'homme et la femme dans l'amour, et dans laquelle il démontrera que la complémentarité sublime ne peut avoir lieu que dans l'amour qui réunit la féminité et la masculinité, ces «moitiés» que recherchent l'homme et la femme dans l'aimé du sexe opposé.
L'homme a été créé pour tendre vers la perfection

Toujours en continuant de mettre en relief l'importance de l'image de Sidna Yusuf dans la pensée akbarienne, Pr Vilchez axera la seconde partie de sa conférence sur la notion de l'imaginal dans ses travaux. « Le prophète du monde imaginal », c'est le prophète Yusuf. Pr Vichez rappelle que dans son œuvre monumentale «Al- Futuhat al-Maqquia», Ibn Arabi commence par poser le principe que l'homme a été créé pour tendre à la perfection : celui qui rassemblera les qualités du philosophe, qui s'appuie sur les intelligibles, et celles du savant qui suivra le Prophète Sidna Mohammed dans sa voie de l'inspiration, et ceux-là sont les détenteurs du goût spirituel (al-dawk) et de la sainteté. Et dans leur accessibilité au ciel yusufien, leurs acquis de s0cientifiques sont illuminés par une science nouvelle, celle du symbole et du monde imaginal. Ceci parce que Sidna Yusuf qui les y reçoit en personne, est le détenteur suprême de la science de l'expression, de l'image du paradis, et des corps des âmes lumineuses et de feu, et son champ d'interprétation couvre le monde imaginal dans toute sa plénitude, ainsi que sa capacité unique à saisir le langage de l'inconnu représenté dans les images sensorielles.
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