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Le «Monde» imprimé au Maroc : exercice d'émulation et effet d'entraînement

Quel impact sur la presse nationale pourraient avoir l’impression et la diffusion au Maroc du quotidien «Le Monde»? La question, lancinante et ressassée,anime les conversations au sein des rédactions et des salons. Elle ne cesse d’interpeller,

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Ceux-ci se trouvent départagés, à vrai dire, entre partisans, adversaires déclarés et spectateurs neutres.L’objet du débat ? Il met en jeu essentiellement des intérêts corporatistes, légitimes, et la conception globale, indicible plus ou moins, de l’information au Maroc.
«Le Monde», quotidien prestigieux sera donc, en principe, fabriqué à Paris, expédié en fac-simili à Casablanca, mis en forme et imprimé sous les rotatives de la société EcoPrint sur lesquelles sont tirées également notre confrère L’Economiste et une série d’autres publications.Il sera diffusé par Sapress . L’édition marocaine sera imprimée en format tabloïd, la même quasiment que L’Economiste sur un papier plus fin, au grammage réduit comme on dit.Néanmoins,on doit rappeler que, par souci d’économie de papier alors que la guerre s’achevait dans la douleur pour la presse française, son fondateur, Hubert Beuve-Méry, avait opté en 1944 pour le format berlinois.C’est-à-dire le grand format de l’époque mais plié en deux. Ce qui multipliait la pagination du journal et provoquait la colère des autres.
«Le Monde» marocain sera en revanche réduit par les bordures, mais sa physionomie ne change pas. Même logo en gothique, même manchette, même charte graphique, avec en effet deux «ventres» superposés et un «rez-de-chaussée» consacré aux points de vue et, sans doute, ce qu’on appelle depuis soixante ans maintenant, les «pub nobles» en bas et à droite
Ces pub nobles présentent soit des parutions de livres, soit des articles de mode, de bijoux et de parfums prestigieux. Leur emplacement sur les deux colonnes en bas coûtent naturellement aux annonceurs...«Le Monde» entretient une relation singulière avec le Maroc où quelque 4 à 5 000 exemplaires sont vendus quotidiennement.
Au temps du père fondateur Hubert Beuve-Méry, il avait nettement pris position pour le combat de libération du Royaume contre le colonialisme et soutenu la lutte des nationalistes marocains.
Les raisons d’une inimitié
Au lendemain de l’indépendance, l’administration marocaine nouvelle, constituée de jeunes cadres nationalistes dont beaucoup avaient fait leurs études en France et étaient des lecteurs assidus du «Monde», s’était massivement abonnée au quotidien parisien.
Le service «Maghreb» du journal qui comprenait le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et plus tard la Mauritanie et la Libye, était dirigé successivement par Jean Lacouture, qui avait été en poste à Rabat dès les années quarante comme attaché de presse, et par Philippe Herreman. Le service Maghreb rendait compte non sans sympathie, mais dans une totale liberté, des évolutions et différentes parallèles des Etats de la région.
Cependant, après le départ de Hubert Beuve-Méry en retraite le 25 décembre 1969 et l’arrivée à la tête du journal de Jacques Fauvet, les choses se gâtèrent.
Jacques Fauvet, chrétien de gauche venu de «L’Est républicain» donna une tonalité nouvelle au «Monde» mais entama aussi, nous ne sommes pas les seuls à le penser, «l’idéologisation» du journal, parfois à la tristesse contenue du fondateur qui, installé au cinquième étage de l’immeuble de la rue des Italiens, Sirius plus que jamais, contemplait le tournant. Aux côtés de Philippe Decraene, nommé «Monsieur Afrique», trônait un certain Paul Balta propulsé spécialiste du Maghreb qui transforma déjà le journal en tribune hostile au Maroc, prenant fait et cause pour la thèse algérienne, boumedienniste surtout, dans la guerre du Sahara.Depuis lors, le service Maghreb, rebaptisé et intégré dans la «séquence monde», compta des «séquenciers» dont l’antipathie critique à l’égard du Maroc a constitué la caractéristique essentielle.
C’est-là que le bât a pronfondément blessé.Résumée grossièrement, l’inimitié entre le quotidien de la rue Claude Bernard et notre pays, tient à cette hostilité dont les responsables du «Monde», à commencer par Jean-Marie Colombani,Edwy Plenel et Noël-Jean Bergeroux sont bel et bien conscients.Elle met en lumière,la conception contradictoire de l’information, du compte rendu et du commentaire.Elle pose le problème de l’éthique et de l’objectivité.
Au lendemain de l’indépendance du Maroc, feu S.M. Mohammed V avait déjà fait sienne ce credo que «l’information est sacrée et le commentaire libre» ! Autant dire que ses dignes successeurs, notamment S.M. le Roi Mohammed VI ne se sont jamais départis de cette conception où se conjuguent démocratie,pluralisme et liberté d’expression. C’est à l’aune de ces principes irréfragables et de telles exigences que l’on peut et doive juger la décision d’autoriser «Le Monde» a être imprimé au Maroc. A vrai dire, cela ne change nullement la donne, puisque le journal est diffusé chaque au Maroc.
La nouveauté réside dans la décision de l’imprimer et de le commercialiser à 5 dirhams. A contrario, cela peut honorer notre pays d’abriter l’impression du premier quotidien francophone du monde, parce que nous mêmes revendiquons la liberté d’expression et défendons l’Etat de droit, en plus du libéralisme économique qui nous impose une posture cohérente.
A ceux qui s’en offusquent, à ceux qui craignent que cela n’entame leurs marges et qui dénoncent le prix modique de vente, il convient de répondre qu’il y a là motif à émulation.Et de fait, «Le Monde» peut et doit avoir un effet d’entraînement et non de stagnation propre à alimenter un lamento dérisoire.Il peut tirer vers le haut la presse nationale, soucieuse, que l’on sache, de qualité et de rigueur. La critique formulée à l’égard du «Monde» pour ses prises de position sur le Maroc devrait procéder du même souci à l’égard de certains autres organes, marocains de surcroît, qui n’ont de cesse de malmener les institutions.
Or, l’impression du Monde ne constitue pas une anomalie dans la mesure où des titres comme «Le Figaro», «Ach-Charq al-Awsat» et jusqu’à il y a deux ans « Al Hayat», sont imprimés et vendus au Maroc à des prix compétitifs.
La presse nationale, quotidienne surtout, devrait plutôt prendre à bon escient l’arrivée du «Monde» qui constitue, à coup sûr, une manière d’aiguillon.
Le pluralisme, l’indépendance, la diversité et la qualité y gagneraient. On ne peut défendre l’ouverture et le cosmopolitisme d’un côté et de l’autre , se complaire dans une attitude de frilosité anachronique. La peur panique n’a vraiment pas lieu d’être.
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