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Ouafae Hajji, présidente de Jossour : « Le code de la famille est enfin devenu une loi normale ! »

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Jossour a organisé ce samedi une rencontre autour de la réforme du code de la famille. Comment vivez-vous cette réforme ? Comme une victoire du mouvement féminin ?

Je préfère parler en termes de réalisation d’objectifs. Beaucoup de mesures proposées par le mouvement féminin, appuyé par celui des droits de l’homme et certains partis, ont trouvé écho dans le nouveau code de la famille. C’est plutôt une victoire de la société marocaine. Quand nous avançons des propositions en tant que mouvement féminin, c’est beaucoup plus pour la dignité et la reconnaissance de la femme et pour qu’elle puisse s’intégrer réellement dans la société, devenir un partenaire à part entière. Le gain final en revient à la société.

Un grand principe fait son apparition dans le code de la famille, celui de l’égalité. Un tel principe ne va-t-il pas heurter les mentalités les plus conservatrices et rétives ? Comment faire pour que le principe de l’égalité de l’homme et de la femme dans la direction du foyer soit accepté du plus grand nombre ?

Le principe de l’égalité est déjà entré dans la société, dans le quotidien de la Marocaine et du Marocain à travers la participation économique de la femme. Dans le domaine économique, elle est un partenaire essentiel dans la production. C’est en fait une continuité de cette présence dans l’économique que l’on retrouve aujourd’hui au sein de l’espace privé. On la retrouve aussi dans le domaine politique : il y a eu bataille pour que la femme accède au Parlement et à la responsabilité politique. Nous assistons à une mise en place progressive de l’intégration de la Marocaine par le principe de l’égalité, sur les plans culturel, économique, politique et social. Un tel principe est fondateur de la Constitution du pays. Pour moi, il s’agit beaucoup plus d’une reconnaissance de l’apport de la femme qui prend forme à travers le principe de l’égalité.

Une telle reconnaissance a peut-être conduit à quelques ambiguïtés contenues dans le nouveau projet du code la famille comme, par exemple le divorce pour cause de défaut d’entretien ou encore le fait que ne soit pas évoquée clairement la participation économique de la femme au sein du foyer. De telles ambiguïtés peuvent-elles être levées devant le Parlement ?

Nous n’avons pas encore le projet de texte pour pouvoir véritablement l’analyser. Nous disposons des principes fondateurs énoncés, il s’agit aujourd’hui d’attendre le texte pour pouvoir se prononcer sur ses ambiguïtés. Elles existent effectivement et je dirais que c’est normal car il faut toujours un point de départ, un début à quelque chose. Certaines de ces ambiguïtés pourraient être levées par les débats au niveau du Parlement.
D’autres subsisteront. Le code de la famille sera présenté devant le Parlement et soumis au vote, et de ce fait, il devient une loi normale et donc sujette à des amendements dans le futur. Il faudra voir par la suite son application et continuer au fur et à mesure à revendiquer des changements pour mieux adapter ce code aux réalités de la famille marocaine.

On y parle de répudiation, de polygamie, de biens acquis, de domicile conjugal. Est-ce que vous dites que justice a été rendue à la femme ? Ou que le Maroc devient un pays normal ?

Je dirais les deux à la fois. Le code du statut personnel tel qu’il était jusque-là, était devenu archaïque face aux changements, aux mutations de la société, à l’environnement national et international. C’est effectivement une justice rendue à la femme marocaine qui retrouve sa dignité, une citoyenneté à part entière, ce qui est important pour l’avenir de notre pays et pas seulement pour celui de la femme. J’ajouterai qu’il s’agit également de la poursuite d’un processus de mise en place d’un Etat de droit qui reconnaît les droits de la femme et de l’homme.

C’est aussi la poursuite d’un projet de société politiquement voulu : un projet de modernité et d’intégration du Maroc dans un environnement international en mutation.

L’application du code de la famille va se heurter à la réalité du système judiciaire marocain. Quel peut être l’apport de la société civile ? Comment les uns et les autres peuvent-ils contribuer à la bonne application de ce nouveau code ?

A travers ses dispositions, le code de la famille accorde une importance cruciale à l’appareil judiciaire dont la responsabilité est déterminante dans l’application de ce texte. Nous connaissons toutes les tares de notre justice. Je pense qu’un code de cette ampleur peut contribuer à changer les mentalités au sein même de l’appareil judiciaire. Cela demande comme l’a souligné le Souverain, la formation des juges, la mise à niveau de tous les auxiliaires de justice mais aussi une mobilisation de l’ensemble de la société.

La société civile a un rôle à jouer pour soulever les problèmes d’application, proposer des solutions alternatives, accompagner un peu cette application à travers la mise en place de structures au sein des ONG.

Les médias ont ici un rôle crucial : le nouveau code de la famille doit être accepté par tout le monde, assimilé par tous. Cela pose le problème de l’accès aux droits : comment faire en sorte que la femme marocaine, qu’elle soit urbaine ou rurale, analphabète ou alphabétisée, puisse accéder à l’information.

Il s’agit de faire comprendre que ce code de la famille a été élaboré pour faire avancer le Maroc, mettre en place les fondements de l’avenir. C’est très souvent une ignorance des dispositions du texte qui fait qu’il peut y avoir une interprétation négative. Je pense qu’une émission comme « Alif Lam » de Naïma Lamcherki pourrait vulgariser, banaliser ce texte et le rendre accessible à tous les citoyens.
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