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«Le Monde de Nemo» d'Andrew Stanton : 20 000 dangers sous les mers

C'est un tout petit poisson qui dame le pion à des monstres comme Hulk ou Matrix. Au coude à coude avec le Seigneur des anneaux, le dernier-né des studios Pixar frétille déjà derrière Titanic et ET sur la liste des dix plus grands succès du cinéma américa

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«Comme un poisson dans l'eau» : Le Monde de Nemo, pourrait faire changer le sens de l'expression. Car l'océan est dangereux ! (traduit par le très en vogue «insécurité» en français). C'est le premier message de ce film d'animation. Marin le poisson-clown fait visiter leur nouvelle anémone avec «vue sur Grand Large» à sa chère et tendre Corail. Laquelle couve tendrement quatre cents œufs prêts à éclore. Quand surgit un terrifiant prédateur. Marin est catapulté sous une algue. A son réveil, plus de Corail, plus d'œufs, sauf un, qui deviendra Nemo.
Nemo, le petit archi-couvé par son papa qui a peur de tout. Nemo, dont la nageoire droite atrophiée (sa «petite godille») fait craindre à son père que le fiston ne sache pas bien nager. Nemo, que l'on retrouve le matin de son premier jour d'école, surexcité, tiraillant les écailles d'un paternel pétrifié. A raison d'ailleurs : après une dispute de circonstances, Nemo est capturé par le plus grand danger des profondeurs, un plongeur. Et Marin de se lancer, de toute la force de ses nageoires, à la poursuite de son fils unique, aux confins des mers.

Un conte initiatique pour… les parents

Le Monde de Nemo dit-on… parce que c'est un film d'apprentissage : le petit sort du nid, découvre le monde, se fait des amis, apprend à se détacher de son père (et à le juger !), à nager de ses propres nageoires, à contourner son léger handicap, à croire en lui, à faire confiance aux autres, à prendre des risques, à aimer l'aventure, à dédaigner le danger perpétuel... Mais le titre en anglais, Finding Nemo, résumait bien mieux l'arête centrale de cette histoire. Ou comment un père trop frileux se lance, par amour pour son fils, dans une épopée homérique qui fera de lui le nouveau mythe océanique.
Avec Dory, poissonne-chirurgien farfelue, mémoire défaillante et optimiste à outrance qui sait lire et parler baleine, c'est Marin que l'on suit lors des multiples et spectaculaires rebondissements de ses terribles aventures. Sa présence forcée à une réunion de «dévoreurs anonymes» dans un champ d'ogives en compagnie de requins qui ont juré de ne plus croquer un bout de poisson de leur vie. Sa traversée psychédélique d'un magnifique nuage de méduses roses. Sa descente vertigineuse à dos de tortue emporté par le Courant Est Australien comme sur l'autoroute de l'inconnu. Sa pleutrerie moquée par un ban de poissons imitateurs qui dessinent des bateaux ou des panneaux de signalisation entre deux eaux. Avant une arrivée, en eaux polluées, dans le Port de Sydney.

Au fond du bocal

Passé de la main du plongeur à son aquarium, Nemo trône fièrement dans un cabinet dentaire chez des humains échappés de chez Wallace et Gromit. La vie de bocal, quoi qu'on en dise, n'est pas si planante. Pas de prédateur peut-être, mais des comparses qui, un peu allumés à force de tourner en rond ou de se coller aux vitres, deviennent experts en extractions de dents ou en tentatives d'évasion. Et pendant que Marin prend une mémorable leçon d'éducation avec une tortue baba-cool, Nemo prend une leçon de vie auprès d'un vieux scalaire ivre de rêves ratés et de paradis perdus.

Pour ne pas faire trop Disneyland peut-être, pour permettre l'identification en tout cas, les scénaristes de Nemo ont joué à plein sur «la vie est une aventure pleine de dangers non exemptes de coups de bambous». Et l'on voit même, assez régulièrement, le moral des troupes stagner au fond du bocal, la magie et la fantaisie ne paraissant souvent pas de taille à lutter contre l'ampleur de la tâche : survivre. Mais, filant allègrement cette métaphore sur la fragilité du vivant (quiconque possédant un aquarium risque se s'en défaire rapidement), les créateurs de Nemo ne s'en sont pas moins donné à cœur joie dans le registre humoristique. Puisant les voix dans un vivier à la mode (Franck Dubosc pour Marin, Sami Naceri pour la tortue dans la version française) et la sophistication chez les Monthy Python, ils ont fait preuve d'une inventivité hors pair jusque dans la mise en scène sous-marine. Pas de danses générales et improbables dans le style «comédie musicale»: chez Nemo, les poissons se comportent «normalement». Ou presque. Résultat d'heures passées par toute l'équipe de Pixar à observer les comportements ichtyologiques.

D'anciens hippies papa-poules

Un rendu technologique stupéfiant pour ce studio d'animation qui porte bien son nom (construit sur pixel + art). Dix-sept ans et déjà plusieurs succès à son actif : Toy Story, les 1001 Pattes et Monstres et Cie. Après les jouets, les insectes et les monstres, c'est un petit poisson qui expédie le studio en tête du box-office général du cinéma américain, damant le pion à Matrix ou Hulk pour se positionner juste derrière Titanic et ET.

Le Monde de Nemo s'inspire aussi bien de Bambi (pour l'expressivité), Merlin l'enchanteur et La Petite sirène, que de Spielberg-Jules Verne (Les Dents de la mer, 20000 Lieux sous les mers). Avec une animation virtuose (dont seule la colorisation électrique et saturée est discutable), une histoire originale et un humour piquant, Pixar prend résolument une direction anti-Disney (alors que le film est co-produit par Disney). Et son équipe d'anciens hippies un peu anars devenus papas poules sur le tard, a de fortes chances de propulser le mythe Nemo bien au-delà de la surface…

Le Monde de Nemo (Finding Nemo) Film américain de Andrew Stanton, Lee Unkrich. Avec les voix de Franck Dubosc, Samy Naceri, David Ginola, Albert Brooks, Ellen DeGeneres.
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