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10e Maghreb des livres à Paris : «La plus grande librairie maghrébine française»

Ce week-end à Paris, le dixième Maghreb des livres tiendra salon à l'Hôtel de Ville.
Deux jours de rencontres, débats, découvertes autour de livres, expositions ou documentaires parlant du Maghreb “ d'ici et de là-bas ”.
Entretien avec Georges Mori

10e Maghreb des livres à Paris : «La plus grande librairie maghrébine française»
Coup de Soleil organise depuis dix ans le Maghreb des livres, grand rendez-vous de ceux qui écrivent sur ou à propos du Maghreb. Quelle évolution voyez-vous du haut de cette décennie ?
Nous avons été en progrès constant depuis le début, mais nous avons fait un grand saut qualitatif en 2001, quand Bertrand Delanoë, alors nouveau maire de Paris (et membre de Coup de Soleil depuis 85), a décidé d'accueillir le Maghreb des livres à l'Hôtel de Ville. Jusqu'alors, nous passions d'une mairie à l'autre avec trois mille visiteurs en deux jours. A l'Hôtel de Ville, plus grand, plus central, il fallait attirer davantage de monde. Nous avons redoublé d'efforts pour proposer des choses plus attractives. Nous craignions avoir vu trop grand. Il y a eu près de 6500 visiteurs en 2001.
Et vis-à-vis des livres ?
Nous avons élargi notre éventail avec un coin «littérature jeunesse», «littératures policières»... Le seul défaut, c'est que tous les livres sont en français. Difficile de remédier à cela en France, à Paris, avec un public très francophone. On ne va pas mettre des livres en arabe pour le principe, si personne ne les achète, ce sera un échec. Je voudrais qu'il y ait des livres en arabe, ou des panneaux présentant les principaux ouvrages parus au Maghreb. Peut-être l'année prochaine. Mais depuis 2001, nous présentons des livres (en français) publiés par des éditeurs maghrébins. Et nous avons constitué un réseau d'une quinzaine de librairies qui récupèrent les invendus pour leur éviter de repartir vers le Maghreb.
Comment choisissez-vous ces ouvrages ?
Ce n'est pas nous qui en occupons. Nous contactons les ambassades et les éditeurs du Maghreb mais c'est la librairie “ Epigramme ”, notre partenaire, qui se charge des livres. Avec un choix très étendu : on trouve, au Maghreb des livres, tous les derniers bouquins parus sur le Maghreb ou les Maghrébins pendant les douze derniers mois. Ce qui en fait la plus grande librairie maghrébine de France. Et “ Epigramme ” fait un chiffre d'affaires très intéressant pendant la manifestation.
Pas de stands d'éditeurs mais 200 auteurs sur place : est-ce une particularité du Maghreb des livres ?
Oui. Dès le départ, sur les conseils de Marie-Louise Belarbi (Librairie Carrefour des livres à Casablanca), nous avions décidé de faire un salon un peu original en recevant les auteurs sans stands d'éditeurs. Les gens qui écrivent et ceux qui lisent se rencontrent donc sans intermédiaire. Cette année, nous avons contacté près de quatre cents auteurs parmi ceux qui avaient publié quelque chose dans les douze derniers mois. Ils seront près de deux cents sur place et recevront en séances de signatures d'une heure et demie.

