Devant l'imminence de la guerre,
les inspecteurs de l'Onu ont évacué l'Irak
Tous les inspecteurs en désarmement de l'Onu ont quitté Bagdad mardi matin et se trouvaient en sécurité à Chypre, au lendemain de l'ultimatum adressé par le président américain George W. Bush à l'Irak, exigeant le départ sous 48 heures du président Saddam Hussein, sous menace de guerre. La Russie, la Chine et l'Allemagne refusaient encore de se résigner à la guerre, mais à l'exception des quelques rares soutiens dont disposent les Américains, la plupart des capitales ont condamné à l'avance une action militaire des Etats-Unis contre l'Irak sans l'aval de l'Onu.
L'évacuation des 56 inspecteurs en désarmement, de leur personnel de soutien, au nombre de quelque 80 personnes, ainsi que du personnel humanitaire des Nations unies en Irak, avait été annoncée lundi soir par le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan.
Après 112 jours d'une mission qui n'a pas pu éviter la guerre, ils se sont repliés sur Larnaca, leur base-arrière depuis leur retour en Irak, en novembre dernier.
Lundi soir, le président Bush a donné 48 heures au président irakien pour quitter son pays, précisant que si cet ultimatum n'était pas respecté, les Etats-Unis lanceraient une guerre contre l'Irak à la date de leur choix.
"Saddam Hussein et ses fils doivent quitter l'Irak dans les 48 heures. Leur refus de le faire conduira à un conflit militaire qui commencera à la date que nous choisirons", a déclaré le chef de l'exécutif américain qui a déploré que le Conseil de sécurité de l'Onu ait "failli à ses responsabilités".
M. Bush s'est adressé au militaires irakiens pour les exhorter à "ne pas combattre pour un régime à l'agonie", menaçant de poursuites pour crimes de guerre ceux qui obéiraient à des ordres d'utilisation d'armes de destruction massive.
Il a également promis aux Irakien de les libérer de "l'appareil de terreur" qui les écrase, de les aider "à construire un nouvel Irak prospère et libre", et de leur apporter "la nourriture et les médicaments" dont ils ont besoin". "Le tyran sera bientôt parti, votre libération est proche", s'est-il exclamé. Avant même son discours, Bagdad avait exclu que Saddam Hussein parte en exil. Saddam Hussein ne "partira jamais", a averti le ministre irakien du Commerce Mohamed Mehdi Saleh.
Washington pouvait compter ses soutiens, mardi matin, au-delà de la Grande-Bretagne, de l'Espagne et de la Bulgarie, alignés sur les positions américaines depuis le début de la crise. Le Premier ministre australien John Howard a confirmé que son pays participerait avec 2.000 hommes, 14 chasseurs et trois bâtiments de guerre, tous déjà déployés dans le Golfe, à une invasion de l'Irak.
Le président polonais Aleksander Kwasniewski a annoncé avoir donné son accord au déploiement d'un maximum de 200 soldats polonais.
La Bulgarie a confirmé que sans participer "directement à une action militaire", elle accorderait "un soutien logistique" aux Américains.
Le Danemark a indiqué, sans autre précision, vouloir se joindre à la coalition contre l'Irak et s'appêtait à rechercher à cet effet une majorité au Parlement.
Convoqué d'urgence, le nouveau gouvernement turc examinait la question d'un soutien possible aux Etats-Unis sous la forme d'une motion à soumettre au Parlement.
Sur le plan politique, Tokyo et Taipeh ont apporté leur appui à l'ultimatum américain.
Mais le Premier ministre britannique Tony Blair essuyait un nouveau revers avec la démission, la troisième dans son entourage, de Lord Philip Hunt of King's Heath, sous-secrétaire d'Etat parlementaire à la santé, en désaccord avec la politique irakienne du gouvernement.
Dans le camp opposé, Canadiens et Argentins, alliés traditionnels des Etats-Unis ont refusé de se joindre à la coalition. Les Tchèques ont fait de même. Dans une déclaration enregistrée en fin de matinée à l'Elysée, le président français Jacques Chirac a affirmé qu'il n'y avait "pas de justification à une décision unilatérale de recours à la guerre" contre l'Irak.
Le porte-parole du Vatican Joaquin Navarro-Valls a déclaré que les Etats-Unis ont assumé "une grave responsabilité devant Dieu et devant l'histoire".
