Menu
Search
Lundi 29 Décembre 2025
S'abonner
close
Lundi 29 Décembre 2025
Menu
Search

"Les Contes de mon Mellah" de Gaston Brami: il était une fois le Mellah

Dans la panoplie des écrits sur la mémoire qui fleurissent au Maroc, à la faveur de la libéralisation en cours, voici un livre surprenant par sa singularité aussi bien que par le sujet qu’il aborde : le Mellah, ou quartier juif de Casablanca.

No Image
La personne de l’auteur peut également être sujet de surprise : le docteur Gaston Brami, aujourd’hui âgé de 85 ans, et qui, pendant plus d’un demi-siècle, a vécu au Mellah de Casablanca et y a travaillé en qualité de médecin privé auprès d’une clientèle, juive pour l’essentiel, appartenant à toutes les catégories sociales, mais surtout de gens de condition humble, qui, au fil des ans et des fréquentations, ont fini par occuper tout son univers. Né en 1915, à Sfax en Tunisie en pleine guerre, d’une famille de riches commerçants juifs qui ne le resta pas très longtemps. Etudes à l’Alliance israélite en Tunisie, puis à Paris. La seconde guerre le rattrapa à Alger où il était venu s’installer en tant que médecin après ses tentatives infructueuses en France alors sous le régime de Vichy. Malheureusement à Alger non plus, il n’avait pas le droit en tant que juif. Il décida alors de venir tenter sa chance au Maroc. Cette fois c’est la bonne : « Je pouvais donc, en toute sérénité, m’installer de façon régulière, comme médecin, en me promettant solennellement que je n’oublierai jamais le Souverain d’alors, le Roi Mohammed V et que je transmettrai à mes enfants et à mes petits-enfants le souvenir de cet homme courageux, juste et bon ».
En attendant, il fallait au jeune médecin « fauché », de se familiariser avec son nouvel environnement et de trouver un cabinet qui voudrait bien lui donner du travail. Coup de chance, un vieil ami de la famille, rencontré par hasard, et décidé à prendre des vacances, lui proposa de faire l’intérim. Le cabinet se trouvait en plein Mellah. la carrière du jeune médecin venait de commencer. « Il y avait de tout dans cette population où prédominaient femmes et enfants, juifs pour la plupart. En les écoutant , je fus charmé par leur accent, leur gentillesse, leur simplicité et surtout leur caractère humblement respectueux ».
Ce sont quelques-uns de ces personnages qui, dans la diversité de leurs caractères, sont immortalisés dans ce livre. De petite histoire en petite anecdote, Gaston Brami, a réussi à nous dresser une fresque chatoyante, et un tantinet pittoresque d’un univers que nous avions cotoyé depuis des siècles, avec lequel nous avions vécu côte à côte, sans jamais vraiment connaître.
On y trouve de tout, des histoires drôles, touchantes ou tristes, on rit, on s’emeut ou on s’attriste. Le livre nous donne à voir une petite tranche de l’humanité où l’on peut se reconnaitre : Ils s’appellent, David, Shmiha, Hassiba, Rahma ou Zaki, des honnêtes gens, des fourbes, des vaillants et des canailles, des travailleurs infatigables ou de fieffés paresseux. Ils ou elles ont eu une vie, heureuse ou malheureuse, ils étaient riches ou misérables, ils ont parcouru les ruelles étroites du Mellah, de Bab Marrakech, à Derb Gnaoua, avant d’être happés par leurs propres destinées, qui, sous d’autres cieux, qui, six pieds sous terre.
« ...je me devais de restituer aux générations actuelles et futures un peu (du) souffle (du Mellah) si fécond afin qu’il se perpétue par le souvenir et la mémoire (...)Il serait dommage que les traditions, les modes de vie, cessent d’exister avec l’exil ou la mort de ces populations. Il fallait pour cela le pérenniser par la plume. »
C’est fait, et de la manière la plus exquise : l’humour.
Lisez nos e-Papers