En tant qu’Occidental vous avez employé les vertus de la calligraphie arabe pour créer des œuvres très originales, qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser cette expérience ?
Lorsque je suis revenu des Etats-Unis, j’ai eu besoin de me tourner vers une civilisation en harmonie avec elle-même ; New York étant une cité où l’homme s’éloigne de l’homme. L’Afrique du Nord que j’avais découvert en 1975 me semblait être une terre d’élection pour me ressourcer et me réconcilier avec le plus intime de l’art, sa chair et son partage. Mais, si depuis 1850, l’Occident s’est tourné vers ce continent pour renouveler son inspiration... d’Eugène de La Croix à Henri Matisse, de Pierre Loti à Paule Bouvles, il est vrai que ces greniers de notre histoire sont encore capables de faire germer de nouvelles graines. Or, au cours de mes nombreux voyages au désert (Maroc, Mauritanie, Niger), j’ai découvert des manuscrits arabes arrachés au sable de ces cités caravanières, ces cités du savoir qui n’ont pu m’empêcher de les comparer à des graines restées enfouies dans l’ombre, puis révélées aujourd’hui dans leur noblesse la plus vivante.
Ainsi, à une époque où l’art se conceptualise, l’objet physique que sont ces manuscrits porte en lui sens, mystère, sensualité et poésie, autant de résonance fertile à mon inspiration. De ce fait, dans cette nouvelle expérience, j’ai utilisé le matériel, la calligraphie et le vocabulaire essentiel des gens du désert. Dès lors, la pensée intime et secrète a pris le pas sur la figure pour s’épancher dans la liberté d’une symphonie riche de signes et d’empreintes.
Dans les années 80, je me suis servi des partitions de Jean Sébastien Bach comme outil et support nécessaires à la lecture de mon œuvre. Cette partition écrite de la main de l’artiste permet son immortalité. Quel autre support de mémoire aurait mieux conduit à la survivance du génie de cette artiste ? C’est dans cette vision que la calligraphie possède à travers les vertus du papier les qualités de transmettre des messages, du savoir, de l’histoire de l’homme et de ses passions.
Quelle est votre vision sur l’art abstrait ?
L’idée d’obstruction dans l’art a germé en Orient, vu que la représentation figurative a été interdite par l’Islam. Or, le génie artistique des Arabes a créé son propre monde en se basant sur l’art floral, l’art calligraphique, les arabesques rehaussés par un savoir scientifique (géométrie, mathématique). Ce qui n’est pas le cas pour l’Occident qui a excellé dans l’art figuratif et iconographhique. L’art abstrait est un mouvement pictural tout à fait récent et contemporain en Occident.
Peut-on dire qu’il y a une certaine écriture derrière l’art abstrait ? Et tout particulièrement dans vos toiles ?
Je ne crois pas que mon art soit aussi abstrait qu’on le pense. Ce qui m’a intéressé d’abord, c’est d’utiliser la force et la beauté de la calligraphie arabe, puis le sable et la feuille d’or en tant qu’éléments de composition pour donner une vision de réel. Tout le monde sait que le sable n’a rien d’abstrait. Symboliquement, c’est le temps qui s’écoule entre les doigts. quant à l’or, celui-ci représente la richesse et la lumière.
Alors qu’en est-il du papier que vous utilisez aussi comme ingrédient parmi d’autres éléments du désert (fibres végétales noyées dans l’huile ou la cire, écorce d’eucalyptus...) ?
Comme je l’ai souligné auparavant, les manuscrits sont porteurs de savoir civilisationnel. Et là je rends hommage aux peuples et à ces sociétés qui, depuis les premiers siècles, ont acheminé de l’Egypte ou la Grèce, les embryons d’une culture qui n’a cessé d’être valorisée. C’est pourquoi d’ailleurs dans mes toiles, le thème des traités d’astronomie ou de mathématique, du droit et des contrats, est souvent abordé.
On sait combien l’empire arabo-islamique a prodigué de connaissances à l’Occident dans ces domaines.
Tout cela c’est grâce à l’existence du papier. Dans les années 90, j’ai commencé en effet à utiliser le papier en tant que support créatif. Comme le cas de cette longue série sur «les attrappeurs de l’Absolu» où le mythe d’Icare et son aile de papier et de cire trouve une place particulière.
Dans ces toiles débutées à New York, j’ai utilisé le langage même de la fibre du papier : comparaison aisée de la force et de la fragilité de ce matériau noble. Un papier vivant qui se lit et se froisse, qui se plie et se déplie, fibre sensible qui se laisse gonfler par le vent pour accéder au soleil ou à l’orgueil, matière qui retourne à la poussière et parfois renaît de ses cendres, comme ce phénix légendaire.
Il y a une certaine saveur du désert dans vos toiles, en particulier celle du Maroc ? Qu’en pensez-vous ?
Bien évidemment, du fait que j’habite en partie au Maroc. Cette terre d’accueil est mon premier grand et long voyage en tant qu’Occidental. En effet, il y a 25 ans, j’ai mis les pieds, pour la première fois, dans ce pays qui m’a réellement envoûté et fasciné à la fois. Ce fut même un voyage initiatique où j’ai appris tant de choses, je dirai même que le Maroc est un monde qui m’a toujours appelé à la méditation et à la réflexion au point où j’avais l’impression d’être né au Maroc. Et je pourrais même pousser ma pensée à croire que le premier homme et la première femme sont apparus au Maroc.
Or, c’est un pays qui regorge de tous les sens auxquels l’Homme ferait appel, c’est-à-dire la vue, l’odorât, l’ouïe, le toucher.... en un mot, tous mes sens sont en excitation permanente, ce qui est favorable pour un artiste qui creuse dans la mémoire du passé.
