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Fondek Bab Errahba, un endroit où on peut passer la nuit à 2 Dh !

A l'ancienne médina de Rabat se dresse un prototype alarmant de l'habitat insalubre : Fondek Bab Errahba. Il s'agit d'une poignée de baraques où les moindres conditions de vie font cruellement défaut. L'endroit abritait autrefois le marché aux grains de l

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Bouchaïb, 70 ans, habite Fendek Errahba depuis 1950. Sa mémoire est jonchée de souvenirs relatifs à l'histoire de ce lieu qui abritait autrefois le marché aux grains de Rabat.: " Ce n'est qu'en 1946 que le Fendek a ouvert.
C'était alors pour accueillir les juifs qui commençaient à affluer des campagnes. Le mellah était, à un certain moment, plein comme un œuf, et ne pouvait donc recevoir plus d'habitants. Quand le Fendek est devenu saturé à son tour, on a construit un autre mellah à Diour Jamaâ. Depuis 1947, date à partir de laquelle a commencé la montée des juifs vers la Palestine, le fendek est devenu le point de mire de tous les indigents de la région de Rabat ", précise-t-il.
Actuellement l'endroit ressemble à un vrai cloaque : des ordures jetées ici et là, un vacarme d'enfer, une puanteur à vous donner des haut-le-coeur, des montagnes de débris en pagaille gênant la circulation et puis tapages et coups de torchons à longueur de journée. Mais tout le monde finit par s'y habituer et la vie continue ! Bouchaïb y occupe une baraque, qu'il loue à 60 DH le mois. Avec sa femme, ses 6 enfants et ses nombreux petits - enfants, la " maison " ressemble à une fourmilière, à peine si vous pouvez vous y faufiler.
Pour subvenir aux besoins de sa smalah, sa femme, Drissia, tient une sorte d'estaminet où les locataires du Fendek, principalement les brocanteurs et les petits marchands des parages, viennent, au bon matin, prendre leur petit déjeuner avant de se mettre au boulot.
Bouchaïb, quant à lui, possédait une gargote à Bab Errahba dont les sandwichs à 3 DH attirait beaucoup de chalands.
Il y a quelques années, ses affaires se sont allés à vau-l'eau et le bonhomme a laissé tomber son boui-boui et occupe maintenant une droguerie au Fendek. Son nouveau commerce ne lui rapporte pas grand chose mais grâce à la débrouillardise de son épouse, une sacrée jusqu'au boutiste, ils arrivent à se tirer d'affaires.
Malgré ses revenus anémiques, Drissia se démène à fond pour mettre de côté quelques sous et essayer tant bien que mal de meubler son " foyer " : " Nous, les pauvres, nous avons aussi le droit de vivre confortablement, d'avoir de beaux matelas, de regarder la télé, manger de la viande.
On trime toute la journée, le soir on a besoin de se requinquer pour se préparer aux tracas de la journée suivante ", explique-t-elle d'une voix véhémente.
Au fond de la baraque, une belle armoire de bois verni garni de porcelaine, un grand poste-téléviseur en couleur avec une parabole numérique, des matelas huppés drapés dans des houses de velours…
A l'intérieur, rien ne laisse croire que vous êtes dans une baraque.
Toutefois, l'état de misère du Fendek laisse la femme exacerbée : " ce qui nous est insupportable c'est le manque d'hygiène. C'est normal on est desservi par le réseau d'assainissement public. Et puis ces rats qui font ravage au Fendek et qui nous empoisonnent la vie. Je m'inquiète beaucoup pour les enfants surtout la nuit ", explique-elle sur un ton plaintif.Pour s'approvisionner en eau, les habitants du Fendek de Bab Errahba utilisent la fontaine publique située à la sortie de la carrière mais ce n'est pas du tout évident : il faut toujours faire la queue, supporter les mauvaises humeurs et les chicaneries sempiternelles de ses voisins: ici il ne se passe pratiquement pas une seule journée sans que vous soyez témoin d'un accrochage comme si la vie de galérien que mènent ces gens les rendait inéluctablement irascibles.
Jusqu'à présent, le fendek n'a jamais fait l'objet de restauration et ses habitants commencent même à perdre espoir.
" Au mois de Ramadan dernier le Ministère de l'Habitat a procédé au recensement des Habitants du Fendek pour trouver éventuellement une solution pour ces taudis et trouver des logements décents où ces gens pourraient vivre tranquillement mais jusqu'à maintenant rien n'a été entrepris dans ce sens ", souligne Abdellah Kheber, locataire direct du Fendek Bab Errahba. Mais les habitants ont ils vraiment envie de déménager ? " On ne peut pas quitter le Fendek, c'est l'endroit adéquat pour les pauvres que nous sommes. Ici, on se sent couvé : la vie est beaucoup moins chère qu'ailleurs. Vous ne trouverez jamais un endroit pour déjeuner à 5 DH, vous chausser à 10 DH et passer la nuit à 1 ou 2 DH. Si on nous envoie quelque part, on sera désemparé : il faudra dépenser une fortune rien que pour venir avec sa famille au centre ville ", explique Drissia.
Pour Mohamed Lamine, au contraire, la vie au fendek est insupportable.
Il préfère tirer ses guêtres le plutôt possible : " Je vis au fendek depuis 22 ans. Maintenant, j'attends la première occasion pour déguerpir d'ici. Je suis couturier et je pourrais gagner ma vie là où je vais. Il me faut un endroit plus spacieux pour pouvoir élever mes enfants décemment.
C'est épouvantable ce qu'on voit au fendek : un gourbis de trois mètres où s'entassent jusqu'à 10 personnes. Les jeunes ici cherchent délibérément à se faire écrouer : pour eux une cellule de prison est plus aérée qu'une baraque. En plus, au bagne, ils seront, certainement mieux nourris que chez eux. La preuve est que la plupart des jeunes du fendek sont sous les verrous" Le grand souhait d'un bon nombre des habitants du fendek Bab Errahba reste que l'Etat leur octroie des aides et les autorise à restaurer leurs baraques, procède au branchement de la carrière aux réseaux d'eau et d'électricité et à l'installation du système du tout-à-l'égout…
Bref, un plan opérationnel pour la mise à niveau de ces logements de fortune.
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