Le retour au pays est en général caractérisé par des points d'ancrage hérités surtout de l'enfance. Alors que les anciens d'Ifrane se vanteront de la sculpture du lion de l'Atlas, de la cascade des vierges, de la source Vittel, etc… ceux d'Azrou vous feront l'éloge du grand lycée Tarik Ibn Ziad et de son histoire, de la pisciculture, du centre artisanal, etc … Personnifiés, ces lieux sont considérés, par les «Azrouis» et les «Ifraniens», comme des êtres qui leurs sont chers. Mais le facteur commun à ces deux petites communautés demeure, sans équivoque, la futaie de cèdres qui les surplombe.
Aujourd'hui, cette forêt est, malheureusement, exposée à une menace, quasi totale, des «mafias de bois» avides d'argent et un surpâturage abusif d'un élevage extensif sans pour autant oublier l'immonde chenille processionnaire qui n'épargne rien au passage.
Le magot pour sa part apporte sa portion de gangrène et participe activement au dépérissement de cette forêt en décortiquant toutes les pousses terminales des jeunes cèdres. Les sangliers en surnombre, laboureurs acharnés, à la recherche de tendres racines et de vers mous, contribuent à la dégradation de cette forêt.
Espace longtemps tenu comme vierge, la cédraie du Moyen Atlas fut subitement violée au début du siècle dernier par le passage des troupes de Lyautey probablement des légionnaires dirigés par le général Gouraud, colonel à l'époque. Ce passage sera immortalisé par un nom de baptême en l'occurrence celui de Gouraud que le hasard a voulu que celui-ci soit estropié d'un bras.
Pas surprenant donc de constater que le choix de ses parrains avait été porté sur ce cèdre. En effet ce dernier a un long bras accolé au tronc ce qui lui donne cette impression de manchot.
En marge du temps, ce cèdre se voulait perpétuel au milieu des siens qu'ils se terminent tantôt en pyramide, signe de jeunesse tantôt par de longues branches aplaties au sommet, signe de vieillesse. Situé, non loin et entre les villes d'Azrou et d'Ifrane, les deux «sœurs ennemies» dans l'émulation, le cèdre Gouraud a, des siècles durant, résisté à la violence qui l'a et l'entoure toujours d'ailleurs. Il a lutté contre les déprédations de l'homme, les dégâts perpétrés par les singes; il a aussi bravé la colère du vent, supporté la fureur des pluies torrentielles, endurer le poids de la neige, esquivé «les tirs» de la foudre et enfin échappé aux ravages causés par les incendies. Supplicié, il l'a été, mais cela ne l'a pas empêché de régner en maître sur sa contrée. C'est, peut-être sa stature, presque dix mètres de circonférence, qui l'a aidé à tenir tête au temps et aux intempéries.
Ma dernière visite à ce «monument végétal» remonte au mois d'août de cette année. Je m'étais brusquement trouvé devant ce colosse déjà marqué par l'âge. Combien de touristes ont-ils eu la poitrine contractée, combien de simples visiteurs ont-ils eu la gorge serrée en découvrant l'état d'étiolement avancé de l'imposante carrure du vieux conifère ? Que dire de l'angoisse de l'enfant du pays? Le doyen des cèdres du Moyen Atlas est aujourd'hui en train de succomber à la vieillesse.
Ses feuilles, pourtant persistantes, desséchées et prématurément flétries commencent à tomber, une à une. Ses branches qui, naguère, longues et fournies, recevaient les visiteurs comme des bras ouverts se dénudent progressivement. Certaines sont déjà complètement dépouillées de leur feuilles.
Largement «carte-postalisé» certes, mais pas suffisamment protégé, le cèdre Gouraud subit encore le sacrilège des photographes, de cette plaque métallique que quelque inconscient lui a clouée au tronc, de cette échelle de location pour atteindre le bras du géant, de ces kiosques ne respectant même pas «l'ordonnancement architectural» du milieu, etc…
Afin de permettre à ce vieux cèdre moribond une retraite, un repos bien mérité, une sorte de zone non aedificandi est devenue pour ce patrimoine national une nécessité voire une obligation. Un simple coup d'œil sur les alentours suffirait à l'éventuel curieux pour être fixé sur le sort qui attend ses cadets.
Beaucoup ont déjà été la cible des «chercheurs de miel» qui, semble-t-il, tout en fumigeant les abeilles à l'aide de la bouse de vache mettent ainsi en flammes la base du tronc du cèdre. Une mort inéluctable attend donc tout arbre sujet à cette méthode apicole peu enviable. Et bien sûr les petits braconniers attendent à la lisière pour en profiter au maximum avant l'arrivée des mafiosis de bois.