Y'a t-il des auteurs venus spécialement du Maghreb ?
Bien-sûr. Déjà, nous faisons venir tous les ans douze écrivains du Maghreb, quatre par pays, pris en charge par les ambassades. Pour les autres, nous ne savons pas trop puisqu'ils viennent par leurs propres moyens. Le Maghreb des livres est une manifestation gérée par des bénévoles, l'entrée est libre, mais nous ne pouvons payer ni frais de transport, ni frais de séjour.
Quel est l'événement phare de cette édition ?
Pour nous, c'est la présence de huit lycéens picards et huit jeunes de Constantine. Ils ont travaillé un mois, chacun de leur côté avec leurs professeurs, sur l'Histoire croisée de la France et de l'Algérie. Ils ont préparé des panneaux destinés à être exposés. Hier, ils se sont retrouvés pour préparer leurs débats. Orchestrés par l'historien Benjamin Stora et l'écrivain Louis Gardel, ceux-ci ont lieu en ouverture pour lancer la manifestation. Nous allons voir comment seize jeunes d'aujourd'hui perçoivent la guerre d'Algérie, cet événement historique qu'ils n'ont pas connu.
Vous organisez trois tables rondes consacrées à des questions de société et une à la littérature algérienne dans le cadre de l'année de l'Algérie en France. Le thème des débats est-il en rapport avec des ouvrages publiés ?
Non. Avant, on essayait de trouver les thèmes traités par les auteurs dans l'année et on organisait des tables rondes avec eux. Mais ce n'était pas une bonne chose : chaque auteur vendait son livre. A présent, nous prenons des thèmes sur lesquels travaillent les commissions de Coup de Soleil et nous formons un panel d'intervenants. La table ronde sur la laïcité a été décidée il y a un an par notre commission «religion». Et puis chaque année nous mettons un pays à l'honneur. L'année dernière c'était le Maroc, cette année c'est l'Algérie, d'où cette table ronde sur la littérature algérienne.
Vous ne cherchez pas à mettre un auteur en vedette excepté lors de la remise du prix Beur FM, samedi soir.
C'est un partenariat avec Beur FM Méditerranée. Cette année, je suis moi-même membre du jury qui en compte huit (écrivains, journalistes, universitaires). Nous avons dû choisir parmi huit ouvrages après une pré-sélection des journalistes de Beur FM. Personnellement, j'ai beaucoup hésité entre Panne de sens de Mous Benia, Tunis Blues de Ali Bécheur et Eboueur sur échafaud de Abdelhafed Benotman.
Vous organisez également trois hommages à trois disparus : Mohamed Dib, Jean Pélégrini et Rachid Mimouni. Est-ce une tradition ?
On avait prévu de faire un hommage à Rachid Mimouni. Puis Dib est mort en mai dernier et Jean Pélégrini il y a quelques semaines. On ne pouvait pas ne pas parler d'eux. Nous proposons un mélange d'exposés universitaires, de témoignages amicaux et de lectures de texte. Cette tradition remonte à l'an dernier où nous avions rendu hommage au poète marocain Mohamed Kaïreddine.
Avec les tables rondes, les expositions, les documentaires, vous sortez un peu du champ des livres.
Le Maghreb des livres c'est aussi l'occasion de s'informer sur les sociétés du Maghreb. Le livre est donc plus un outil pour décliner notre combat. Par le livre on touche beaucoup de choses. Et puis, nous n'avons pas vocation à traiter nous-même de littérature.
Dans un contexte international un peu tendu autour des questions de communautarisme, qu'attendez-vous de cette dixième édition ? Coup de Soleil entend-elle jouer un rôle particulier ?
En 2001, le Maghreb des livres était prévu juste après le 11 septembre. La préfecture de police a demandé d'annuler la manifestation. Elle a eu lieu et ce fut un moment merveilleux. On a parlé d'oasis dans une ambiance très tendue. Aujourd'hui, nous sommes dans un contexte de tensions internationales avec le Proche-Orient et l'Irak, et de tensions internes à la France. Une fois de plus, à Coup de Soleil, les gens auront la preuve que, malgré cette pente fatale qui semble nous entraîner vers les affrontements, il y a des endroits où l'on peut se retrouver et être heureux ensemble.
Avec un tel message, ne craignez-vous pas des tentatives de récupérations ?
Plus des politiques viennent, mieux c'est. Cela voudrait dire que de plus en plus de gens s'intéressent aux questions que l'on pose. S'il y a des tentatives de récupération, nous ne nous laisserons pas faire. Mais il n'y en a jamais eu. Nous offrons une occasion pour des gens qui aspirent à une bonne entente avec les autres de créer une alchimie un peu magique autour du livre.

