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Surpeuplement des prisons au Maroc : echec de la politique punitive

Le tragique incendie qui a ravagé le mois dernier le pénitencier de Sidi Moussa à El Jadida, faisant une cinquantaine de morts et autant de blessés, ravive le débat
sur le phénomène du surpeuplement des prisons marocaines.

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Les pouvoirs publics reconnaissent que les prisons marocaines sont surpeuplées et sont à la recherche de solutions pour réduire la population carcérale, qui compte 53.643 détenus au 30 novembre 2002, hébergés dans 48 établissements dont 17 bâtis durant le protectorat.
Faisant le constat, le directeur de l'Administration pénitentiaire et de réinsertion, M. Mustapha Medah, affirme que «Le phénomène de surpeuplement dont pâtissent tous les établissements pénitentiaires, non seulement il freine tout effort d'humanisation des conditions de détention, mais se dresse comme un véritable défi devant les réformes profondes envisagées».
Et pour cause. La population carcérale au Maroc a presque doublé durant la dernière décennie passant de 31.250 détenus en 1991 à 57.308 en 2001, soit une augmentation vertigineuse de 83,5 % ou un accroissement de 6,5 % en moyenne annuellement, selon des chiffres révélés par M. Medah lors d'un débat organisé durant le week-end à Casablanca par l'Observatoire marocain des prisons (OMP).
«Ce nombre, dit-il, devait atteindre 61.033 détenus en 2002 si ce n'est la grâce Royale durant les fêtes religieuses et nationales, en particulier celle décidée lors des noces de Sa Majesté et qui avait profité à 6.324 personnes».
L'OMP, tout en reconnaissant les améliorations apportées par la loi N° 23/98 relative à l'organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, avance que le surpeuplement constitue «le plus grave problème dans le sombre tableau que présente la situation des prisons, problème qui ne cesse de s'accentuer sous l'effet de l'augmentation continue de la population carcérale».
Autre facette
L'espace réservé à chaque pensionnaire des établissements pénitentiaires au Maroc est l'autre facette du problème du surpeuplement. Si en France, par exemple, l'espace occupé par chaque détenu est de 6 m2 en moyenne, au Maroc, la superficie totale dédiée à l'hébergement des prisonniers est de 81.170,67 m2 pour 53.643 pensionnaires, soit une moyenne de 1,51 m2 par détenu, et elle est inférieure à 1 m2 dans neuf établissements pénitentiaires, selon la comparaison faite par M. Medah.
Ce constat rejoint celui dressé par l'OMP, une organisation non gouvernementale qui milite pour la défense des droits des prisonniers, qui a applaudi, par la voix de son secrétaire général, Me. Abderrahim Jamaï, ce «nouveau» discours «réaliste» tenu par un haut responsable du ministère de la Justice.
«Les prisons marocaines renferment actuellement environ 60.000 détenus pour une capacité d'accueil de moins de 40.000 personnes», a déploré M. Youssef Madad, secrétaire général adjoint de l'OMP qui a précisé que dans le cas du pénitencier d'Inzegane, l'espace moyen réservé à chaque détenu est de 0,5 m2.
Le constat fait, reste comment remédier à une telle situation? Là aussi, les avis convergent et aussi bien les représentants des pouvoirs publics que les militants des droits de l'Homme et les juristes, présents à ce débat, plaident pour l'adoption des mesures alternatives à la privation de liberté comme la liberté conditionnelle, une mesure qui n'a profité à aucun détenu en 2001 selon le rapport annuel de l'OMP, ou les travaux d'intérêt général.
Car, aussi salutaire qu'elle soit, l'édification de nouvelles prisons -trois seront ouvertes durant les premiers mois de l'année 2003 et neuf autres sont en cours d'étude- ne peut à elle seule dépeupler le monde carcéral marocain.
«L'engorgement des prisons ne peut être solutionné par l'augmentation du nombre des établissements, quel que soit son rôle pour se doter d'espaces supplémentaires d'accueil, mais par l'adoption de mesures et dispositions qui ont fait leur preuve dans certains pays étrangers», admet le directeur de l'Administration pénitentiaire.
Réduire le recours
Optimiste, M. Medah se dit confiant que «les réformes prévues par le nouveau code de la procédure pénale concernant la procédure de règlement à l'amiable, le relèvement de l'âge pénal à 18 ans et la contrainte par corps vont contribuer à réduire le recours à la détention préventive et partant du nombre des personnes internées dans les prisons».
Mais le drecteur de l'Administration pénitentiaire ne s'arrête pas en si bon chemin. «L'activation de la procédure de la liberté conditionnelle contribuera aussi à désengorger les prisons en encourageant les détenus à faire preuve de bonne conduite pour bénéficier de cette mesure et recouvrer la liberté», a-t-il préconisé en plaidant également pour l'«élargissement de la base des candidatures à la grâce».
Tout en soutenant cette démarche, M. Medah enchaîne en estimant que l'augmentation du nombre des récidives parmi les détenus prouve, selon lui, l'échec de la politique punitive et rappelle la nécessité de mettre en œuvre des peines alternatives à la privation de liberté comme la libération des détenus qui ont fait preuve de bonne conduite, après avoir purgé la moitié de leur peine.
Autre mesure «urgente» proposée par un membre de l'OMP: une grâce au bénéfice d'une «grande partie» de la population carcérale tels les mineurs, les personnes malades, âgées ou condamnées pour une peine de courte période et celles placées sous le régime de la détention provisoire. Et comme l'a proclamé un ancien président du tribunal de la jeunesse de Genève intervenant au débat : La prison étant la «meilleure école du crime» surtout pour les jeunes, il importe vraiment de l'éviter chaque fois que c'est possible.
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