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La résistance irakienne remet en cause les plans américains

L’opération «Liberté pour l’Irak», lancée jeudi 20 mars par les Etats-Unis, qui ont mobilisé une coalition de plus de 400.000 soldats, se trouve-t-elle dans une impasse insurmontable depuis dimanche dernier, date à laquelle l’offensive t

La résistance irakienne remet en cause les plans américains
Les événements qui se succèdent ces dernières 48 heures semblent, en effet, confirmer ses craintes et justifier ce que les spécialistes qualifient de révision à la baisse de l’état-major américain. Au départ, les forces américaines regroupées au sein de la 3ème division d’infanterie avaient pour ligne de conduite de contourner les villes comme Fao, Oum Kasr, Bassora, Nassiriya, Nadjaf. Leur tactique devait, en effet, les conduire en droite ligne, aussi rapidement que possible, vers la capitale, Baghdad, pour y livrer le gros des combats. Dès vendredi 21 mars, les communiqués militaires, relayés par les télévisions, les radios et la presse écrite, se sont fait l’écho de cette montée en puissance vers Baghdad, les uns carrément triomphalistes et les autres plus ou moins prudents.
C’était à qui mieux mieux pour annoncer le premier l’arrivée des troupes anglo-saxonnes dans la banlieue de la capitale.Mais c’était sans compter avec les impondérables, liés à toute guerre, et surtout avec la résistance farouche que l’armée irakienne a commencé à opposer et qui,de toute évidence, donne un avant-goût amer aux stratèges militaires américains. Les soldats irakiens, quand bien même ils seraient mal équipés, mal vêtus, constitués aussi en petits groupes, opposent une résistance farouche et déterminée et, c’est le moins que l’on puisse dire, motivée. Comme sur le front de guerre, comme sur le théâtre des opérations, l’information a été encline à réviser ses conceptions. Une confusion imperceptible a marqué ainsi la diffusion des nouvelles du front dès dimanche 23 mars. Les déclarations se sont multipliées sur toutes les chaînes, aussi bien américaines, anglaises qu’irakienne. Elles concernent les prisonniers, pour lesquels chaque camp réclame un traitement juste et humain comme le prescrit la Convention de Genève.
Elles concernent aussi les morts et les blessés dont les chiffres, contradictoires et métamorphosés au fur et à mesure des événements, laissent ostensiblement l’opinion publique perplexe. Tandis que les chaînes américaines se sont dans un premier temps refusées à diffuser les images insoutenables des cadavres américains, corps gisant en sang et déchiquetés, c’est la chaîne arabe Al-Jazeera qui, après la télévison officielle irakienne, s’en est appropriée l’exclusivité controversée, «immorale» aux yeux des Américains, normale pour les autres, notamment les télévisions arabes qui n’hésitent pas à invoquer l’argument selon lequel l’armée américaine s’est aussi complue à montrer, avec des airs goguenards, les images de prisonniers irakiens au nombre de 700, dit-on, les mains sur la tête, ébahis, terrorisés devant les caméras de CNN et de la BBC...

Ces visages de la guerre ont constitué, à l’évidence, un tournant majeur depuis dimanche. C’est ce jour-là précisèment que la coalition terrestre américano-britannique a essuyé ses premiers revers dans le sud, à Oum Kasr , Nassiriya et Nadjaf. On a évoqué des «poches de résistance» qui ont opposé, sous le commandement du colonel Khaled Al Hachimi, commandant de la 51ème division irakienne, dont on disait un peu trop vite qu’il sétait rendu aux Américains, et qui a affirmé, devant la caméra d’Al Jazeera, que ses troupes résistaient à Bassora. Dans le registre de la désinformation, ou disons de l’information montée en épingle et vite démentie par les faits, il y a la mort ou la réddition annoncée de certains hauts dirigeants irakiens et surtout cette extrapolation grossière sur une blessure grave d’un Saddam Hussein que le secrétaire d’Etat britannique aux affaires étrangères, Mike O’Brien, s’est même hasardé à voir «partir sur une civière en ambulance» ! Même désinformation au sujet de Taha Yassine Ramadan,vice-président du Conseil de la révolution irakienne, annoncé comme disparu mais qui est apparu dans la télévision dimanche pour qualifier Kofi Annan «d’employé du ministère américain des Affaires étrangères «.

Faire la part des choses ! Tel est le souci des observateurs au 6ème jour d’une guerre qui change de nature de jour en jour. Alors que le général Tommy Franks, treillis couleur sable et bardé d’étoiles, donnait sa première conférence de presse, les combats faisaient rage dans le nord, à Mossoul et menaçaient d’éclater du côté de la frontière turque, dans ce Kurdistan si sensible et si hostile aussi où des bombarements aériens américains se sont déroulés contre le groupe islamiste Ansar al-islam soupçonné d’avoir des liens étroits avec Al-Qaïda . «Nous sommes dans le temps « a assuré Tommy Franks, coordinateur principal de l’opération «Liberté pour l’Irak». Faire la part des choses, c’est aussi pour les dirigeants américains reconnaître des difficultés sur le terrain qui, malgré une nette progression de leurs troupes vers Baghdad, surgissent et mettent en cause les plans de guerre et de conquête conçus il y a un an presque jour pour jour.

Après seulement cinq jours de bombardements aériens sporadiques, ciblés de surcroît et dirigés contre les symboles politiques et militaires de l’Irak, les responsables de la coalition anglo-américaine en sont à revoir leurs plans d’attaque. La question est la suivante : faudrait-il maintenir la même ligne et privilégier l’avancée terrestre au risque de se voir confronté à des combats corps-à-corps inévitable qui, dans les agglomérations urbaines, feraient certainement de nombreuses victimes américaines et accentueraient le traumatisme de l’opinion américaine ? Devrait-on en revanche déployer l’aviation et procéder aux pilonnages, ces fameux «tapis de bombes» dont on évoque l’épouvantail, pour faciliter la progression terrestre et, conséquence non moins dramatique, provoquer la mort des citoyens civils et verser dans la «sale guerre» ? En 1991, l’Irak et en particulier Baghdad avaient subi pas moins de six semaines de déluge, les frappes aériennes ayant à l’époque pour objectif de faciliter la tâche à l’offensive terrestre.

Le général Tommy Franks se plaint de n’avoir pas les cinq dicisions blindées qu’il a réclamé. Il attend donc des renforts, mais il déplore aussi que la Turquie ne l’ait pas autorisé à ouvrir un front dans le nord, manière de destabiliser les forces irakiennes. La tactique de contournement choisie, au bénéfice d’une progression forcée vers le nord et vers Baghdad est à mettre au compte d’une réflexion militaire américaine qui se réadapte au jour le jour. Mais l’inconnue demeure, elle sera incontournable : c’est la ville de Baghdad qui sera apparemment l’inexpugnable forteresse où les troupes irakiennes, épaulées par la garde républicaine que dirige Qoussaï, le fils cadet de Saddam Hussein, attend dc pied ferme les soldats de la coalition.
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