Menu
Search
Dimanche 28 Décembre 2025
S'abonner
close
Dimanche 28 Décembre 2025
Menu
Search

L’Afrique succède à l’Europe : le prix Nobel de littérature 2003 a été attribué à J.M. Coetzee

Le prix Nobel de littérature 2003 a été attribué à l'écrivain sud-africain John Michael Coetzee. L'auteur de «En attendant les barbares» succède à l'écrivain hongrois Imre Kertész, lauréat 2002. Afrikaner né en 1940 au Cap, ce romancier discret a fait de

L’Afrique succède à l’Europe : le prix Nobel de littérature 2003 a été attribué à J.M. Coetzee
Fait sans précédent, ce prix qui récompense chaque année une oeuvre de fiction écrite par un citoyen du Commonwealth lui a été à nouveau attribué en 1999 pour «Disgrâce», sombre allégorie de la société sud-africaine post-apartheid.
Malgré ses succès, cet universitaire titulaire d'un doctorat de littérature générale obtenu à l'université d'Austin, au Texas, préfère se tenir aussi loin que possible de la scène médiatique. Ainsi avait-il boudé la cérémonie de remise de son Booker Prize. Le comité Nobel n'est en outre pas parvenu à contacter le lauréat, qui s'est installé en Australie il y a deux ans, pour lui annoncer la nouvelle. «La célébrité est une chose que je suis parvenu à éviter avec pas mal de succès toute ma vie durant», avait-il souligné après l'attribution de sa deuxième distinction. Ce prix Nobel ne manquera pas de bousculer ses habitudes.

«Les romans de J.M. Coetzee sont caractérisés par une construction habile, des dialogues pleins de sens et une grande intelligence analytique», déclare le comité Nobel à l'appui de son choix.

Deuxième Sud-africain distingué après Nadine Gordimer en 1991, Coetzee figurait de longue date sur la liste des prétendants au Nobel de littérature, qui ouvre le bal des récompenses du comité suédois. Les autres seront décernées la semaine prochaine et le Prix Nobel de la paix sera attribué le 10 octobre.

Contre l’oppression

J.M Coetzee, 63 ans, qui porte en lui la honte d'être blanc, a enraciné son oeuvre dans l'apartheid mais ses livres, souvent sombres et violents, ont une valeur universelle car ils sont un réquisitoire contre l'oppression. Depuis des années, sa renommée était très grande (il est traduit en 25 langues) et son nom cité pour le Nobel de littérature, qu'il a finalement remporté .
Sa compatriote Nadine Gordimer l'avait emporté en 1991 alors que Coetzee était le favori mais, selon certaines indiscrétions, le Nobel avait voulu récompenser une personnalité qui avait plus ouvertement milité contre l'apartheid.
«Dans mes romans, la guerre est une métaphore historique. Elle n'existe pas seulement en Afrique du Sud», a-t-il dit en 1992.

«Je ne vois pas pourquoi on devrait automatiquement traduire ou essayer de traduire ma pensée en termes politiques.
Il n'est pas nécessaire de connaître mes idées pour comprendre mes livres», disait-il déjà voici une quinzaine d'années.
Auteur d'une dizaine d'ouvrages écrits en anglais, J.M Coetzee s'est gardé de tout manichéisme: «la société d'apartheid est une société de maîtres et d'esclaves, où les maîtres eux-mêmes ne sont pas libres». Ce professeur au visage fin et à la courte barbe blanche, qui enseigne actuellement à l'Université de Chicago, passe pour être difficile à approcher car il considère que tout est dans ses livres et que sa biographie n'aurait aucun intérêt.
Son oeuvre est fortement imprégnée des idées et des comportements issus de l'apartheid, qui, loin d'être locaux, revêtent un caractère universel, a souligné l'académie Nobel en ajoutant: "il n'applique jamais la même recette à deux ouvrages, ce qui contribue à la grande variation de son oeuvre".