Coup de Soleil : des abatteurs de murs


L'association Coup de soleil est née en 1985 sous l'émule de Georges Morin et des quelques amis en réponse à la montée du Front national en France. “ Et parce que nous étions frappés par l'ignorance épouvantable des français vis à vis de l'Algérie et du Maghreb en général ” s'indigne cet universitaire qui, en France depuis ses études de Sciences politiques dans les années 60, est resté très attaché à Constantine où il est né, et à l'Algérie où il a grandi. “ Je suis pied-noir, c'est une de mes rares qualités ”. D'où son envie de se retrouver avec des Algériens, Marocains, Tunisiens…autour d'un attachement commun pour le Maghreb. Avec un double objectif pédagogique et culturel.
«D'abord, lutter contre le cancer du racisme en montrant que des pieds-noirs, des juifs, des Maghrébins, qui ont eu une histoire compliquée, voire conflictuelle, arrivent à être extrêmement complices». Pour preuve : un spectacle à l'Olympia en 94 avec Boujenah, Bedos et Smaïn. Soit un Juif, un pied-noir et un Aabe réunis en pleine guerre du Golfe. Coup de Soleil revendique une “ vertu pédagogique de l'exemplarité ”. “ Des gens que tout oppose s'entendant bien, ce sont des choses que nous vivons nous-même et voulons montrer aux autres ”. Répartis en plusieurs sections (cinq en France, une au Maroc, une en Algérie), les membres de l'association se définissent comme des “ abatteurs de murs ”. «Ces murs nationalistes entre Maroc, Algérie, Tunisie, ces murs qui font tant de mal à nos pays, et puis ces murs entre cultures européennes, arabo-berbères, ou juives».
Pour appuyer cette vision «très optimiste», deuxième objectif : informer. “ Avec des conférences, débats, expositions, manifestations pour montrer aux Français qu'ils ont gagné à accueillir toutes ces populations sur leur territoire. On parle toujours de Zidane ou du petit voyou de banlieue, mais il y a aussi dans la société française des avocats, des journalistes, des médecins, des écrivains... toute une population qui a des racines au Maghreb et qui contribue à ce que la France soit plus riche ”. Depuis près de 18 ans, Coup de Soleil multiplie les activités mensuelles via ses différentes commission (religion, intégration...). Avec un événement phare depuis dix ans, le Maghreb des livres, présenté comme le «rendez-vous incontournable entre romanciers et essayistes originaires du Maghreb ou écrivant sur le Maghreb, et leurs lecteurs».
Coup de soleil, c'est entre 300 et 500 personnes bénévoles (et une permanente), oeuvrant pour «le Maghreb d'ici et de là-bas». Selon Georges Morin, président de l'association, ils ont du pain sur la planche. “ Depuis quarante ans, les gens véhiculent toujours les mêmes idées, les mêmes caricatures sur le Maghreb. ça me met plutôt en forme et prouve qu'on a encore un long combat à mener. Mais c'est aussi désespérant, on se demande parfois ce qu'il faut pour que les gens comprennent ce qui se passe».
Programme du week-end
- La plus grande librairie maghrébine de France avec la librairie «Epigramme» (ensemble des livres parlant du Maghreb parus depuis un an, publications des auteurs présents, ouvrages de référence).
- 200 auteurs invités avec plusieurs séances de signature.
- Quatre tables rondes consacrées à la laïcité, aux jeunes de l'immigration, aux littératures algériennes, à «Paris, carrefour du Monde arabe».
- Trois rencontres : seize jeunes Algériens et Français ayant travaillé ensemble sur l'Histoire croisée de leurs pays ; un hommage à Mohammed Dib et Jean Pélégrini; un hommage à Rachi Mimouni.
- Quatre spectacles : un récit théâtral et musical sur le drame d'El Halia ; un concert de jazz oriental, «Récits de la longue patience sur la vie de Patrick Timsit, «Le poète encerclé» récit théâtral en hommage à Kateb Yacine.
- Remise du prix littéraire «Beur FM Méditerranée».
- 7 expositions de peintures, de photographies, de bandes dessinées et dessins de presse ainsi que deux expositions artistiques et historiques.
- 6 films documentaires sur le Maghreb d'ici et de là-bas, projetés chaque heure dans un espace vidéo.
- Stands des revues, associations ou organismes amis et partenaires.
-Buvette et buffet maghrébins.

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