Ankara accepte de débattre
du soutien actif aux Etats-Unis
Le gouvernement turc devait se réunir d'urgence hier pour décider d'un soutien possible aux Etats-Unis en vue d'une guerre imminente en Irak, après un premier refus du parlement le 1er mars et des pressions répétées de Washington depuis lors.
Les Etats-Unis réclament l'autorisation de faire débarquer sur le sol turc 62.000 soldats dans le but d'attaquer l'Irak par le nord, en parallèle à l'ouverture d'un front sud, ainsi que l'ouverture du ciel turc à leurs avions et missiles.
Mais depuis le vote négatif du parlement, le gouvernement nion publique hostile et au mécontentement dans les rangs du parti au pouvoir, le Parti de la Justice et du Développement (AKP), aux origines islamistes, a montré peu d'empressement à répondre aux pressions croissantes de Washington.
Une réunion ministérielle autour du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a finalement décidé dans la nuit de lundi à mardi qu'une nouvelle motion de soutien aux Etats-Unis serait présentée au parlement.
Le gouvernement aura "une réunion d'urgence pour discuter de la motion", a déclaré le vice-Premier ministre.
M. Erdogan a laissé entendre que son gouvernement pourrait dévoiler les détails de la motion lorsqu'il présentera le programme de son gouvernement, formé vendredi dernier, aux députés hier après-midi.
Plusieurs journaux turcs estimaient mardi que la nouvelle motion gouvernementale autoriserait uniquement l'ouverture aux avions américains de l'espace aérien turc et le transit vers le Kurdistan irakien d'un nombre limité d'unités d'élite de l'armée américaine.
D'autres affirmaient que le gouvernement soumettrait au parlement la même motion que la précédente, qui prévoyait aussi l'envoi de troupes turques dans le nord de l'Irak.s
Le rejet de cette motion, par une majorité de trois voix, a provoqué des tensions dans les relations turco-américaines.
Erdogan, qui a remplacé le 14 mars Abdullah Gul au poste de Premier ministre, avait depuis montré peu d'empressement à répondre aux pressions américaines pour obtenir le vote d'un second texte.
Le ralliement à Washington contre l'Irak risque de mécontenter davantage une opinion publique hostile au conflit et d'engendrer une crise interne au sein de l'AKP, dirigé par M. Erdogan, mais dont une partie des députés refusent le soutien aux Etats-Unis.
En revanche, un refus de l'aide aux Etats-Unis équivaudrait pour Ankara à se priver d'une assistance promise de six milliards de dollars.
Il marginaliserait en outre la Turquie dans le contexte d'un après-guerre en Irak, alors qu'Ankara insiste pour avoir son mot à dire, notamment en ce qui concerne l'Irak du nord, une région peuplée de Kurdes dont les dirigeants turcs veulent prévenir les visées sécessionnistes.
Le déclenchement de la guerre se compte en heures,
aux Nations unies les diplomates persévèrent
Le compte à rebours d'une guerre contre l'Irak est enclenché, mais les diplomates persévèrent à l'Onu où doit se tenir mercredi, au niveau des ministres des Affaires étrangères, une réunion publique du Conseil de sécurité sur l'Irak.
Elle se déroulera quelques heures avant l'échéance de l'ultimatum fixé par le président américain Georges W. Bush, qui a exigé que Saddam Hussein et ses fils quittent l'Irak.
Cette séance publique sera la quatrième réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel sur l'Irak depuis le retour des inspecteurs du désarmement en Irak.
Ce sera aussi la première depuis leur retrait mardi pour cause de guerre imminente alors que son ordre du jour officiel est justement l'examen de leur programme de travail.
Si l'influence de cette séance sur le déroulement des évènements semble devoir être des plus réduites, sa tenue devrait en revanche illustrer l'isolement au sein du Conseil de sécurité de ceux qui veulent changer le régime irakien par la force.
Les diplomates américains et britanniques à l'Onu avaient essayé lundi d'empêcher qu'elle se tienne. "Une discussion de ce genre mercredi dans ces circonstances serait académique", avait affirmé Jeremy Greenstock, l'ambassadeur de Grande-Bretagne.
