Je pense qu'on devrait quelques fois commencer par définir l'homme et la société avant de développer ce qui l'entoure et de le situer dans l'histoire. Ceci, de façon à ce que le fait social ne soit pas toujours le dernier chapitre. Cette table ronde arrive un peu tard dans cette semaine de réflexions. On aurait pu développer plus tôt le problème humain.
En tant que président d'honneur d'Unicef France que constatez-vous sur le plan humanitaire aujourd'hui au Maroc ?
Le Maroc a ratifié la Convention des droits de l'enfant et créé un observatoire d'application de cette convention dont on me dit que je serai membre co-fondateur. J'ai assisté à la réunion de cet Observatoire en décembre dernier à Marrakech et j'ai été très impressionné par les progrès étonnants qu'a fait ce pays.
Il suffit de considérer certains chiffres : quand je suis arrivé au Maroc en 1949, on comptait alors un médecin pour 100 000 habitants contre un pour 5000 aujourd'hui. D'autre part, le taux de mortalité infantile a baissé de 200 pour mille à quarante pour mille et la maternité et les accouchements présentent moins de risques. Il reste beaucoup de problèmes, bien-sûr, comme dans de nombreux pays, mais globalement, les questions de santé sont nettement mieux considérées. J'ai également été très frappé par la liberté d'expression dans laquelle on a vécu pendant ce Salon du livre, avec des analyses de situations politiques et historiques... C'est un changement radical par rapport au Maroc que je connaissais.
Quelles sont, selon vous, les problèmes prioritaires ?
Avant tout, l'éducation, principalement celle des filles. Si on ne va pas plus vite dans le domaine éducatif au Maroc, il faudra encore trente années pour résorber l'analphabétisme. Ensuite, il faut développer une politique d'étude de la démographie. Enfin, la nutrition reste une préoccupation permanente. Non seulement dans le domaine des productions mais aussi du commerce et des habitudes alimentaires.
Vous avez évoqué vos cinquante ans d'ancienneté au Maroc. Pouvez-vous rappeler votre parcours dans ce pays ?
J'ai débarqué sur le sol marocain le 2 janvier 1949. J'étais médecin depuis trois semaines et marié depuis huit jours. Je suis tout de suite rentré dans le domaine de la santé publique. Je n'ai jamais voulu travailler en cabinet, je n'aime pas les financiers de la médecine. J'étais donc très heureux d'intégrer un service d'Etat. Mon premier vrai poste fut à Boulemane du Dadès. A l'époque, il y avait un hôpital sans laboratoire ni radiographie avec un unique infirmier autoformé, remarquable. J'étais seul médecin pour une région de 100 000 habitants avec une dispersion formidable. C'est là que j'ai découvert ce qu'est, dans un pays en développement, la relation sociale entre les services et une population qui n'est pas tellement demandante. Il s'agit “d' oubliés”, des personnes qui, comme je l'ai expliqué pendant la conférence, ne sont pas exclues mais “non-inclues”. Elles n'ont jamais fait partie d'aucun système. Leurs seuls horizons : la radio et la télévision. La question que je pose, encore aujourd'hui, est : comment vivent ces personnes ? Comment survivent-elles ?
Je ne suis resté qu'un an à Boulemane pour avoir dit qu'il fallait s'intéresser à la médecine préventive plutôt qu'à la maladie. Une «erreur» qui m'a guidé toute ma vie. Il faut s'occuper, avant tout, de l'état de santé, de tout ce qui crée de la santé. La santé étant ce que je définis comme «la recherche du meilleur équilibre entre ce qui agresse et ce qui protège».
Quelles ont été vos responsabilités par la suite ?
Faisant partie des services d'hygiène et d'épidémiologie à Fès et à Casablanca, j'ai été nommé responsable de la prévention sociale dans le premier gouvernement marocain. J'ai pu faire intégrer une politique de nutrition dans le premier plan de développement. Une question qui a été prise en considération parce que les trois premiers responsables de l'époque avaient connu la faim en prison ou en camp de concentration.
Je suis parti du Maroc en 1961 pour entrer à la FAO puis à l'Unicef. En 1971, j'ai été nommé représentant de l'Unicef en Afrique du Nord. Après deux ans passés au Vietnam, j'ai été de nouveau responsable de la région Proche-Orient et Afrique du Nord depuis Beyrouth. J'y suis resté jusqu'en 1982 avec la volonté de faire pénétrer la politique de l'enfance dans tous les pays du Golfe et les pays arabes. Tout ce que j'ai pu faire dans ma carrière, je l'ai appris au Maroc.
