Le deuxième volet de la trilogie de science fiction des frères Andy et Larry Wachowski, Matrix Reloaded, était présenté, hors compétition, comme un des événements les plus attendus. A Cannes, comme dans le monde entier où il sort pratiquement en même temps (il est programmé dans près de 700 salles en France à partir de vendredi). Ce film n’avait pourtant nul besoin de rampe de lancement. Propulsé par le succès du premier opus, entretenu par le jeu vidéo conçu comme le prolongement de la saga, Matrix est devenu un film culte. Plusieurs raisons à cela. Entre autres, parce qu’il imbrique un traitement technologique de l’image qui tient de l’exploit et une densité narrative inespérée dans le genre. Ce que son producteur Joel Silver résume par « un film d’action intelligent ». Malheureusement, Martix Reloaded rompt cet astucieux équilibre : alors que la surenchère visuelle explose somptueusement, le scénario perd en quotient intellectuel. Il n’est pas creux mais moins stimulant et plus obscur que le premier, moins cérébral et plus mystique.
Il est conseillé d’avoir vu le précédent pour bien prendre le train en marche. Pas le temps de faire les présentations : on sait déjà que l’espèce humaine est menacée par la matrice, sorte de super-ordinateur qui s’annexe tout sous forme de programmes informatiques. Neo (Keanu Reeves) a accepté de devenir l’Elu d’une poignée d’humain encore libres réfugiés à Zion, sous la terre, à l’écart du monde soit-disant réel. Mais cette dernière enclave humaine va être prise d’assaut par l’Armée des Machines. Avec sa compagne Trinity (Carrie-Anne Moss) et son mentor Morpheus (Laurence Fishburne), Neo décide de s’introduire de nouveau dans la matrice pour percer son secret. S’ensuit une série de missions de combats de haut vol en trois dimensions : séances de kung-fu fou contre l’infatigable agent Smith (Hugo Weaving) qui a également progressé et a trouvé l’atroce moyen de se dupliquer, poursuites dans un bâtiment-labyrinthe dont chaque porte ouvre sur des ailleurs différents, cascades sur-audacieuses sur une autoroute…
Toutes ces stupéfiantes séquences ont été créées par ordinateur mais à partir d’images réelles. Par exemple, conformément aux traditions cinématographiques de HongKong, les vedettes livrent elles-mêmes leurs combats (elles ont d’ailleurs passé quatre mois à s’entraîner avec un maître de kung-fu). Autre exemple, la scène de quatorze minutes sur l’autoroute a été tournée en sept semaines sur une portion d’autoroute construite pour le film. Mais les prouesses des concepteurs de Matrix ne s’arrêtent pas là : « Bullet time » (prise de vues virtuelles) et « Universal Capture » (répliques virtuelles des personnages), à chaque nouvelle opus sa nouvelle invention. Matrix ou l’exposé d’un paradoxe : dénoncer l’aliénation technologique tout en faisant progresser les outils technologiques.
Prêches obscurs
Matrix a été imaginé comme un système que le premier épisode installait. Le deuxième fait évoluer, comme sur des cartes à jouer, des personnages et leurs aptitudes. Pour Néo, c’est l’heure de la quête personnelle. Etre Elu lui pose des problèmes : assumer ses pouvoirs surnaturels, l’idée que la vérité peut être une source de terreur et l’horrible question du choix. A chaque étape, il subit une épreuve face à de nouveaux personnages comme le couple vampirique Mérovingien-Perséphone (Lambert Wilson, Monicca Bellucci). L’un, désopilant, jure en français parce que c’est plus classe, bavarde sur le principe de cause et d’effet tout en contrôlant, à distance, les sensations d’une voisine. L’autre campe une femme ultra sophistiquée qui cherche désespérément à retrouver des émotions. La grande leçon, c’est l’Oracle qui la distille pompeusement : « Tu as déjà fais ton choix, l’important c’est de savoir pourquoi ».
La saga est truffée d’aphorismes de ce genre car un des principes du duo Wachowski est de soulever des questions « existencialo-philosophiques » en multipliant les références : melting-pot de christianisme, de zen, de bouddhisme, allusions aux comics et aux mangas ou à des auteurs comme Lewis Carroll ou Philippe K. Dick. C’est ce qui lui donne du contenu et fait que tout le monde peut se sentir concerné, ou pas : ceux qui voudront se contenter du spectacle ne seront pas bannis pour autant.
Le problème dans Matrix Reloaded, c’est que ces aphorismes se multiplient à l’envi, traînant leur « touche mentale » comme un bagage trop lourd. Quand ils ne débouchent pas sur des prêches plus obscurs les uns que les autres. Comprenne (tout) qui pourra. Même les protagonistes semblent avoir du mal. C’est parfois même tellement elliptique et sentencieux qu’on pense à ces fausses phrases fourre-tout qui peuvent aussi bien dissimuler des imprécisions, se prétendre clés de l’énigme ou expliquer n’importe quoi. Trop péremptoire, verbeux et parfois même lassant, le maître du jeu s’empêtre dans sa propre mythologie. Défaillance qu’il abat avec des appels de gourou du type « Que nos âmes s’élèvent des entrailles rouges de la terre vers le ciel noir ». C’est pourtant l’occasion d’une des plus belles scènes du film, un magnifique tecknival tribal et sensuel dans la grotte mordorée. Plus qu’un clin d’œil, un message : « rejoignez notre mouvement ». Prochain rendez-vous en novembre, pour le troisième et dernier épisode qui devrait « expliquer la totalité tout en laissant ouvert ». En espérant qu’il se sera débarrassé de sa tendance nébuleuse.