Puissions-nous, par cette modeste contribution, avoir rendu un vibrant hommage à ce témoin de plusieurs siècles d'histoire du Moyen Atlas! Le cèdre dit Gouraud restera jusqu'à la fin de ses jours chargé de mystères que seules des recherches approfondies peuvent dissiper.
* Informatiste, membre de l'association Smart pour l'éducation, l'environnement et le développement d'Ifrane.
Aujourd'hui, cette forêt est, malheureusement, exposée à une menace, quasi totale, des «mafias de bois» avides d'argent et un surpâturage abusif d'un élevage extensif sans pour autant oublier l'immonde chenille processionnaire qui n'épargne rien au passage.
Le magot pour sa part apporte sa portion de gangrène et participe activement au dépérissement de cette forêt en décortiquant toutes les pousses terminales des jeunes cèdres. Les sangliers en surnombre, laboureurs acharnés, à la recherche de tendres racines et de vers mous, contribuent à la dégradation de cette forêt.
Espace longtemps tenu comme vierge, la cédraie du Moyen Atlas fut subitement violée au début du siècle dernier par le passage des troupes de Lyautey probablement des légionnaires dirigés par le général Gouraud, colonel à l'époque. Ce passage sera immortalisé par un nom de baptême en l'occurrence celui de Gouraud que le hasard a voulu que celui-ci soit estropié d'un bras.
Pas surprenant donc de constater que le choix de ses parrains avait été porté sur ce cèdre. En effet ce dernier a un long bras accolé au tronc ce qui lui donne cette impression de manchot.
En marge du temps, ce cèdre se voulait perpétuel au milieu des siens qu'ils se terminent tantôt en pyramide, signe de jeunesse tantôt par de longues branches aplaties au sommet, signe de vieillesse. Situé, non loin et entre les villes d'Azrou et d'Ifrane, les deux «sœurs ennemies» dans l'émulation, le cèdre Gouraud a, des siècles durant, résisté à la violence qui l'a et l'entoure toujours d'ailleurs. Il a lutté contre les déprédations de l'homme, les dégâts perpétrés par les singes; il a aussi bravé la colère du vent, supporté la fureur des pluies torrentielles, endurer le poids de la neige, esquivé «les tirs» de la foudre et enfin échappé aux ravages causés par les incendies. Supplicié, il l'a été, mais cela ne l'a pas empêché de régner en maître sur sa contrée. C'est, peut-être sa stature, presque dix mètres de circonférence, qui l'a aidé à tenir tête au temps et aux intempéries.
Ma dernière visite à ce «monument végétal» remonte au mois d'août de cette année. Je m'étais brusquement trouvé devant ce colosse déjà marqué par l'âge. Combien de touristes ont-ils eu la poitrine contractée, combien de simples visiteurs ont-ils eu la gorge serrée en découvrant l'état d'étiolement avancé de l'imposante carrure du vieux conifère ? Que dire de l'angoisse de l'enfant du pays? Le doyen des cèdres du Moyen Atlas est aujourd'hui en train de succomber à la vieillesse.
Ses feuilles, pourtant persistantes, desséchées et prématurément flétries commencent à tomber, une à une. Ses branches qui, naguère, longues et fournies, recevaient les visiteurs comme des bras ouverts se dénudent progressivement. Certaines sont déjà complètement dépouillées de leur feuilles.
Largement «carte-postalisé» certes, mais pas suffisamment protégé, le cèdre Gouraud subit encore le sacrilège des photographes, de cette plaque métallique que quelque inconscient lui a clouée au tronc, de cette échelle de location pour atteindre le bras du géant, de ces kiosques ne respectant même pas «l'ordonnancement architectural» du milieu, etc…
Afin de permettre à ce vieux cèdre moribond une retraite, un repos bien mérité, une sorte de zone non aedificandi est devenue pour ce patrimoine national une nécessité voire une obligation. Un simple coup d'œil sur les alentours suffirait à l'éventuel curieux pour être fixé sur le sort qui attend ses cadets.
Beaucoup ont déjà été la cible des «chercheurs de miel» qui, semble-t-il, tout en fumigeant les abeilles à l'aide de la bouse de vache mettent ainsi en flammes la base du tronc du cèdre. Une mort inéluctable attend donc tout arbre sujet à cette méthode apicole peu enviable. Et bien sûr les petits braconniers attendent à la lisière pour en profiter au maximum avant l'arrivée des mafiosis de bois.
Puissions-nous, par cette modeste contribution, avoir rendu un vibrant hommage à ce témoin de plusieurs siècles d'histoire du Moyen Atlas! Le cèdre dit Gouraud restera jusqu'à la fin de ses jours chargé de mystères que seules des recherches approfondies peuvent dissiper.
* Informatiste, membre de l'association Smart pour l'éducation, l'environnement et le développement d'Ifrane.
