Royaume de la misère et de l'insécurité où échouaient les immigrants tout juste débarqués : Chinois et surtout, Irlandais. Ils fuyaient une guerre pour en trouver une autre : celle que connaît chaque exilé, la guerre contre les étrangers. Accueillis à coups de pierre ou de hache par les « Natifs », ils n'avaient d'autre choix que d'observer la première coutume locale qui s'imposait : se constituer en gangs.
Un matin de l'hiver 1946, un prêtre irlandais dirigeant le gang des «Lapins morts» prend la tête d'un affrontement contre les « Natifs ». Le sang souilla la neige de Five Points et le prêtre Vallon tomba sous la lame de Bill le Boucher (Daniel Day Lewis), un Américain «pur sang», et pure fripouille. Amsterdam Vallon était alors un petit garçon. Trop jeune pour recueillir le dernier souffle de son père, trop vieux pour oublier le visage de son assassin. Les «Lapins morts» ont été déclarés hors la loi, et le petit a été placé en maison de correction pendant quinze ans. Quinze années pendant lesquelles Bill le Boucher a pu asseoir son autorité sur tout le quartier, s'assurant l'allégeance de chaque passant, rackettant les pauvres, pactisant avec les riches politiques de passage. En 1860, Amsterdam devenu homme (Leonardo Di Caprio) découvre un Five Points bien changé où les fils d'Irlandais jouent les petites mains pour le parrain sanguinaire. Taisant sa vengeance, il intègre une bande et ne tarde pas à attirer l'attention de Bill, qui le prend sous sa protection. Mais Amsterdam n'oublie pas sa vengeance et fomente des émeutes, alors que démarre la guerre de Sécession.
Une tragédie Shakespearienne
New York est né dans la rue, New York est né du chaos : la naissance de cette ville racontée par Scorsese, prend l'ampleur d'un drame shakespearien. Le réalisateur s'est appuyé sur une histoire de vengeance. Pas la petite vengeance classique des films d'action mais celle des héros de tragédie déchirés entre devoirs et passions, idéaux et honneur.
Bill le Boucher (personnage qui a réellement existé) aiguise ses couteaux pour couper le porc comme les têtes, il s'abreuve de sang mais admire la bravoure. Il fait régner la terreur, mais ne peut fermer le seul oeil qui lui reste. Il s'enroule dans le drapeau américain pour défendre le droit de naissance, envers et contre tout. «Un Natif, c'est quelqu'un qui a le courage de mourir pour son pays». Mais il est très seul. Une figure de méchant éternel, sorte de satan défendant des valeurs de western en ces temps où naît la démocratie. Un monstre sur le déclin magnifiquement interprété par Daniel Day-Lewis.
Face à lui, Amsterdam a moins de prestance. Censé incarner la défense de la liberté du sol, de la religion, des origines, il a surtout l'air d'un gamin déterminé et courageux. Leonardo Di-Caprio qui n'a jamais aussi bien joué, insiste surtout sur les tourments intérieurs de son personnage et l'ambiguïté de ses sentiments : ronger sa douleur, avaler sa colère, cacher son regard. Adopté malgré lui par le meurtrier de son père, Amsterdam est un être partagé mais lucide : «sous l'aile d'un dragon, c'est plus chaud qu'on ne le pense» reconnaît-il en voix off. Est-ce le scénario ou l'art de Scorsese, les comédiens sont lumineux jusqu'à Cameron Diaz dont on regrette qu'elle ne prenne pas plus de place.
Scorsese passe des individus aux coupures de journaux, des scènes intimes aux vues d'ensemble. Les mouvements dansants de la caméra adoucissent les combats de rues très chorégraphiés quand des zooms rapides assènent des coups brutaux. Les bruits de la rue s'évanouissent derrière la fondamentale bande musicale, où U2 le dispute aux airs traditionnels. Chaque élément de cette grande fresque est le fruit d'un savant dosage. Martin Scorsese a réuni des décors et des costumes respectant la réalité de façon quasi documentaire et des quantités de figurants. Mais à cette matière qui aurait déjà fait un bon film historique, il a donné le souffle magique de la fiction.
Dans ce film, l'Amérique prend une autre couleur. Loin du rêve américain, elle se tache des déshonneurs causés aux étrangers et s'enorgueillit de ses métissages, elle extirpe le combat pour la nation du manichéisme habituel : pour chaque enrôlé, un cercueil. Elle rappelle le parfum et le prix de la révolte et défend, avant tout, le droit à la vie.
La sortie de Gangs of New York, qui est prêt depuis un bon moment, a été plusieurs fois repoussée, notamment par les événements du 11 septembre. Mais à présent, à côté des cow-boys et des indiens, des chercheurs d'or, de la pègre de Chicago et des mafieux en tous genre, il faudra rajouter au grand tableau du cinéma les bas-fonds de Five Points et les gangs de New York.
