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Le virus du sida court toujours

Une maladie ne remplace pas la précédente et la pneumonie atypique (SRAS), repérée il y a juste deux mois, ne prendra pas la place du sida, vieux, lui, de vingt ans et en pleine expansion. «La maladie est en plein développement et nous ne sommes mêmes pas

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Cet immunologiste retraçait la course contre la montre remportée par les chercheurs français de l’équipe du Pr Luc Montagnier qui, le 20 mai 1983, ont été les premiers à annoncer, dans la revue Science, l’isolation du virus de l’immuno-déficience humaine (VIH). Ce travail a été effectué en un temps-record.
Par la suite, même si elles ont parfois semblé piétiner et si les gouvernements de la plupart des pays ont sous-estimé la menace du sida, au prix d’analyses parfois totalement farfelues, les recherches ont continué à peu près au même rythme: tests de diagostic de plus en plus performants, identification d’un second virus et, surtout, mise au point, en 1996, des tri-thérapies.
Très efficaces, ces traitements ont largement contribué à faire oublier le sida dans les pays du nord, «à affaiblir les consciences occidentales», pour reprendre l’expression du Pr Kourilsky.
Pourtant, malgré leur coût au départ exhorbitant, et grâce à la pression constante exercée sur les laboratoires pharmaceutiques par des mouvements de défense des malades comme Act Up, ces traitements, dits «de luxe», commencent à être distribués dans les pays du sud, les plus touchés. Parfois même à prix coûtant.
A l’Institut Pasteur de Paris, pas moins de quinze équipes continuent de plancher sur le virus, sous tous ses aspects : «réponse immunitaire contre le VIH», «traitements et candidats-vaccins», bien sûr, mais aussi, «origine et évolution du virus» ou «transmission de la mère à l’enfant». «Nous sommes face à une pathologie extrêmement complexe et il y a une impérieuse nécessité à améliorer nos connaissances dans tous les domaines, à connaître beaucoup plus finement les moindres mécanismes de l’infection pour y trouver des parades», relève le directeur de l’Institut Pasteur.

couples «séro-discordants»

Ces recherches couvrent la plupart des facettes de l’infection: une équipe s’efforce de cerner la date de naissance réelle du virus, estimée aujourd’hui entre 1910 et 1930 en Afrique. Une autre, dirigée par la co-découvreuse du virus Françoise Barré-Sinoussi, étudie les virus de singes pour comprendre comment le virus du sida de ces animaux a pu se transformer, puis passer à l’homme. Dans un autre laboratoire, des souches virales du monde entier sont analysées pour comprendre pourquoi et comment le VIH varie. L’une des difficultés majeure à la mise au point d’un vaccin est en effet l’extrême variabilité des éléments composant les différentes souches du virus.
Les mécanismes d’entrée et de multiplication du virus dans les cellules humaines, son intégration au patrimoine génétique de la cellule, la façon dont il détourne à son profit la machinerie cellulaire pour «se faire produire» par la cellule qu’il infecte, font aussi l’objet de recherches.
Les chercheurs de l’Institut Pasteur suivent également de très près les cas de couples «séro-discordants», dont l’un est infecté par le virus du sida, et l’autre indemne, malgré des rapports sexuels non protégés pendant plusieurs années, ou encore ceux d’autres sujets fréquemment exposés au virus, comme certaines prostituées du Kenya, qui malgré des milliers de rapports, résistent aux agressions du virus. De l’avis des biologistes, toutes ces recherches sont cruciales pour la mise au point de vaccins ou de nouveaux traitements.

L’espoir d’un vaccin

Bien qu’une soixantaine d’essais cliniques aient été menés ces dernières années dans le monde pour tester quelque 30 candidats, aucun vaccin n’a encore vu le jour.
Sans être sûrs d’aboutir, les chercheurs ne se découragent pas, même si la barre doit être mise particulièrement haut. Compte-tenu de la nature de la pandémie, le cahier des charges est particulièrement strict : le vaccin devra être peu coûteux, aisé à prendre, en une prise ou deux maximum, et couvrir le plus largement possible les différentes souches existantes.
C’est dans cette optique que s’est développé à l’Institut Pasteur un projet visant à élaborer un vaccin anti-sida à partir du vaccin de la rougeole. Le projet, si les recherches sont couronnées de succès, présenterait l’avantage de bénéficier de la plus large distribution possible puisque ce vaccin fait partie des campagnes de vaccination soutenues par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
De plus, «le vaccin rougeole ayant depuis longtemps prouvé son inocuité et son efficacité, cela laisse présumer qu’un vaccin rougeole recombinant devrait être aussi bien toléré et qu’il aurait également un bon pouvoir immunogène», souligne le Pr Frédéric Tangy, responsable de l’unité des «virus lents» à l’Institut Pasteur. «L’objectif, explique-t-il, est de réaliser un vaccin +recombinant+, c’est-à-dire d’introduire deux à trois gènes du virus du sida dans le génome du virus atténué de la rougeole».
Idéalement, les médecins disposeraient alors d’un vaccin mixte anti-sida et anti-rougeole. Les chercheurs ont déjà la preuve - sur des macaques - que ce double vaccin entraîne «une réponse significative» contre le virus du sida.
Sur le papier, ce vaccin présente bien des avantages mais aussi un inconvénient: la plupart des adultes étant déjà vaccinés contre la rougeole, il serait essentiellement pédiatrique.
Pour tester son efficacité, les chercheurs ont mis en route des expériences infectieuses chez le primate et, si les résultats de ces tests - attendus pour 2004 - sont positifs, un essai clinique sur l’homme sera envisagé.
Mais les biologistes se gardent de tout optimisme: «le VIH cumule toutes les difficultés, il est extrêmement variable, les modèles animaux permettant de tester un candidat-vaccin sont plus ou moins performants, et, en plus, même amoindri ou tué, le virus ne peut pas être utilisé pour fabriquer un vaccin car il risque d’être quand même pathogène», rappelle Frédéric Tangy.
Et comme il s’agit maintenant d’une maladie qui touche essentiellement les pays du Tiers-Monde - dans bien des cas dénués de presque toute infrastructure médicale - la phase finale des essais qui devra impérativement y être menée risque d’être extrêmement difficile et chère.
«Ces essais coûtent des fortunes et, comme l’industrie pharmaceutique consacre 30 fois plus d’argent à la recherche de molécules anti-sida qu’au vaccin, il ne faudra pas compter sur les fonds privés», constate le Pr Philippe Kourilsky, directeur de l’Institut Pasteur de Paris.
Et même si les recherches débouchent un jour sur un vaccin, en raison de la variabilité du virus, «il ne sera jamais possible de baisser la garde», ajoute-t-il.
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