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Ahmed Ghayet, président du réseau Maillage : « Les polémiques font partie de l'enjeu et du jeu. On les accepte»

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Maillage sort des quartiers pour investir le campus. Quel est l'objectif de l'opération de votre réseau au sein de l'Université ?

Notre présence à l'Université est tout simplement une prolongation de notre action. Les jeunes dans les universités sont avant tout des jeunes des quartiers. Ils ont suivi nos actions soit sur le terrain à travers les associations créées sur place soit à travers la presse. Ils étaient sensibles à notre action pour les jeunes et nous ont invités dans deux facultés : à Mohammedia et à Casablanca sur la route d'El Jadida à un débat sur l'engagement associatif de la jeunesse.

C'est toujours la même population des jeunes issus des quartiers populaires qui s'investit pour améliorer le quotidien de leurs semblables. L'idée sortie des deux rencontres à la faculté est celle de la création de clubs au sein de l'université. A la fac de Mohammedia, ce club s'appellera « Initiative culturelle » et à celle de droit de Casablanca il se nommera « Oxygène ».

La rencontre à cette dernière fac était très impressionnante. J'ai appris que nous nous trouvions dans le plus grand amphi d'Afrique et il était archicomble. Nous avions avec nous Allali, qui est une grande star dans les quartiers populaires. Le débat tournait autour de la question de savoir comment les jeunes, qu'ils soient dans les quartiers populaires, à l'université, au lycée ou au collège, pouvaient se prendre en charge sans attendre que d'autres le fassent à leur place ?

Dans les actions récentes du réseau Maillage, on a remarqué une implication des autorité locales. Comment expliquer ce fait nouveau ?

Il y a eu deux dates qui ont eu un déclic chez tous les Marocains : le 16 mai 2003 et le 25 mai 2003. Les deux dates sont liées, la deuxième étant une réaction à la première. La grande marche de Casablanca menée sous le symbole « Matkich Bladi » a réuni beaucoup de monde, des intellectuels, des gens de la société civile…Les autorités ont donc compris le message. Plus la jeunesse est livrée à elle – même - la nature ayant horreur du vide - plus le vide est comblé par les autres. Je pense aussi que les autorités étaient à la recherche d'interlocuteurs. Le fait que nous ayons incité les jeunes à créer vingt associations locales, sans ambitions politiques ni nationales, mais avec des objectifs très basiques et très quotidiens, a certainement aidé. Tout naturellement, associations, Administration et autorités doivent nouer des relations de coopération. Les deux personnalités qui ont réagi le plus vite sont les walis de Casablanca et de Rabat.

De quelle manière se fait-elle, cette coopération, avec les autorités locales ?

Les autorités nous aident souvent à trouver des locaux dans les différents quartiers, à signer des conventions pour que ces locaux soient mis à notre disposition. Preuve à l'appui : la semaine dernière, l'association « De l'autre côté du soleil » a pu s'installer à Yaâkoub El Mansour. Même chose à Aïn Sebaâ, à Derb Soltane, à Sidi Bernoussi …Des idées naissent également de cette coopération. Les rencontres à Casablanca entre les jeunes des quartiers et le wali ont donné naissance à cette action visant à «rendre un sourire à la place Mohammed V » ou encore à l'opération « Foot pour tous »…

A Rabat, cela a donné l'idée au wali d'embaucher des jeunes animateurs de quartier dans certaines zones populaires. L'action est, par ailleurs, bénéfique aux jeunes eux-mêmes, qui apprennent à se mettre autour d'une table et dialoguer avec les représentants de l'administration sur des sujets qui les concernent.

Ils apprennent également à faire valoir leur point de vue. Ce qui n'était pas le cas jusqu'à aujourd'hui. Par le passé, les points de vue leur étaient plutôt imposés. Ils apprennent enfin à écouter.

Avez-vous les mêmes rapports privilégiés avec le ministère de la Jeunesse ?

Nous avons des contacts avec les délégués du ministère de la Jeunesse, mais pas de rapports à proprement dire avec le ministère. Lors d'opérations que l'on initie, ou qu'on lance, les délégués de ce département sont invités. Un exemple : durant le mois de Ramadan, le réseau Maillage a organisé des tournois de foot dans les vingt quartiers où il est implanté. Et à chaque fois on a invité les délégués du ministère de la Jeunesse, de l'Education ou encore de la Santé.

Si vous faites le bilan des 18 mois d'action sur le terrain, vous dites que le réseau Maillage à réussi son pari ou qu'il y reste encore beaucoup de travail à faire ?

On ne réussit jamais complètement un pari. Le réseau Maillage est encore au début du chemin.

Vous n'êtes qu'en début du chemin, et pourtant une polémique s'est installée autour de votre action.

Qu'il y ait une polémique c'est un peu normal. Le fait que des jeunes émergent dans le paysage associatif marocain, cela crée de l'émulation, dérange, ou carrément déplaît. Les polémiques font partie de l'enjeu et du jeu et on les accepte.
Que dites-vous lorsque la polémique vient de l'intérieur et que votre premier allié vous accuse d'utiliser l'association à des fins de publicité personnelle ?
Il s'agissait d'une voix isolée.

Mais une voix qui a fait beaucoup de bruit?

Ce qui m'a paru paradoxal, c'est que certains médias qui ne se font jamais l'écho de ce que nous faisons comme actions sur le terrain, se sont trouvés soudain l'envie de reproduire cette voix. Cela suscite des interrogations. Peut importe cependant. Je ne connais aucune famille, aucun parti, aucune association qui n'ait pas en son sein des discussions, des divergences, voire des controverses. Il faut savoir l'accepter.

Qu'est-ce que vous répondez lorsque les attaques deviennent directes et personnelles ?

On m'a reproché clairement d'utiliser l'association pour me faire connaître. Je réponds que très sincèrement je n'ai pas besoin de me faire connaître. Cela m'apporte toujours plus de travail qu'autre chose. Depuis l'amorce de la marche des beurs en France en 1983, c'est-à-dire depuis vingt ans, je n'ai pas eu ni plus ni moins en terme de notoriété que ce que j'ai déjà eu. Cela me suffit largement.

Je suis, toutefois beaucoup plus riche en expériences. Je pensais que j'avais beaucoup appris pendant mon parcours associatif de 19 ans en France. En réalité, c'est durant les 18 mois au Maroc que j'ai le plus appris. Le contexte est très différent. Il y a plus de difficultés et moins de moyens dans les quartiers de Casablanca et de Rabat que dans les quartiers de la banlieue de Paris.

Qu'est-ce qui vous fait supporter les critiques ?

Je suis passionné par ce que je fais. Pour moi le terme militant suggère de la noblesse. Dire que je supporte est parler vite. Dans mon fond intérieur, les critiques me blessent, d'autant plus que j'estime qu'elles sont injustifiées. Mais je crois qu'il faut avancer et faire correctement son travail. C'est la meilleure réponse au dénigrement gratuit.
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