La plupart des récits de Coetzee, écrits dans une langue sans délayage, n'ont pas de contexte historique précis. Les personnages, cernés par un destin à la fois individuel et collectif, sont enfermés dans des situations extrêmes. Il a reçu en 1999 le Booker Prize pour «Disgrâce» et est le seul auteur à avoir remporté ce prix à deux reprises, une première fois en 1983 pour «The life and times of Michael K». Ce livre, qui lui a valu le Fémina étranger en France en 1985 sous le titre «Michael K, sa vie, son temps», lui a apporté une renommée internationale.
C'est une fable désespérée autour d'un jeune garçon, employé des jardins municipaux du Cap, affligé d'un bec de lièvre et totalement marginalisé, qui fuit une guerre civile qu'il ne comprend pas.
D'ascendance anglo-allemande, J.M Coetzee est né près du Cap le 9 février 1940. Scolarisé dans un établissement anglophone, il s'installe au début des années 1960 en Grande-Bretagne, où il est programmeur informatique. Il délaisse cette activité pour des études d'histoire et de littérature aux Etats-Unis.

J.M Coetzee enseigne ensuite la littérature anglo-saxonne à l'Université du Cap. Son premier livre «Dusklands» (Terres de Crépuscule) est publié en 1974.Dans «Au coeur de ce pays» (1977, prix sud-africain CNA Award), le maître et l'esclave s'affrontent à travers le récit d'une femme hallucinée.
«En attendant les barbares» (1980, deux prix britanniques) décrit l'impasse d'une société totalitaire dans laquelle on peut reconnaître l'Afrique du Sud de l'apartheid.
Dans «Scènes de la vie d'un garçon» (1997), ce grand silencieux racontait dans un récit autobiographique ses années de jeunesse marquées par la honte d'être blanc dans un pays rongé par la violence raciale.

Ils ont dit

L'écrivain libanais Elias Khoury se dit heureux pour Coetzee, déçu pour Adonis
L'attribution du prix Nobel de littérature 2003 au Sud-africain J.M. Coetzee "constitue une reconnaissance et un hommage à la culture du Tiers monde", a estimé jeudi l'écrivain libanais Elias Khoury qui s'est toutefois dit déçu que le poète arabe Adonis ne l'ait pas obtenu. "J.M. Coetzee est incontestablement un grand romancier d'Afrique du Sud porteur d'une vision et d'une grande élégance de style. Cette récompense constitue une reconnaissance et un hommage à la culture du Tiers monde et au combat contre la discrimination raciale", a-t-il déclaré à l'AFP.
M. Khoury s'est cependant dit déçu qu'"encore une fois, le grand poète Adonis n'a pas obtenu le prix Nobel". "Je crois qu'il est l'un des plus grands poètes contemporains", a-t-il dit à propos du candidat malheureux au prix Nobel d'origine syrienne, auteur d'une oeuvre traduite en une dizaine de langues, et qui aimait à dire : "Je ne suis d'aucun pays. Je suis libre". Essayiste, écrivain et journaliste, M. Khoury est l'auteur de nombreux ouvrages dont "Bab al Chams" ("La porte du soleil") qui raconte à sa façon l'épopée du peuple palestinien, actuellement adapté pour le cinéma. Il est également le rédacteur en chef du supplément culturel du journal libanais An-Nahar.

"Il aime qu'on l'appelle J.M", dit son éditeur français.
L'écrivain sud-africain John Maxwell Coetzee, auquel l'académie suédoise a décerné jeudi son prix Nobel de littérature, aime qu'on l'appelle "J.M.", a indiqué son éditeur français Le Seuil.
Dans de nombreux articles publiés dans plusieurs pays dont la France, l'écrivain est appelé John Michael Coetzee, et non John Maxwell, comme l'indique l'académie suédoise.
Interrogé, son éditeur français, Le Seuil, n'a pas tranché, se contentant d'indiquer que "de toutes façons, il aime qu'on l'appelle J.M". Sur la couverture de ses livres, en France, on peut lire: "J.M Coetzee".

Lisez nos e-Papers