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«Face à face» de Abdelkader Lagtaâ : jeu et enjeu de la mémoire

« Face à face», le dernier film de Abdelkader Lagtaâ est enfin dans les salles. Primé à Oujda au Festival national du film marocain, présenté au Festival International de Marrakech, il a finalement trouvé son chemin vers le public.

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Jusqu’à présent vous n’avez filmé que les scénarios que vous avez écrit vous-même, c’est la première fois, dans ce film, que vous travaillez sur un scénario écrit par un autre, en l’occurrence Noureddine Saïl. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Il ne s’est rien passé. Ce qu’il y a c’est que le scénario écrit par Noureddine Saïl n’est pas étranger à mes propres préoccupations. J’ai trouvé même qu’il prolonge la réflexion que j’ai abordée dans « La Porte close» sur la mémoire. Dans les deux films, il s’agit de citadins qui se retrouvent pour une raison ou une autre, plongés dans le sud du Maroc.

Dans «La Porte close», c’est la recherche d’une amie qui motive le personnage à côté de la recherche du père, alors que dans «Face à face», la recherche du mari se transforme en quête existentielle. Les deux personnages commencent leur parcours à Casablanca et le terminent dans le sud, et ce parcours se transforme en un voyage dans la mémoire tant il va emmener les personnages, chacun de son côté, à se poser des questions sur le sens qu’il compte donner à sa vie, parce que les repères et les certitudes qu’ils avaient deviennent inopérants, ce pourquoi, l’héroïne du film dit à son beau frère : « Je ne comprends pas les règles qui régissent ce désert», parce qu’elle est habituée au cocon urbain, à un certain confort, et se retrouve subitement dans un milieu nu qui l dénude elle-même.

Vos jouez sur l’amnésie du personnage principal, Kamal. Pour vous la perte de la mémoire était-elle nécessaire pour commencer une nouvelle vie ? L’amnésie était-elle de quelque façon volontaire en raison du l’abîme entre son milieu citadin et le Maroc profond ?
Non, ce n’est pas volontaire. Kamal était l’objet d’une manipulation. L’histoire de Kamal est en fait exemplaire d’un certain genre de technocrate honnête, intègre qui veut travailler son pays mais qui se trouve confronté à une situation où l’intérêt général n’est pas le principal souci des responsables. Comme il ne comprend pas que les choses soient ainsi, il réagit en essayant de dénoncer le scandale, ce qui va créer des remous au sein de l’administration, ce qui va se retourner contre lui et contre sa femme. Le choc va l’amener à perde la mémoire, et se retrouve donc en train de militer dans une ONG, au sud du Maroc.
La question de la mémoire est très importante dans ce film. Pour moi, on ne peut aller de l’avant que si on résout le problème que pose le passé pour nous tous, en l’occurrence la période des années de plomb qu’il faut absolument mettre à plat afin de pouvoir affronter l’avenir avec la sérénité nécessaire.

Vous rejoignez Driss Chraïbi qui écrit : « Si tu ne comprends pas ton passé, tu resteras toujours un enfant».
Absolument. Le film pose le problème des repères pour avancer, parce que ce que on ne peut naviguer à vue. D’autre part, il faut comprendre que les repères ne sont pas constants, la société bouge, elle est travaillée par des mutations profondes, donc il faut avoir l’intelligence de se remettre en cause et remettre en cause ses propres repères.

C’est cette quête qui constitue la préoccupation principale du film. On la trouve chez les trois personnages principaux , chacun d’eux a un projet propre : Le projet de Redouane (Younes Migri), un ancien détenu politique qui donne l’impression d’avoir raté sa vie, est de reconstituer la famille de son frère, étant donné que sa vie sentimentale a échoué. Par contre Amal (Sanaa Alaoui), qui croyait que son mari l’avait quitté pour refaire sa vie au Canada, avait une revanche à prendre.

Elle a commencé par trouver du travail pour pouvoir se prendre en charge, puis elle tenait à refaire sa vie avec un autre homme, mais pour ce faire, elle devait obtenir le divorce avec le premier, ce qui l’amène à aller le chercher dans le désert. Voilà, ce qui m’intéresse, ce sont des personnages qui ont des projets dans la vie, pas ceux qui se contente de la subir.
Le film a fait découvrir de jeunes comédiens de talents qui savent que dire un texte est un art qui exige de l’émotion. De ce côté, le cinéma marocain a fait un progrès. Comment expliquez-vous ce résultat ?
J’ai fait plusieurs casting et je n’ai pas travaillé tout seul. Il y avait à mes côtés, une directrice de casting qui me proposait des acteurs. J’ai fait également plusieurs casting à Paris avec des acteurs marocains parmi lesquels, j’ai choisi Sanâa Alaoui. C’est une jeune actrice qui a étudié le théâtre en France et à qui j’ai offert son premier rôle principal. Megri est connu, je l’ai vu dans des films où il s’est produit. Pour Marouazi et Zhour, également, je les ai vus à travers des films. Pour moi, le principal souci c’est d’arriver à amener l’acteur à épouser ma vision du monde. Dès qu’il y a cette complicité, le reste devient facile.

Apparemment, il est plus facile de trouver de bons acteurs jeunes que dans le passé. L’éventail du choix est relativement plus large.
C’est vrai, mais ce n’est pas le plus important, ce qui l’est par contre, c’est la direction d’acteurs. Quand il y a défaillance, ce n’est pas la faute des acteurs mais celle de la direction.
Et du côté de la production ?
Franchement, j’ai eu la chance de travailler avec des gens compétents et que j’aime, qui plus est. Les sentiments comptent pour moi, tant au niveau du scénario avec Noureddine Saïl, qu’au niveau de la production avec Latif Lahlou ou l’interprétation avec les acteurs. Pour moi, il est essentiel qu’il y ait cette complicité avec tous les collaborateurs.

«Face à face» de Abdelkader Lagtaâ, à l’affiche à Casablanca, Rabat, Tanger, Meknès, Fès…
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