«C’est le lot d’une publication hebdomadaire. Mais dans le même temps cela nous permet de prendre du recul, de traiter d’autres aspects de cette guerre comme par exemple ses conséquences sur le Maroc. Avec l’énorme espoir que le lecteur s’intéresse à nous», soupire M. Selhami.
Pas question pour cet ancien reporter de guerre, devenu directeur de l’un des tout premiers patrons de la presse indépendante de se nourrir d’illusion : en ces temps de troisième guerre mondiale, le lecteur est devenu téléspectateur. «Les télés sont là pour diffuser du live, des bombardements. C’est de l’actualité chaude, qui change d’heure en heure et il est difficile pour la presse écrite, qu’elle soit marocaine ou pas, de jouer la concurrence. Aujourd’hui la parole est exclusivement aux armes». Alors les journalistes de cet hebdo suivent tous les jours, presque heure par heure, les nouvelles du front. En instantané et en «live», ils se tiennent informés. «Comme toutes les rédactions, nous sommes équipés. Il y a les fils d’agences internationales, les chaînes d’information en continu, et Internet aussi».
Si la guerre a ses téléspectateurs, cathodiques, accros, voyeurs, a-t-elle des lecteurs, des abonnés à la lecture du matin, à l’heure des mots croisés et du café cassé ? Ils sont plutôt nombreux ces patrons de journaux à affirmer qu’il n’y a pas eu «un effet guerre sur les ventes» de leurs publications. Un trop-plein d’informations rapidement caduques, périmées, dépassées.
«On n’entend plus parler même des quotidiens irakiens qui ont fait les beaux jours de la presse, là-bas ?
Les Babel, At-Taoura et autre Al-Iraq qui appartient à l’un des fils de Saddam Houssein ont été détrônés par l’image», commente un journaliste de la place.
Malgré tout, jour après jour, les « Unes » des quotidiens sont quasi-réservées à la guerre américano-britannique livrée à l’Irak. Photos, bandeau-titre et titres dénonciateurs, ici la guerre a pignon sur rue.
Téléspectateur mais aussi lecteur assidu de la presse nationale, le ministre de la Communication évoque volontiers cet «effort à saluer car il y a un travail factuel très important et les journaux marocains essaient de suivre presque heure par heure les événements malgré toutes les contraintes du bouclage». Ancien directeur des quotidiens Al Bayane et Bayane Al Yaoum, Nabil Benabdallah sait certainement de quoi il parle. Effort méritoire donc mais le ministre-lecteur s’empresse de préciser que «tout ceci gagnerait à être un peu plus objectif».
Sur la route de Casablanca, à l’entrée de Rabat, le siège de la rédaction «Al Alam» qu’édite le parti nationaliste, l’Istiqlal, est en ébullition. Comme tous les jours, il s’agit de confectionner les quatre pages que le quotidien consacre au conflit en Irak. Ici, pour éviter toute forme de manipulation, le traitement de l’information se fait avec vigilance. On vérifie, recoupe, compare avec d’autres infos tombées sur d’autres fils d’agences. Le suivi est permanent. Entre CNN et Al Jazira, les journalistes d’Al Alam tentent, à leur manière, c’est-à-dire à partir du desk, de multiplier leurs sources d’informations. «Soyons clairs. Nous sommes marocains et donc concernés par l’appartenance à la nation arabe. Al Alam dénonce cette sale guerre qui tue des civils. Nous n’hésitons pas à l’écrire : il s’agit bien d’un crime contre l’humanité. Depuis le début, nous avions prôné la solution diplomatique», affirme Hassan Abdelkhalek, secrétaire général de la rédaction. Ce journaliste-député en est profondément convaincu : plus que jamais, l’information est une arme. «Alors nous faisons attention à ne pas user d’un langage triomphaliste, ni d’un côté ni de l’autre». Sauf que le sentiment de justicier reste le plus fort dans une guerre vécue dans les rédactions marocaines comme «injuste, illégale et criminelle». Sur les colonnes d’Al Alam, ce sentiment transpire à travers des photos du «drame irakien» qui remplissent toute la dernière page du quotidien. «On s’est fait un devoir de donner à voir les dégâts de cette guerre qui tue et détruit», explique Hassan Abdelkahlek.
«Comme une forme de béatitude»
Au quinzième jour de bombardements sur Baghdad par une armée que l’on dit aux portes de la ville, y a-t-il un risque que la guerre se banalise du côté des rédactions marocaines ? Pas si sûr. Mais de l’avis de professionnels, il y a plus de sérénité et de souci d’équilibre dans l’air. « Au départ, il y a eu comme une forme de béatitude à l’égard du flot et du flux d’informations sur le conflit en Irak. Nous étions en présence d’une véritable campagne orchestrée outre-atlantique qui visait à mettre en scène la guerre. Et cette béatitude a conduit les journaux marocains à développer un réflexe de marché qui consiste à faire du tout-venant et livrer la guerre aux lecteurs avec tout ce qu’elle a comme spectaculaire et atroce. On s’est très vite rendus compte que cela n’avait pas du tout boosté les ventes», constate Driss Aissaoui, directeur de la rédaction du quotidien «As-Sahra». Pour ce journaliste, il y aurait aujourd’hui «une approche plus équilibrée de l’information», les rédactions ayant réalisé que cette guerre «est un véritable imbroglio». «On est finalement constamment écartelé entre ce vœu de maîtriser l’info pour ne pas la subir et la tentation de rencontrer le sentiment de la rue marocaine», résume D. Aissaoui.
