Rabat, 1977. Un soir comme un autre et une chambre comme il en existe tellement dans les bonnes demeures marocaines. Sur les banquettes de l'un des salons du Palais Tazi, il y avait Hassan Kacimi Alaoui, Boudali Stitou, Mohamed Bahri, Mohamed Tamri, Abdelghani Dadès, moi-même et Mustapha Sehimi. Nous venions tous de présenter nos démissions des quotidiens du groupe Maroc Soir, exception faite du dernier qui n'en fut que collaborateur occasionnel.
Nous nous étions fixé rendez-vous pour faire le déplacement à Rabat afin d'écouter l'offre d'emploi que Abdellah Stouky allait nous faire au nom du Premier ministre, Ahmed Osman, et pour en discuter les modalités .Une offre qui, nous a-t-on dit sous le sceau du secret, s'inscrivait dans la perspective de la création d'une nouvelle force politique que le Premier ministre était chargé de porter sur les fonts baptismaux. De quelle force s'agissait-il ? Quel titre porterait le journal que nous étions appelés à confectionner ? Quelle en serait la ligne éditoriale ? Quel en sera le contenu ? Aucune de ces questions n'a été réellement abordée ; l'accord ayant, de prime abord, été total, sauf sur deux ou trois points de détail. Nous avons récusé Sehimi et avions souhaité nous adjoindre la collaboration de Farida Moha, de deux anciens animateurs du bureau rbati de Maroc Soir S.A., en l'occurrence Arsalane Kébir et Bouchaib Zaânouny ainsi que d'un chef d'atelier de la Sonir – Allal Abroute - et d'un ancien technicien de l'Imprigéma – Brahim.
Les jours qui suivront seront forts instructifs pour chacun d'entre-nous ; étant entendu qu'en matière de lancement de journaux ou de gestion de la chose publique, nous étions tous novices. Le premier contact avec le landernau politique s'est traduit par un choc inoubliable.
En ces temps, l'Exécutif gérait la chose et les deniers publics d'une manière pour le moins étrange. Du moins différente de celle que l'on ressassait, à longueur d'année, dans les médias et au sein des Facultés, instituts et écoles supérieures. A titre d'exemple, les moyens mobilisés pour le lancement des journaux du parti en gestation n'étaient pas totalement privés. Loin s'en faut. Ainsi en est-il du “Clavecin ”, immeuble de la rue de Damas où a été logée la rédaction des futurs organes de presse censés répandre la bonne parole des SAP et de la formation qui les regroupera par la suite. Sous la dénomination RNI (Rassemblement national des indépendants). Idem pour l'imprimerie de la Rue Djeddah qui, bien que fermée depuis des lustres pour des causes que le-tout-Rabat connaissait, allait nous ouvrir ses portes après avoir, au passage, pris possession des “ Lynotype ” et autres “ Ludlow ” de l'atelier typographique «Les Echos ». Idem pour la décision d'imprimer les futurs organes de presse sur la rotative du quotidien “ Al Anbaâ ” et d'utiliser, en cas de besoin, le propre papier de celui-ci.
Pareilles facilités avaient incité à l'optimisme. Mais, malgré elles, la tâche ne fut pas de tout repos.
Il faudra plusieurs jours pour que le numéro zéro du futur « Al Maghrib » sorte des presses. Un moment tellement émouvant qu'il nous a fait oublier les longues nuit de veille, les incessants allers-retours entre Rabat et Casablanca où nous habitions tous, la peur d'un échec éventuel, l'insupportable accumulation de stress, etc. Nous avions tous pleuré en voyant « notre » quotidien défiler sur le tapis roulant de la rotative. En fait, personne ne croyait possible de réaliser pareil exploit avec si peu de moyens humains. Mauvais présage ou signe du destin, ce furent toujours les moyens qui manquèrent le plus. Nos salaires mensuels ne nous étaient versés que tous les deux , voire trois mois, les prélèvements sociaux n'ont jamais été acquittés, malgré leur imputation sur nos fiches de paies, etc. La liste des travers est longue. Tellement longue que personne, de nos jours, ne pourrait comprendre pourquoi nous, journalistes sans attaches politiques, nous nous étions embarqués dans pareille aventure. Sauf, peut-être, à savoir que les salaires qui nous avaient été promis représentaient le quadruple de la moyenne nationale et que l'aventure éditoriale était tellement belle et poignante qu'elle aurait happé n'importe quel professionnel.
