Menu
Search
Mardi 19 Mars 2024
S'abonner
close
Accueil next Fête du Trône 2006

Amina Lemrini, ancienne présidente de l’ADFM, membre du CCDH : «La levée de la tutelle est un affranchissement de la Marocaine»

No Image
En quoi la réforme du code de la famille peut-elle être considérée comme révolutionnaire et comme allant bouleverser la société ?

C’est au niveau des principes fondateurs que la réforme du code de la famille prend toute sa portée.

Ce sont justement les principes fondateurs qui ont été touchés. Sur les 11 points annoncés par Sa Majesté, il y en a deux dont la portée est fabuleuse. D’abord, le fait de mettre la famille sous la coresponsabilité des deux époux. On ne parle plus de l’homme, chef de famille. La question de l’ obéissance de l’épouse en contrepartie de son entretien par l’homme n’existe plus et la relation hiérarchique a été remplacée par le fait que la famille est sous la responsabilité des deux conjoints.

Il en découle, dès lors, une égalité des droits et des devoirs. Le deuxième point est relatif à la tutelle. Il s’agit pour moi d’un affranchissement de la femme marocaine. La portée est ici particulièrement symbolique.
Personnellement, j’ai vécu cette levée de la tutelle comme une bouffée de liberté. Dorénavant, les femmes auront la capacité juridique de décider de leur propre destinée. Auparavant, nous étions dans une situation anachronique où une femme pouvait être parlementaire, ministre, magistrat, autrement dit pouvant décider de la destinée de la nation mais ne pas décider de sa propre destinée en tant qu’être humain.

C’est à ce niveau que la réforme aura un impact très important. La réforme du code de la famille donne plus de droits aux femmes, mais elle leur donne dans le même temps de nouvelles responsabilités.

Quelles sont ces nouvelles responsabilités auxquelles vous faites allusion ?

Je pense à un exemple très concret : désormais les femmes vont contribuer au budget de la famille.

Avant, c’était l’homme qui avait la charge de la famille, la femme pouvait disposer à sa guise de son argent parce que le mari avait le devoir d’entretien.
Il faut donc se dire qu’il s’agit d’une réforme qui bouleverse un peu les rôles. Les hommes et les femmes auront à apprendre à vivre dans le cadre de relations familiales bâties sur le principe de l’égalité, l’équité, la solidarité. Cela donnera d’ailleurs plus de force à cette famille et à la relation entre parents et enfants.

La militante des droits des femmes que vous êtes est-elle confiante ? Peut-on dire qu’il sera plus difficile de répudier une femme ou de se faire polygame ?
Qu’attendez-vous maintenant de la justice ?


Je suis certaine que la réforme aura un impact positif sur la vie des hommes et des femmes. J’en sais quelque chose ! Le mouvement féminin marocain ne revendique pas des droits depuis une tour d’ivoire.

Nous vivons la réalité. Nous avons par exemple un centre d’assistance aux femmes. Nous les recevons tous les jours. Nous suivons des cas devant la justice. Les mesures d’accompagnement doivent être mises en place. Les acteurs de cette réforme, surtout au niveau des professionnels de la justice, doivent être sensibilisés, formés pour qu’ils puissent optimiser cette mise en œuvre.

Le rôle des médias est tout aussi important dans la sensibilisation. Le rôle de l’école va être quant à lui primordial. Nous sommes dans un processus de bouleversement des mentalités. Il va falloir que l’institution éducative suive et éduque les garçons et les filles dans un esprit d’égalité, ces garçons et filles qui seront les hommes et les femmes de demain. Et ce pour qu’ils soient les meilleurs garants d’une bonne pratique du code de la famille.

Vivez-vous cette réforme de la Moudaouana comme une victoire du mouvement féminin ?

C’est une grande victoire. La réforme du code de la famille nous remobilise et nous redonne confiance. C’est aussi une étape. Il y en aura peut-être d’autres dans les prochaines années.
Le combat continue alors ?
C’est certain !
Lisez nos e-Papers