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Danse orientale : un monstre sacré égyptien au Maroc

L’artiste professeur de danse orientale Hind a fait venir au Maroc, pour un stage, un monstre sacré égyptien de la danse, et co-fondateur de la troupe Reda, sorti tout droit de l’âge d’or artistique de l’Egypte.

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Quel bonheur de danser l’oriental aux côtés d’un des monstres sacrés égyptiens de cet art, qui représente l’âge d’or de la danse orientale, âge d’or en même temps de la musique et du chant en Egypte ! Quelle chance d’apprendre de lui, d’écouter ses explications, de voir ses démonstrations parfaites d’éxécution de la danse des stars, et dans le cadre d’une rigoureuse et sympathique pédagogie, ponctuées parfois de mouvements pitres pour bien indiquer ce qu’il ne faut pas faire, déclenchant l’hilarité de la critique. Ce sont ces sensations et ces merveilleux moments qu’on vécus toutes ces femmes qui ont effectué tout le long du weekend précédent un super-stage de danse orientale donné par le célèbre Dr Mohammed Geddawi, grâce à l’artiste professeur de danse orientale Hind Sardi, qui a fait venir cette star mondiale d’Egypte spécialement pour ses élèves et autres professeurs, comblés.
Médecin
et danseur
Hind est déterminée à offrir le plus souvent possible ces surprises, stages de danse, soirées de danse orientale, animées par les plus grands danseurs du monde, pour les grands amoureux marocains de la danse. Hind entreprend ces actions dans le cadre d’un ambitieux programme culturel qu’elle développe elle-même en faveur de la danse, par passion de la danse. Et Hind est incontestablement sur le chemin des stars mondiales de la danse orientale.
C’est en Egypte, lors d’un festival de danse, qu’elle a connu Dr Mo (prénom artistique) Geddawi. Une personnalité extraordinaire à plusieurs égards. « Docteur » en Egypte étant une haute distinction, il est « Docteur » en danse. Mais il est aussi réellement médecin dermatologiste (spécialité acquise à Beyrouth) et en maladies tropicales (PHD à Munich) et diplômé en pharmacie (Caire). Il a toujours exercé dans une société multinationale en tant que chargé de la division «dermatologie» dans le monde (après avoir été enseignant universitaire) et jusqu’à il y a deux ans où il a pris sa retraite anticipée. Et parallèlement, il a toujours dansé, depuis l’âge de 6 ans jusqu’à aujourd’hui où à 63 ans il n’en paraît que la cinquantaine épanouie, vigoureux, svelte, beau, jeune. «Si vous désirez rester toujours jeune, dit-il, dansez !».
Etudier et exercer les sciences médicales, en même temps que danser et poursuivre une carrière de star de la danse, cela a toujours été aisé et harmonieux dans la vie de Dr Geddawi. « D’ailleurs, le fait de bien connaître le corps humain en tant que médecin me confère un savoir et des aptitudes supérieures dans le domaine de la danse », dit-il. Cela paraît d’ailleurs tout à fait plausible dans la culture égyptienne. Au sein d’un peuple où l’art, le chant et la danse coulent dans les veines. Il a toujours dansé, en tant qu’étoile, sur des scènes de théâtre ou dans des films et dans le monde entier, en tant que danseur de «Baladi» : genre qui unit une danse exclusivement féminine à une danse exclusivement masculine. Quant à la danse orientale classique (raks charki), il la danse uniquement en tant que professeur. En Egypte, le raks charki est considéré comme une danse absolument féminine et son exécution sur scène est exclusivement réservée aux danseuses. Sur ce plan, Dr Geddawi reconnaît que le danseur marocain Mayodi qui vit à Paris est une exception mondiale, un danseur qui a créé une version masculine du raks charki et qui se produit sur scène en tant que star. Mais il existe en Egypte de nombreux professeurs hommes de raks charki, qui enseignent dans des studios aménagés à l’intérieur de leur domicile. Paradoxalement, au pays de la danse orientale, il n’existe pas d’académie ou de conservatoire de danse orientale. «Car tout le pays est école de danse orientale», dit Dr Geddawi. Il enseigne lui-même la danse orientale classique chez lui au Caire et à Munich. Et il a à son actif une longue carrière brillante de danseur baladi de théâtre et du cinéma, où il a dansé aux côtés des géants de la danse comme Samia Gamal, Tahia Carioca, Naïma Akif, Badia Masabani… Et surtout, il a été une immense figure de la promotion et de l’évolution de la danse puisqu’il est co-fondateur, avec Reda, de la célébrissime troupe de danse baladi égyptienne, « Farkat Reda » (La troupe de Reda). En 1957, les deux fondateurs ont entrepris un important travail de recherche et de consignation, à travers toute l’Egypte, sur les différentes composantes du folklore égyptien, ses pas de danse, sa gestuelle, ses musiques, ses vêtements. Puis, sans aucunement porter atteinte au folklore d’origine qui existe toujours dans toutes les régions d’Egypte, ils ont créé en parallèle, dans le cadre de la fondation d’un théâtre prestigieux, une danse élaborée issue du folklore, et des chorégraphies qui lui sont spécifiques, permettant à la fois une synthèse et un raffinnement du folklore égyptien qui fait le tour du monde grâce à La troupe de Reda.