En tant que président d'honneur d'Unicef France que constatez-vous sur le plan humanitaire aujourd'hui au Maroc ?
Le Maroc a ratifié la Convention des droits de l'enfant et créé un observatoire d'application de cette convention dont on me dit que je serai membre co-fondateur. J'ai assisté à la réunion de cet Observatoire en décembre dernier à Marrakech et j'ai été très impressionné par les progrès étonnants qu'a fait ce pays.
Il suffit de considérer certains chiffres : quand je suis arrivé au Maroc en 1949, on comptait alors un médecin pour 100 000 habitants contre un pour 5000 aujourd'hui. D'autre part, le taux de mortalité infantile a baissé de 200 pour mille à quarante pour mille et la maternité et les accouchements présentent moins de risques. Il reste beaucoup de problèmes, bien-sûr, comme dans de nombreux pays, mais globalement, les questions de santé sont nettement mieux considérées. J'ai également été très frappé par la liberté d'expression dans laquelle on a vécu pendant ce Salon du livre, avec des analyses de situations politiques et historiques... C'est un changement radical par rapport au Maroc que je connaissais.
Quelles sont, selon vous, les problèmes prioritaires ?
Avant tout, l'éducation, principalement celle des filles. Si on ne va pas plus vite dans le domaine éducatif au Maroc, il faudra encore trente années pour résorber l'analphabétisme. Ensuite, il faut développer une politique d'étude de la démographie. Enfin, la nutrition reste une préoccupation permanente. Non seulement dans le domaine des productions mais aussi du commerce et des habitudes alimentaires.
Vous avez évoqué vos cinquante ans d'ancienneté au Maroc. Pouvez-vous rappeler votre parcours dans ce pays ?
J'ai débarqué sur le sol marocain le 2 janvier 1949. J'étais médecin depuis trois semaines et marié depuis huit jours. Je suis tout de suite rentré dans le domaine de la santé publique. Je n'ai jamais voulu travailler en cabinet, je n'aime pas les financiers de la médecine. J'étais donc très heureux d'intégrer un service d'Etat. Mon premier vrai poste fut à Boulemane du Dadès. A l'époque, il y avait un hôpital sans laboratoire ni radiographie avec un unique infirmier autoformé, remarquable. J'étais seul médecin pour une région de 100 000 habitants avec une dispersion formidable. C'est là que j'ai découvert ce qu'est, dans un pays en développement, la relation sociale entre les services et une population qui n'est pas tellement demandante. Il s'agit “d' oubliés”, des personnes qui, comme je l'ai expliqué pendant la conférence, ne sont pas exclues mais “non-inclues”. Elles n'ont jamais fait partie d'aucun système. Leurs seuls horizons : la radio et la télévision. La question que je pose, encore aujourd'hui, est : comment vivent ces personnes ? Comment survivent-elles ?
Je ne suis resté qu'un an à Boulemane pour avoir dit qu'il fallait s'intéresser à la médecine préventive plutôt qu'à la maladie. Une «erreur» qui m'a guidé toute ma vie. Il faut s'occuper, avant tout, de l'état de santé, de tout ce qui crée de la santé. La santé étant ce que je définis comme «la recherche du meilleur équilibre entre ce qui agresse et ce qui protège».
Quelles ont été vos responsabilités par la suite ?
Faisant partie des services d'hygiène et d'épidémiologie à Fès et à Casablanca, j'ai été nommé responsable de la prévention sociale dans le premier gouvernement marocain. J'ai pu faire intégrer une politique de nutrition dans le premier plan de développement. Une question qui a été prise en considération parce que les trois premiers responsables de l'époque avaient connu la faim en prison ou en camp de concentration.
Je suis parti du Maroc en 1961 pour entrer à la FAO puis à l'Unicef. En 1971, j'ai été nommé représentant de l'Unicef en Afrique du Nord. Après deux ans passés au Vietnam, j'ai été de nouveau responsable de la région Proche-Orient et Afrique du Nord depuis Beyrouth. J'y suis resté jusqu'en 1982 avec la volonté de faire pénétrer la politique de l'enfance dans tous les pays du Golfe et les pays arabes. Tout ce que j'ai pu faire dans ma carrière, je l'ai appris au Maroc.