Gangs of New York de Martin Scorsese avec Leonardo Di Caprio, Daniel Day-Lewis, Cameron Diaz.
Un matin de l'hiver 1946, un prêtre irlandais dirigeant le gang des «Lapins morts» prend la tête d'un affrontement contre les « Natifs ». Le sang souilla la neige de Five Points et le prêtre Vallon tomba sous la lame de Bill le Boucher (Daniel Day Lewis), un Américain «pur sang», et pure fripouille. Amsterdam Vallon était alors un petit garçon. Trop jeune pour recueillir le dernier souffle de son père, trop vieux pour oublier le visage de son assassin. Les «Lapins morts» ont été déclarés hors la loi, et le petit a été placé en maison de correction pendant quinze ans. Quinze années pendant lesquelles Bill le Boucher a pu asseoir son autorité sur tout le quartier, s'assurant l'allégeance de chaque passant, rackettant les pauvres, pactisant avec les riches politiques de passage. En 1860, Amsterdam devenu homme (Leonardo Di Caprio) découvre un Five Points bien changé où les fils d'Irlandais jouent les petites mains pour le parrain sanguinaire. Taisant sa vengeance, il intègre une bande et ne tarde pas à attirer l'attention de Bill, qui le prend sous sa protection. Mais Amsterdam n'oublie pas sa vengeance et fomente des émeutes, alors que démarre la guerre de Sécession.
Une tragédie Shakespearienne
New York est né dans la rue, New York est né du chaos : la naissance de cette ville racontée par Scorsese, prend l'ampleur d'un drame shakespearien. Le réalisateur s'est appuyé sur une histoire de vengeance. Pas la petite vengeance classique des films d'action mais celle des héros de tragédie déchirés entre devoirs et passions, idéaux et honneur.
Bill le Boucher (personnage qui a réellement existé) aiguise ses couteaux pour couper le porc comme les têtes, il s'abreuve de sang mais admire la bravoure. Il fait régner la terreur, mais ne peut fermer le seul oeil qui lui reste. Il s'enroule dans le drapeau américain pour défendre le droit de naissance, envers et contre tout. «Un Natif, c'est quelqu'un qui a le courage de mourir pour son pays». Mais il est très seul. Une figure de méchant éternel, sorte de satan défendant des valeurs de western en ces temps où naît la démocratie. Un monstre sur le déclin magnifiquement interprété par Daniel Day-Lewis.
Face à lui, Amsterdam a moins de prestance. Censé incarner la défense de la liberté du sol, de la religion, des origines, il a surtout l'air d'un gamin déterminé et courageux. Leonardo Di-Caprio qui n'a jamais aussi bien joué, insiste surtout sur les tourments intérieurs de son personnage et l'ambiguïté de ses sentiments : ronger sa douleur, avaler sa colère, cacher son regard. Adopté malgré lui par le meurtrier de son père, Amsterdam est un être partagé mais lucide : «sous l'aile d'un dragon, c'est plus chaud qu'on ne le pense» reconnaît-il en voix off. Est-ce le scénario ou l'art de Scorsese, les comédiens sont lumineux jusqu'à Cameron Diaz dont on regrette qu'elle ne prenne pas plus de place.
Scorsese passe des individus aux coupures de journaux, des scènes intimes aux vues d'ensemble. Les mouvements dansants de la caméra adoucissent les combats de rues très chorégraphiés quand des zooms rapides assènent des coups brutaux. Les bruits de la rue s'évanouissent derrière la fondamentale bande musicale, où U2 le dispute aux airs traditionnels. Chaque élément de cette grande fresque est le fruit d'un savant dosage. Martin Scorsese a réuni des décors et des costumes respectant la réalité de façon quasi documentaire et des quantités de figurants. Mais à cette matière qui aurait déjà fait un bon film historique, il a donné le souffle magique de la fiction.
Dans ce film, l'Amérique prend une autre couleur. Loin du rêve américain, elle se tache des déshonneurs causés aux étrangers et s'enorgueillit de ses métissages, elle extirpe le combat pour la nation du manichéisme habituel : pour chaque enrôlé, un cercueil. Elle rappelle le parfum et le prix de la révolte et défend, avant tout, le droit à la vie.
La sortie de Gangs of New York, qui est prêt depuis un bon moment, a été plusieurs fois repoussée, notamment par les événements du 11 septembre. Mais à présent, à côté des cow-boys et des indiens, des chercheurs d'or, de la pègre de Chicago et des mafieux en tous genre, il faudra rajouter au grand tableau du cinéma les bas-fonds de Five Points et les gangs de New York.
Gangs of New York de Martin Scorsese avec Leonardo Di Caprio, Daniel Day-Lewis, Cameron Diaz.