Une danse
de 7000 ans
Dr Geddawi a un amour et un respect infinis pour la danse, que ce soit le baladi ou le raks charki, «qui sont en fait la même danse, qui ont les mêmes pas pour base, qui ne diffèrent que par l’attitude et le costume», et que l’on désigne ensemble sous le vocable commun de danse orientale. «La danse orientale est un art magnifique et complet extrêmement ancien qui date de l’ère pharaonique, dit Dr Geddaoui. Il comportait plusieurs styles : le sacré et cérémonial qui se dansait dans les temples pour des divinités pharaoniques, et le style de pur loisir qui se pratiquait dans les cours des palais pharaoniens ou au sein du peuple. Une riche documentation sur cet art, en écrits, en illustrations de manuscrits, en fresques murales ou en miniatures, remonte jusqu’à 7000 ans d’histoire ». Dr Geddawi est aussi éminent chercheur en ce domaine. Il a son propre regard, d’Egyptien, mais aussi clairvoyant, sur la thèse que la danse orientale serait issue de tout le bassin méditerranéen. « Dans l’histoire antique l’Egypte a une forte culture et tout nouveau pouvoir dans le reste du monde cherche à l’envahir, dit Dr Geddawi. Et ces invasions sont forcément génératrices d’échanges. C’est ainsi que les Grecs ont ramené chez eux la danse orientale après leur contact avec l’Egypte. D’ailleurs chez nous « raks baladi » veut dire danse locale, et sur le pourtour de la Méditerranée, la danse orientale est appelée « raks masri » (danse égyptienne)… Un livre écrit par la danseuse étoile russe Irina Lexova, de père égyptologue, atteste, sur la base de cinq années de recherches de la danseuse en Egypte même, des origines purement égyptiennes de la danse orientale ». l’Egypte demeure aujourd’hui le centre mondial de la danse orientale. « Comme de tout art, fait remarquer Dr Geddawi. Le Caire est le Hollywood du monde arabe ».
En Turquie se trouvent des danseuses prodigieuses. « Mais, observe Dr Geddawi, la danse est un reflet de mentalités, de croyances, de culture… Le Turc est dur par nature… et la danse orientale en Egypte est, disons, plus douce qu’en Turquie… De nombreuses danseuses turques adoptent aujourd’hui plutôt le style égyptien ».
La danse orientale exécutée par Dr Geddawi est d’une pureté et d’une perfection splendides. Le répertoire des pas et de leurs combinaisons multiples, de leurs synchronisations avec des mouvements de bras et de tête précis, est d’une richesse extraordinaire. C’est d’abord une encyclopédie de la danse orientale en mouvement dans un style puriste. Et une sensibilité d’une extrême finesse qui, sublimant la technique, rayonne de cet éclat issu tout droit de ce qu’on a appelé l’âge d’or de la danse. Danse purement égyptienne et si riche.
Un patrimoine
à part entière
« Ce sont les autres danses, flamenco et autres, qui ont emprunté des pas à la danse orientale et non l’inverse », dit Dr Geddawi. Il déplore que la danse orientale aujourd’hui en Egypte ne soit peut-être pas autant respectée qu’à son âge d’or. « La danse est le reflet de la conjoncture. En temps de crise économique qui perdure elle dépérit, dit-il. Les danseuses orientales en Egypte ne jouissent d’une bonne image qu’au stade de star. Ce n’est pas le cas de la danse baladi qui est toujours bien vue, tout simplement parce que les costumes couvrent bien le corps. La Troupe Reda, d’institution étatique, jouit d’une réputation excellente et plusieurs parents encouragent leurs enfants à s’y inscrire. C’est ainsi qu’elle compte de nombreux étudiants et étudiantes, et des enfants de bourgeois. Ce n’est pas le cas du « raks charki » dont l’image est hélas associée au cabaret ». Il impute cette situation à un véritable échec des Autorités par rapport à cet art ancestral, de nobles racines, patrimoine à part entière, qui aurait du bénéficier d’une promotion soutenue. Cela est d’autant regrettable que cet art se développe de plus en plus en Occident dans les meilleures conditions. Dr Geddaoui se préoccupe sérieusement et activement, par de nombreux stages à l’étranger, et l’étude de projets, à redonner à la danse orientale ses lettres de noblesse.
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