Le RNI en gestation – ou plutôt Abdellah Stouky, maître d'ouvrage et cheville- ouvrière du projet - nous avait offert une tribune où nous pouvions nous exprimer sans autre forme de censure que celle que nous imposait notre propre conscience. Le résultat en fut foudroyant. Non seulement le journal “ Al Maghrib ” s'est vite imposé comme la référence incontournable de la presse marocaine d'expression française d'alors, mais le nombre de ses lecteurs s'est aussi multiplié à très grande vitesse.
Pas pour longtemps. Moins de deux ans après que les ambitions des SAP (Sans appartenance politique) se soient concrétisées dans le cadre d'un RNI (Rassemblement national des indépendants) qui a vite consommé sa première scission, Stouky et son équipe furent remerciés les uns après les autres.
Un adieu ? Non un simple au-revoir. De nouvelles retrouvailles furent scellées par une autre grande aventure éditoriale et politique.
Le processus de création de l'Union Constitutionnelle par Maâti Bouabid (un autre Premier ministre), avait généré le besoin de créer des organes de presse destinés à diffuser la bonne parole du nouveau parti.
Le projet en a été confié, en 1983, à Stouky. Lequel a fait appel à beaucoup de ceux qui l'avaient épaulé en 1977, notamment à moi-même. Tout en ayant décliné l'offre, j'ai participé à la confection du premier numéro de l'hebdomadaire «Le Message de la Nation ». J'ai surtout aidé, à la veille du troisième congrès de l'UC tenu en mai 1994, à la relance de ce titre dont la parution a été suspendue quelques années plus tôt. L'opération a été initiée avec la participation d'Ahmed Chater et de Kacem Guennouni qui, comme par hasard, faisaient partie de la même rédaction. Hélas, elle ne durera que ce que durent les roses et nous laissera, à tous, le même arrière-goût amer d'inachevé.
Nous nous étions fixé rendez-vous pour faire le déplacement à Rabat afin d'écouter l'offre d'emploi que Abdellah Stouky allait nous faire au nom du Premier ministre, Ahmed Osman, et pour en discuter les modalités .Une offre qui, nous a-t-on dit sous le sceau du secret, s'inscrivait dans la perspective de la création d'une nouvelle force politique que le Premier ministre était chargé de porter sur les fonts baptismaux. De quelle force s'agissait-il ? Quel titre porterait le journal que nous étions appelés à confectionner ? Quelle en serait la ligne éditoriale ? Quel en sera le contenu ? Aucune de ces questions n'a été réellement abordée ; l'accord ayant, de prime abord, été total, sauf sur deux ou trois points de détail. Nous avons récusé Sehimi et avions souhaité nous adjoindre la collaboration de Farida Moha, de deux anciens animateurs du bureau rbati de Maroc Soir S.A., en l'occurrence Arsalane Kébir et Bouchaib Zaânouny ainsi que d'un chef d'atelier de la Sonir – Allal Abroute - et d'un ancien technicien de l'Imprigéma – Brahim.
Les jours qui suivront seront forts instructifs pour chacun d'entre-nous ; étant entendu qu'en matière de lancement de journaux ou de gestion de la chose publique, nous étions tous novices. Le premier contact avec le landernau politique s'est traduit par un choc inoubliable.