Pas question pour cet ancien reporter de guerre, devenu directeur de l’un des tout premiers patrons de la presse indépendante de se nourrir d’illusion : en ces temps de troisième guerre mondiale, le lecteur est devenu téléspectateur. «Les télés sont là pour diffuser du live, des bombardements. C’est de l’actualité chaude, qui change d’heure en heure et il est difficile pour la presse écrite, qu’elle soit marocaine ou pas, de jouer la concurrence. Aujourd’hui la parole est exclusivement aux armes». Alors les journalistes de cet hebdo suivent tous les jours, presque heure par heure, les nouvelles du front. En instantané et en «live», ils se tiennent informés. «Comme toutes les rédactions, nous sommes équipés. Il y a les fils d’agences internationales, les chaînes d’information en continu, et Internet aussi».
Si la guerre a ses téléspectateurs, cathodiques, accros, voyeurs, a-t-elle des lecteurs, des abonnés à la lecture du matin, à l’heure des mots croisés et du café cassé ? Ils sont plutôt nombreux ces patrons de journaux à affirmer qu’il n’y a pas eu «un effet guerre sur les ventes» de leurs publications. Un trop-plein d’informations rapidement caduques, périmées, dépassées.
«On n’entend plus parler même des quotidiens irakiens qui ont fait les beaux jours de la presse, là-bas ?
Les Babel, At-Taoura et autre Al-Iraq qui appartient à l’un des fils de Saddam Houssein ont été détrônés par l’image», commente un journaliste de la place.
Malgré tout, jour après jour, les « Unes » des quotidiens sont quasi-réservées à la guerre américano-britannique livrée à l’Irak. Photos, bandeau-titre et titres dénonciateurs, ici la guerre a pignon sur rue.
Téléspectateur mais aussi lecteur assidu de la presse nationale, le ministre de la Communication évoque volontiers cet «effort à saluer car il y a un travail factuel très important et les journaux marocains essaient de suivre presque heure par heure les événements malgré toutes les contraintes du bouclage». Ancien directeur des quotidiens Al Bayane et Bayane Al Yaoum, Nabil Benabdallah sait certainement de quoi il parle. Effort méritoire donc mais le ministre-lecteur s’empresse de préciser que «tout ceci gagnerait à être un peu plus objectif».
Sur la route de Casablanca, à l’entrée de Rabat, le siège de la rédaction «Al Alam» qu’édite le parti nationaliste, l’Istiqlal, est en ébullition. Comme tous les jours, il s’agit de confectionner les quatre pages que le quotidien consacre au conflit en Irak. Ici, pour éviter toute forme de manipulation, le traitement de l’information se fait avec vigilance. On vérifie, recoupe, compare avec d’autres infos tombées sur d’autres fils d’agences. Le suivi est permanent. Entre CNN et Al Jazira, les journalistes d’Al Alam tentent, à leur manière, c’est-à-dire à partir du desk, de multiplier leurs sources d’informations. «Soyons clairs. Nous sommes marocains et donc concernés par l’appartenance à la nation arabe. Al Alam dénonce cette sale guerre qui tue des civils. Nous n’hésitons pas à l’écrire : il s’agit bien d’un crime contre l’humanité. Depuis le début, nous avions prôné la solution diplomatique», affirme Hassan Abdelkhalek, secrétaire général de la rédaction. Ce journaliste-député en est profondément convaincu : plus que jamais, l’information est une arme. «Alors nous faisons attention à ne pas user d’un langage triomphaliste, ni d’un côté ni de l’autre». Sauf que le sentiment de justicier reste le plus fort dans une guerre vécue dans les rédactions marocaines comme «injuste, illégale et criminelle». Sur les colonnes d’Al Alam, ce sentiment transpire à travers des photos du «drame irakien» qui remplissent toute la dernière page du quotidien. «On s’est fait un devoir de donner à voir les dégâts de cette guerre qui tue et détruit», explique Hassan Abdelkahlek.
«Comme une forme de béatitude»
Au quinzième jour de bombardements sur Baghdad par une armée que l’on dit aux portes de la ville, y a-t-il un risque que la guerre se banalise du côté des rédactions marocaines ? Pas si sûr. Mais de l’avis de professionnels, il y a plus de sérénité et de souci d’équilibre dans l’air. « Au départ, il y a eu comme une forme de béatitude à l’égard du flot et du flux d’informations sur le conflit en Irak. Nous étions en présence d’une véritable campagne orchestrée outre-atlantique qui visait à mettre en scène la guerre. Et cette béatitude a conduit les journaux marocains à développer un réflexe de marché qui consiste à faire du tout-venant et livrer la guerre aux lecteurs avec tout ce qu’elle a comme spectaculaire et atroce. On s’est très vite rendus compte que cela n’avait pas du tout boosté les ventes», constate Driss Aissaoui, directeur de la rédaction du quotidien «As-Sahra». Pour ce journaliste, il y aurait aujourd’hui «une approche plus équilibrée de l’information», les rédactions ayant réalisé que cette guerre «est un véritable imbroglio». «On est finalement constamment écartelé entre ce vœu de maîtriser l’info pour ne pas la subir et la tentation de rencontrer le sentiment de la rue marocaine», résume D. Aissaoui.