Lorsque je suis revenu des Etats-Unis, j’ai eu besoin de me tourner vers une civilisation en harmonie avec elle-même ; New York étant une cité où l’homme s’éloigne de l’homme. L’Afrique du Nord que j’avais découvert en 1975 me semblait être une terre d’élection pour me ressourcer et me réconcilier avec le plus intime de l’art, sa chair et son partage. Mais, si depuis 1850, l’Occident s’est tourné vers ce continent pour renouveler son inspiration... d’Eugène de La Croix à Henri Matisse, de Pierre Loti à Paule Bouvles, il est vrai que ces greniers de notre histoire sont encore capables de faire germer de nouvelles graines. Or, au cours de mes nombreux voyages au désert (Maroc, Mauritanie, Niger), j’ai découvert des manuscrits arabes arrachés au sable de ces cités caravanières, ces cités du savoir qui n’ont pu m’empêcher de les comparer à des graines restées enfouies dans l’ombre, puis révélées aujourd’hui dans leur noblesse la plus vivante.
Ainsi, à une époque où l’art se conceptualise, l’objet physique que sont ces manuscrits porte en lui sens, mystère, sensualité et poésie, autant de résonance fertile à mon inspiration. De ce fait, dans cette nouvelle expérience, j’ai utilisé le matériel, la calligraphie et le vocabulaire essentiel des gens du désert. Dès lors, la pensée intime et secrète a pris le pas sur la figure pour s’épancher dans la liberté d’une symphonie riche de signes et d’empreintes.
Dans les années 80, je me suis servi des partitions de Jean Sébastien Bach comme outil et support nécessaires à la lecture de mon œuvre. Cette partition écrite de la main de l’artiste permet son immortalité. Quel autre support de mémoire aurait mieux conduit à la survivance du génie de cette artiste ? C’est dans cette vision que la calligraphie possède à travers les vertus du papier les qualités de transmettre des messages, du savoir, de l’histoire de l’homme et de ses passions.
Quelle est votre vision sur l’art abstrait ?
L’idée d’obstruction dans l’art a germé en Orient, vu que la représentation figurative a été interdite par l’Islam. Or, le génie artistique des Arabes a créé son propre monde en se basant sur l’art floral, l’art calligraphique, les arabesques rehaussés par un savoir scientifique (géométrie, mathématique). Ce qui n’est pas le cas pour l’Occident qui a excellé dans l’art figuratif et iconographhique. L’art abstrait est un mouvement pictural tout à fait récent et contemporain en Occident.
Peut-on dire qu’il y a une certaine écriture derrière l’art abstrait ? Et tout particulièrement dans vos toiles ?
Je ne crois pas que mon art soit aussi abstrait qu’on le pense. Ce qui m’a intéressé d’abord, c’est d’utiliser la force et la beauté de la calligraphie arabe, puis le sable et la feuille d’or en tant qu’éléments de composition pour donner une vision de réel. Tout le monde sait que le sable n’a rien d’abstrait. Symboliquement, c’est le temps qui s’écoule entre les doigts. quant à l’or, celui-ci représente la richesse et la lumière.
Alors qu’en est-il du papier que vous utilisez aussi comme ingrédient parmi d’autres éléments du désert (fibres végétales noyées dans l’huile ou la cire, écorce d’eucalyptus...) ?
Comme je l’ai souligné auparavant, les manuscrits sont porteurs de savoir civilisationnel. Et là je rends hommage aux peuples et à ces sociétés qui, depuis les premiers siècles, ont acheminé de l’Egypte ou la Grèce, les embryons d’une culture qui n’a cessé d’être valorisée. C’est pourquoi d’ailleurs dans mes toiles, le thème des traités d’astronomie ou de mathématique, du droit et des contrats, est souvent abordé.
On sait combien l’empire arabo-islamique a prodigué de connaissances à l’Occident dans ces domaines.
Tout cela c’est grâce à l’existence du papier. Dans les années 90, j’ai commencé en effet à utiliser le papier en tant que support créatif. Comme le cas de cette longue série sur «les attrappeurs de l’Absolu» où le mythe d’Icare et son aile de papier et de cire trouve une place particulière.
Dans ces toiles débutées à New York, j’ai utilisé le langage même de la fibre du papier : comparaison aisée de la force et de la fragilité de ce matériau noble. Un papier vivant qui se lit et se froisse, qui se plie et se déplie, fibre sensible qui se laisse gonfler par le vent pour accéder au soleil ou à l’orgueil, matière qui retourne à la poussière et parfois renaît de ses cendres, comme ce phénix légendaire.
Il y a une certaine saveur du désert dans vos toiles, en particulier celle du Maroc ? Qu’en pensez-vous ?
Bien évidemment, du fait que j’habite en partie au Maroc. Cette terre d’accueil est mon premier grand et long voyage en tant qu’Occidental. En effet, il y a 25 ans, j’ai mis les pieds, pour la première fois, dans ce pays qui m’a réellement envoûté et fasciné à la fois. Ce fut même un voyage initiatique où j’ai appris tant de choses, je dirai même que le Maroc est un monde qui m’a toujours appelé à la méditation et à la réflexion au point où j’avais l’impression d’être né au Maroc. Et je pourrais même pousser ma pensée à croire que le premier homme et la première femme sont apparus au Maroc.
Or, c’est un pays qui regorge de tous les sens auxquels l’Homme ferait appel, c’est-à-dire la vue, l’odorât, l’ouïe, le toucher.... en un mot, tous mes sens sont en excitation permanente, ce qui est favorable pour un artiste qui creuse dans la mémoire du passé.
