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Les Côtelettes de Bertrand Blier : goût douteux

Hué au dernier Festival de Cannes, Bertrand Blier, grand nom du cinéma français, est sur une mauvaise pente. Déjà descendu de son piédestal avec Les Acteurs, le réalisateur s’affaisse en livrant Les Côtelettes, une comédie vulgaire pétrie de mots d&

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Au Festival de Cannes le mois dernier, Les Côtelettes de Bertrand Blier, servies en dessert, ont été avalées avec un long râle d’indigestion. Ce grand nom du cinéma français (Les Valseuses, Buffet froid, Trop belle pour toi), toujours bien entouré (Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Nathalie Baye, Alain Delon, Charlotte Gainsbourg, Pierre Arditi), file un mauvais coton. Réputé pour son humour grinçant et décalé, le réalisateur avait sérieusement déçu avec sa précédente livraison, Les Acteurs (1999). Non content (on le comprend) de l’insuccès sur les planches de sa pièce Les Côtelettes (publiée chez Actes Sud), il s’est mis en tête de recuisiner le morceau façon cinéma. Mais la recette n’y change rien, les Côtelettes ont gardé un arrière-goût avarié.
« Je suis venu pour vous faire chier » annonce d’entrée de jeu Michel Bouquet, vieil inconnu venu frapper à la porte d’un autre vieillissant, Philippe Noiret. Un peu interloqué, le second invite le premier à rentrer. La menace était réelle : le dîner est interrompu et les convives - une jolie maîtresse et un fils qui « aime la douceur et la couture » - sont expédiés dans la chambre avec pour mission de se conformer aux tendances du père. Lequel, bon joueur, accepte le casse-pieds comme son double inavoué et s’installe dans un fauteuil pour faire plus ample connaissance. En quelques échanges corrosifs, les deux bourgeois parisiens ont tôt fait de se définir comme « un gros con de gauche et un gros con de droite ». Clivage politique qu’ils résument à une différence d’attitude devant la cuvette des WC : le premier nettoyant ce qu’il a souillé, le second laissant dédaigneusement ce soin à l’employée payé pour. Malgré ces comportements divergents, les deux rhumatisants se découvrent un point commun : ils ont la même femme de ménage, Nacifa (Farida Rahouadj), une « maghrébine » dont ils sont tombés amoureux et qu’ils voudraient tirer des pattes de son violent mari qu’ils appellent « l’Arabe ».
On le voit, les protagonistes sont des résidus de schémas intellectuels d’une pauvreté affligeante volontiers misogynes, homophobes, xénophobes, voire « phobes » tout court. Sous couvert de réalisme - des hommes que seul l’amour frais empêche de se laisser mourir, une femme à sauver de sa condition - Bertrand Blier s’amuse à noyer des points de vue douteux dans une sauce « bonne franquette ». C’est aussi dommageable des deux côtés de la Méditerranée. Bête et vulgaire dans le texte comme dans les images, le film pourrait, en dernier recours, avancer l’argument du second degré, le gauchiste se trouvant raillé pour ses petits côtés réactionnaires et le mec de droite pour ses penchants humanistes. Les deux pataugeant, au final, dans le même bain de vieillesse pour faire la nique à la Mort (Catherine Hiegel). Malheureusement, la posture, bien factice, est trop faible pour percer l’amertume de l’ensemble. Resteraient les deux monuments Philippe Noiret et Michel Bouquet qu’on se réjouissait d’observer en face à face. Mais cernés et arthritiques, ils s’épuisent à se renvoyer des mots d’auteurs fatigués dans un cadre kitsch et laid. De quoi devenir végétarien.

Les Côtelettes, film français de Bertrand Blier avec Philippe Noiret, Michel Bouquet, Farida Rahouadj, Hammou Graïa, Catherine Hiegel.
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