Le long et difficile chemin de la paix pour le peuple irakien

Aux cris de soulagements exprimés en Irak même, à Washington, Londres, Paris et ailleurs, ont succédé depuis hier soir des interrogations graves, voire des inquiétudes. Comment George W. Bush compte-t-il faire pour réorganiser l’Irak ? Quels hommes et quels responsables seront-ils désignés pour prendre la relève ? A ces questions, il faut en rajouter d’autres, sous-tendant le chaos et l’incurie dont est victime la capitale, soumise aux pillages, aux violences qui ont coûté la vie hier à quelques Marines et devant lesquels l’état-major américain n’a rien trouvé à répondre qu’une sorte de résignation panique... Passé l’effet de cette spectaculaire et insolite «libération» si bien annoncée à renforts d’images et de proclamations, place aux hypothèses. Dans un climat de défoulement infernal, hérité d’une longue période d’oppression par le régime de Saddam Hussein dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne fut pas un parangon de vertu, les postulats fusent. Ils sont à l’image d’un Irak complexe où les chiites trônent au Centre et au Sud, émergent aussi comme une force revendicatrice, brandissent leur figure de proue, en la personne d’Ahmed Chalabi, homme lige du Pentagone ramené dans les fourgons de l’armée américaine, aperçu hier à Nassyria en train de haranguer la foule. Ils sont aussi à Kirkouk où les pechmergas kurdes, prompts à la revanche, ont mis sous le boisseau et la ville et la population, suscitant une réaction épidermique du gouvernement d’Ankara à l’idée que le nord irakien pût se transformer en république de Kurdistan !
Pour l’heure, les efforts de George Bush et Tony Blair, qui promettent monts et merveilles au peuple irakien, doivent être axés en priorité sur l’encadrement humanitaire, les soins, la sécurisation des secteurs chauds. Ensuite sur l’élaboration d’un schéma consensuel, dynamique et non mou, pour promouvoir la démocratie et donner sens et contenu à la liberté qui a été chèrement payée par un peuple placé entre le marteau et l’enclume, coincé entre une réalité tyrannique en déliquescence et un rêve encore en épure.Rien ne pourra se faire, pour braver cette épreuve difficile, sans associer et le peuple irakien et les Nations unies. C’est au prix de ce détour incontournable que la «libération de l’Irak» pourrait être autre chose qu’un vœu pieux...