En ces temps, l'Exécutif gérait la chose et les deniers publics d'une manière pour le moins étrange. Du moins différente de celle que l'on ressassait, à longueur d'année, dans les médias et au sein des Facultés, instituts et écoles supérieures. A titre d'exemple, les moyens mobilisés pour le lancement des journaux du parti en gestation n'étaient pas totalement privés. Loin s'en faut. Ainsi en est-il du “Clavecin ”, immeuble de la rue de Damas où a été logée la rédaction des futurs organes de presse censés répandre la bonne parole des SAP et de la formation qui les regroupera par la suite. Sous la dénomination RNI (Rassemblement national des indépendants). Idem pour l'imprimerie de la Rue Djeddah qui, bien que fermée depuis des lustres pour des causes que le-tout-Rabat connaissait, allait nous ouvrir ses portes après avoir, au passage, pris possession des “ Lynotype ” et autres “ Ludlow ” de l'atelier typographique «Les Echos ». Idem pour la décision d'imprimer les futurs organes de presse sur la rotative du quotidien “ Al Anbaâ ” et d'utiliser, en cas de besoin, le propre papier de celui-ci.
Pareilles facilités avaient incité à l'optimisme. Mais, malgré elles, la tâche ne fut pas de tout repos.
Il faudra plusieurs jours pour que le numéro zéro du futur « Al Maghrib » sorte des presses. Un moment tellement émouvant qu'il nous a fait oublier les longues nuit de veille, les incessants allers-retours entre Rabat et Casablanca où nous habitions tous, la peur d'un échec éventuel, l'insupportable accumulation de stress, etc. Nous avions tous pleuré en voyant « notre » quotidien défiler sur le tapis roulant de la rotative. En fait, personne ne croyait possible de réaliser pareil exploit avec si peu de moyens humains. Mauvais présage ou signe du destin, ce furent toujours les moyens qui manquèrent le plus. Nos salaires mensuels ne nous étaient versés que tous les deux , voire trois mois, les prélèvements sociaux n'ont jamais été acquittés, malgré leur imputation sur nos fiches de paies, etc. La liste des travers est longue. Tellement longue que personne, de nos jours, ne pourrait comprendre pourquoi nous, journalistes sans attaches politiques, nous nous étions embarqués dans pareille aventure. Sauf, peut-être, à savoir que les salaires qui nous avaient été promis représentaient le quadruple de la moyenne nationale et que l'aventure éditoriale était tellement belle et poignante qu'elle aurait happé n'importe quel professionnel.
Le RNI en gestation – ou plutôt Abdellah Stouky, maître d'ouvrage et cheville- ouvrière du projet - nous avait offert une tribune où nous pouvions nous exprimer sans autre forme de censure que celle que nous imposait notre propre conscience. Le résultat en fut foudroyant. Non seulement le journal “ Al Maghrib ” s'est vite imposé comme la référence incontournable de la presse marocaine d'expression française d'alors, mais le nombre de ses lecteurs s'est aussi multiplié à très grande vitesse.
Pas pour longtemps. Moins de deux ans après que les ambitions des SAP (Sans appartenance politique) se soient concrétisées dans le cadre d'un RNI (Rassemblement national des indépendants) qui a vite consommé sa première scission, Stouky et son équipe furent remerciés les uns après les autres.
Un adieu ? Non un simple au-revoir. De nouvelles retrouvailles furent scellées par une autre grande aventure éditoriale et politique.
Le processus de création de l'Union Constitutionnelle par Maâti Bouabid (un autre Premier ministre), avait généré le besoin de créer des organes de presse destinés à diffuser la bonne parole du nouveau parti.
Le projet en a été confié, en 1983, à Stouky. Lequel a fait appel à beaucoup de ceux qui l'avaient épaulé en 1977, notamment à moi-même. Tout en ayant décliné l'offre, j'ai participé à la confection du premier numéro de l'hebdomadaire «Le Message de la Nation ». J'ai surtout aidé, à la veille du troisième congrès de l'UC tenu en mai 1994, à la relance de ce titre dont la parution a été suspendue quelques années plus tôt. L'opération a été initiée avec la participation d'Ahmed Chater et de Kacem Guennouni qui, comme par hasard, faisaient partie de la même rédaction. Hélas, elle ne durera que ce que durent les roses et nous laissera, à tous, le même arrière-goût amer d'inachevé.