"Cela revient à réarranger les chaises du Titanic", a déclaré mardi à l'AFP un diplomate américain ajoutant, dans une allusion à la tragédie maritime qui aurait pu être facilement évitée, "le capitaine du bateau, lui, il n'avait pas vu l'iceberg".
La France, la Russie et l'Allemagne, à la tête du camp des pays, majoritaires au Conseil de sécurité, qui ne voient aucune raison de recourir maintenant à la force, seront représentés par leur ministre des Affaires étrangères.
Le camp des partisans de la guerre devrait être plus clairsemé: Colin Powell, le secrétaire d'Etat américain, a déclaré mardi qu'il ne serait pas présent, pas plus, selon des diplomates à l'Onu, que Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères.
Aucune indication n'avait été, mercredi à la mi-journée, donnée sur une éventuelle présence des ministres de l'Espagne et de la Bulgarie, les seuls deux autres pays présents au Conseil de sécurité à s'être prononcés en faveur de la guerre.
Confortés par les propos du Président Bush,
les Forces américaines attendent le feu vert
Les troupes américaines mobilisées dans le désert koweitien mettaient hier la dernière main à leurs préparatifs, gonflées à bloc par le discours du président George W. Bush et attendant son feu vert pour déclencher les hostilités contre l'Irak.
A Camp Coyote, les soldats du 23e régiment des Marines ont applaudit en entendant le président Bush lancer un ultimatum de 48 heures au président irakien Saddam Hussein pour abandonner le pouvoir et quitter le pays, ont rapporté les correspondants de l'AFP présents avec l'armée américaine.
"Il (Saddam) est mort", assure le caporal-chef Fred Calonico de Marin County en Californie.
"On a une place au premier rang pour le feu d'artifices", ajoute le caporal Roland Chevalier, lui aussi Californien.
A Camp Grizzly, les Marines réveillés en pleine nuit ont écouté à cinq heures du matin le discours du président américain.
"Je suis content que ça commence et qu'on en finisse bientôt", assure le caporal Sophina Burnside, 22 ans, originaire d'Arizona, résumant un sentiment très partagé au sein de son unité de soutien logistique, qui campe de es du nord koweitien.
"Je suis nerveuse, je ne sais pas comment ça va être", reconnait-elle cependant.
Le caporal Dan McDonald, 22 ans, du Michigan, se disait encouragé par l'ultimatum. "Ca m'a donné beaucoup de confiance que le président et le gouvernement aient la détermination de mener à bien cette mission".
"Je suis très excité et content qu'on ne recule pas", renchérit le sergent Kes Anderson, 23 ans.
"Il est temps", assure lui aussi le sergent chef Ed Eagan, 42 ans, de New York, tout en reconnaissant une certaine inquiétude pour sa femme et ses trois enfants, restés au pays.
Quelques heures avant le discours du président américain, les militaires de Camp Raider avaient commencé à démanteler en partie le quartier général de leur brigade, alors que le ciel du nord-ouest koweitien enregistrait une activité aérienne particulièrement intense.
Les officiers sur place se refusaient à toute précision opérationnelle, mais les tentes abritant le QG de la 1ere brigade de la 3ème division d'infanterie ont été démontées, tandis que des camions chargés de matériel quittaient le camp pour une destination inconnue.
Pour seul commentaire, le colonel Will Grimsley, commandant de la brigade, reconnaissait qu'il régnait "une atmosphère d'anticipation", alors que les officiers de l'unité étaient rassemblés pour une "répétition sur carte" des événements à venir.
Dans d'autres camps de la zo rassemblés, tournés vers le nord, en direction de l'Irak. Un autre signe annonciateur d'une offensive imminente est les cours "d'éveil culturel" à la société irakienne et de traitement des prisonniers de guerre dispensés aux troupes.
La semaine dernière, les militaires américains avaient déjà reçu l'ordre de déballer leurs combinaisons de protection bactériologique et chimique, dont la durée de vie est limitée, et avaient participé à des exercices sur le franchissement de la frontière.
Depuis 48 heures, une activité aérienne accrue était perceptible dans la zone, survolée par des avions de combat, tandis que les A-10 "tueurs de chars" patrouillaient au dessus du désert.
"C'est le reflet d'une activité (irakienne) accrue", selon David Luckett, un porte-parole du commandement américain installé au Qatar.
