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Le livre : la glorieuse bataille des trois Rois de Lucette Valensi

La mémoire de la bataille d’Elksa el-Kebir de (Oued al-Makhâzin, pour les Arabes et d’Alcàcer-Quibir, pour les Portugais) dite aussi bataille des trois Rois, car trois monarques y ont laissé la vie. L’auteur analyse comment cette victoir

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Chassé du pouvoir par son oncle, il espère le regagner grâce au soutien des Portugais, installés depuis longtemps dans plusieurs places fortes côtières : Sebta, Tanger, El Jadida (Mazagan). Partie de Lisbonne le 24 juin, débarquée à Asilah, l’armée de Sébastien s’enfonce dans les terres à la rencontre de son adversaire, Moulay’Abd al-Mâlik.

La bataille a lieu le 4 août au voisinage de la rivière Oued el-Makhâzin. Après avoir un moment cru en la victoire, les Portugais sont mis en déroute et, chose tenue pour inouïe et mémorable par tous les chroniqueurs, les trois rois engagés dans le combat y trouvent la mort. « C’est un grand secret de Dieu que moururent, en l’espace d’une heure, trois grands rois dont deux étaient si puissants », écrit, deux semaines après l’événement, le médecin juif d’Abd al-Mâlik. Un captif portugais, détenu à Fès, souligne l’extraordinaire d’un « événement si nouveau et insolite, jamais vu ni jamais raconté dans aucune histoire du monde, de la mort de trois grands rois en une rencontre, l’un du côté des vainqueurs et deux du côté des vaincus ».

À l’autre extrémité du monde méditerranéen, en Asie mineure, au cœur de l’Empire ottoman, le chroniqueur al-Djannâbi lui fait écho en déclarant : «Dans nulle autre bataille on ne vit, comme dans celle-là, périr trois rois à la fois. Louange à Dieu et à ses volontés. »

« Au point de départ, un événement : une guerre qui présente l’économie d’une tragédie classique. Elle se joue en quelques heures, en une seule bataille, qui s’achève par une victoire éclatante du Maroc sur le Portugal. Trois princes trouvent la mort au cours de l’affrontement. Guerre meurtrière, une des plus sanglante du XVIe siècle, elle marque un tournant décisif dans l’histoire du face-à-face entre islam et chrétienté. On sut partout qu’elle resterait gravée dans les mémoires.

Quels souvenirs garde-t-on d’une grande guerre ? Qu’en retient-on quand on est vainqueur, comment oublier que l’on a essuyé une défaite , Qui transmet les souvenirs quand disparaissent les derniers témoins ? Et pourquoi ? Et pour qui ?
Dès les premiers échos de la bataille en 1578 aux derniers films qu’elle a inspirés au Maroc comme au Portugal, ce livre suit le fil du souvenir chez les descendants des vainqueurs et des vaincus, s’interroge sur les usages sociaux de la mémoire, et finalement sur les rapports qu’elle entretient avec l’histoire».

Disputée entre le monarque et le saint, la mémoire de la bataille des trois rois suscite au Maroc une pluralité de récits : historiques, hagiographiques, folkloriques. Mais, curieusement, elle ne fait l’objet d’aucune célébration. Seules les communautés juives établies dans le nord du pays et habitées par le ressentiment contre ceux qui les ont expulsées de la péninsule ibérique fêtent la défaite du roi Sébastien lors du Pûrim de los cristianos, le premier elul de chaque année.

Au Portugal, les lendemains de la défaite sont ceux du refus de mémoire. Ce n’est qu’en 1607 qu’est publiée la première relation en portugais de la bataille qui jusqu’alors n’avait fait l’objet que de textes manuscrits, accusant le roi de légèreté et d’imprudence.

Malgré les inhumations réitérées de Sébastien (à Alcacer Quibir au lendemain de la bataille, à Ceuta, dans l’église des Trinitaires, en décembre 1578, à Belem, dans le couvent des Hiéronymites en novembre 1582), la croyance s’installe que le roi n’a point été tué sur le champ de bataille et qu’il fera retour, restaurant la grandeur du Portugal. Après d’autres, Lucette Valensi s’attache à comprendre le mystère du sébastianisme, ce messianisme puissant et durable qui convertit en mythe central de l’identité nationale le souvenir d’un roi vaincu.
Lucette Valensi est historienne et spécialiste de l’islam méditerranéen.

Elle est également directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociale (EHESS). Elle s’est consacrée à l’étude du Maghreb précolonial et aux relations entre Orient et Occident. Parmi ses ouvrages, on peut citer : La Fuite en Égypte, histoires d’Orient et d’Occident (Le Seuil, 2001) Un essai d’histoire religieuse, l’auteur raconte comment l’épisode biblique a nourri l’art occidental et la pensée orientale ; Venise et la sublime porte (1987); Mémoires juives Gallimard, 1986), écrit avec Nathan Wachtel ; Juifs en terre d’islam. Les communautés de Djerba (Archives contemporaines, 1984), écrit avec A.L. Udovitch ; Fellahs tunisiens (Ehess, 1977) : L’économie rurale et la vie des campagnes aux XVIIIe et XIXe siècles ; Le Maghreb avant la prise d’Alger (1969)

Fables de la mémoire.
La glorieuse bataille des trois Rois de Lucette Valensi
Ed. Le Seuil, Collection Univers historique, 311 p.


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4 août 1578 : la bataille de Oued Al Makhazine
Les Portugais vont profiter de la discorde naquit entre les deux prétendants au trône : Abdelmalek et Mohamed Moutaoukil, après le décès de Abdellah Al Ghalib, pour s’allier au second et organiser une grande expédition militaire contre le Maroc sous le commandement effectif du Roi du Portugal Don Sébastien. L’expédition a été armée et financée par plusieurs puissances européennes et par l’Eglise.

Au Maroc, la nouvelle était largement suffisante pour serrer les rangs autour du roi Abdelmalek en vue de chasser l’intrus. Les deux armées se sont affrontées le 4 août 1578 sur Oued Al Makhazin affluant de Ouad Loukos au Sud-Est de Larche.

L’armée portugaise est défaite, les rois Don Sébastien et Al Moutaouakil trouvèrent la mort noyés dans la rivière.
Le Roi marocain, arrivé sur le site déjà très malade, mourut avant la fin de la bataille. Il ne vit pas la victoire.

Cette épopée connue sous le nom de la bataille des Trois Rois mit fin aux visées portugaises sur le Maroc et rétablit son image de puissance et de solidité aux yeux des Etats européens et de la Turquie.
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