Film américain de Andy Wachowski et Larry Wachowski avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne, Carrie-Anne Moss, Hugo Weaving, Matt McColm.
Il est conseillé d’avoir vu le précédent pour bien prendre le train en marche. Pas le temps de faire les présentations : on sait déjà que l’espèce humaine est menacée par la matrice, sorte de super-ordinateur qui s’annexe tout sous forme de programmes informatiques. Neo (Keanu Reeves) a accepté de devenir l’Elu d’une poignée d’humain encore libres réfugiés à Zion, sous la terre, à l’écart du monde soit-disant réel. Mais cette dernière enclave humaine va être prise d’assaut par l’Armée des Machines. Avec sa compagne Trinity (Carrie-Anne Moss) et son mentor Morpheus (Laurence Fishburne), Neo décide de s’introduire de nouveau dans la matrice pour percer son secret. S’ensuit une série de missions de combats de haut vol en trois dimensions : séances de kung-fu fou contre l’infatigable agent Smith (Hugo Weaving) qui a également progressé et a trouvé l’atroce moyen de se dupliquer, poursuites dans un bâtiment-labyrinthe dont chaque porte ouvre sur des ailleurs différents, cascades sur-audacieuses sur une autoroute…
Toutes ces stupéfiantes séquences ont été créées par ordinateur mais à partir d’images réelles. Par exemple, conformément aux traditions cinématographiques de HongKong, les vedettes livrent elles-mêmes leurs combats (elles ont d’ailleurs passé quatre mois à s’entraîner avec un maître de kung-fu). Autre exemple, la scène de quatorze minutes sur l’autoroute a été tournée en sept semaines sur une portion d’autoroute construite pour le film. Mais les prouesses des concepteurs de Matrix ne s’arrêtent pas là : « Bullet time » (prise de vues virtuelles) et « Universal Capture » (répliques virtuelles des personnages), à chaque nouvelle opus sa nouvelle invention. Matrix ou l’exposé d’un paradoxe : dénoncer l’aliénation technologique tout en faisant progresser les outils technologiques.
Prêches obscurs
Matrix a été imaginé comme un système que le premier épisode installait. Le deuxième fait évoluer, comme sur des cartes à jouer, des personnages et leurs aptitudes. Pour Néo, c’est l’heure de la quête personnelle. Etre Elu lui pose des problèmes : assumer ses pouvoirs surnaturels, l’idée que la vérité peut être une source de terreur et l’horrible question du choix. A chaque étape, il subit une épreuve face à de nouveaux personnages comme le couple vampirique Mérovingien-Perséphone (Lambert Wilson, Monicca Bellucci). L’un, désopilant, jure en français parce que c’est plus classe, bavarde sur le principe de cause et d’effet tout en contrôlant, à distance, les sensations d’une voisine. L’autre campe une femme ultra sophistiquée qui cherche désespérément à retrouver des émotions. La grande leçon, c’est l’Oracle qui la distille pompeusement : « Tu as déjà fais ton choix, l’important c’est de savoir pourquoi ».
La saga est truffée d’aphorismes de ce genre car un des principes du duo Wachowski est de soulever des questions « existencialo-philosophiques » en multipliant les références : melting-pot de christianisme, de zen, de bouddhisme, allusions aux comics et aux mangas ou à des auteurs comme Lewis Carroll ou Philippe K. Dick. C’est ce qui lui donne du contenu et fait que tout le monde peut se sentir concerné, ou pas : ceux qui voudront se contenter du spectacle ne seront pas bannis pour autant.
Le problème dans Matrix Reloaded, c’est que ces aphorismes se multiplient à l’envi, traînant leur « touche mentale » comme un bagage trop lourd. Quand ils ne débouchent pas sur des prêches plus obscurs les uns que les autres. Comprenne (tout) qui pourra. Même les protagonistes semblent avoir du mal. C’est parfois même tellement elliptique et sentencieux qu’on pense à ces fausses phrases fourre-tout qui peuvent aussi bien dissimuler des imprécisions, se prétendre clés de l’énigme ou expliquer n’importe quoi. Trop péremptoire, verbeux et parfois même lassant, le maître du jeu s’empêtre dans sa propre mythologie. Défaillance qu’il abat avec des appels de gourou du type « Que nos âmes s’élèvent des entrailles rouges de la terre vers le ciel noir ». C’est pourtant l’occasion d’une des plus belles scènes du film, un magnifique tecknival tribal et sensuel dans la grotte mordorée. Plus qu’un clin d’œil, un message : « rejoignez notre mouvement ». Prochain rendez-vous en novembre, pour le troisième et dernier épisode qui devrait « expliquer la totalité tout en laissant ouvert ». En espérant qu’il se sera débarrassé de sa tendance nébuleuse.
Film américain de Andy Wachowski et Larry Wachowski avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne, Carrie-Anne Moss, Hugo Weaving, Matt McColm.
