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Sur la côte méditerranéenne : Tétouan, la colombe blanche

Comme toutes les villes du nord, Tétouan a connu une histoire mouvementée. En butte à la convoitise des Espagnols, elle fut détruite, reconstruite, rasée et à nouveau construite. Elle fut la première ville du Maroc à accueillir les musulmans et les juifs

Sur la côte méditerranéenne : Tétouan, la colombe blanche
Les historiens font remonter l’histoire de Tétouan au III siècle av.J.C. Elle fut fondée par les Mauritaniens qui lui donnèrent le nom de Tamuda. Au Ier siècle, la ville passe aux mains des Romains qui en font une ville fortifiée.

Au XIVe siècle, la dynastie des Mérinides parvient à contrôler Tamuda. C’est le Sultan mérinide Abou Thabit qui la construisit en1305 pour servir, avec le port de Martil, de base maritime pour contrecarrer les visées espagnoles sur le nord du pays. Elle connut la première expédition «punitive» en 1400 lorsqu’elle fut rasée par Henri III de Castille, après plusieurs combats. La ville fut alors désertée pendant près d’un siècle. Reconstruite au XVe siècle, elle a accueilli, après la chute de Grenade, les musulmans et juifs chassées d’Espagne qui s’installèrent à Tétouan.

En 1565, elle connut une seconde razzia commandée par le Roi d’Espagne. Avec le développement des relations commerciales internationales, la ville connut un nouvel essor sous le règne de Moulay Ismaïl (1672-1727). Elle fut, en 1859, l’objet d’une expédition armée lancée contre Sebta. Les Espagnols l’occupèrent de 1860 à 1862. Ils y revinrent en 1913 pour en faire la capitale de leur zone de protectorat.

La confrontation militaire avec l’Espagne et le Portugal a dominé l’histoire de Tétouan aux XVIème et XVIIème siècles. Pour les Tétouanais, il s’agissait de se défendre contre l’usurpateur étranger qui avait conquis la plupart des villes marocaines côtières. Les corsaires de Tétouan sont très connus au cours des XVIème, XVIIème et même au XVIIIème siècle comme l’attestent les archives de la Légation américaine de Tanger. Cette ville a constitué une menace permanente pour les Ibériques au cours du XVIème et XVIIème siècles car les navires de guerre tétouanais pouvaient se réfugier dans le port de la ville où ne pouvaient pas entrer les grands navires.

Au XVIIème siècle, Tétouan a connu un véritable essor économique sous les Naqsis à cause de l’occupation des ports marocains par les Ibériques car le port de Tétouan constitue la seule ouverture pour le commerce intérieur marocain entre le Sahara et le reste du Maroc d’une part et la Méditerranée de l’autre. A l’impact culturel andalou et ottoman vient s’ajouter l’impact européen. La communauté juive tétouanaise a joué un rôle important dans le développement du commerce avec l’Espagne, l’Italie et l’Angleterre. Les bateaux faisaient Tétouan, Gibraltar, Marseille, Alger, Libourne, etc.

Le professeur Jean Louis Miège décrit ainsi la splendeur de Tétouan : «Ainsi apparaît en quelque sorte une cité-Etat qui, véritablement, à sa mesure et à la spécificité marocaine, peut rappeler par certains traits la Florence de la grande époque ou la Venise des Doges.» L’originalité de Tétouan à cette époque se traduit par la création d’un style de vie tétouanais, un style d’architecture, un style de broderie et un artisanat florissant.

Tétouan, le patio andalou du Maroc

Tétouan est le patio andalou du Maroc parce qu’elle est à la fois renfermée sur elle-même et ouverte. C’est une ville qui s’est toujours enrichie par son contact permanent avec l’extérieur tout en conservant sa spécificité. Les relations de Tétouan avec d’autres villes et régions du Maroc, ainsi qu’avec d’autres peuples et cultures, n’ont pas cessé de se développer au cours des cinq derniers siècles de son histoire. D’origine andalouse, elle a pu maintenir la civilisation andalouse vive en terre marocaine et ce, en conservant une multiplicité d’éléments culturels fort enrichissants et en les transformant et les développant au cours des siècles.

Cette ville qui est «La colombe blanche» des poètes arabes, fut désignée par des termes divers comme, «La fille de Grenade». Elle a assimilé l’architecture andalouse dans ses murs, sa casbah, ses petites maisons et ses palais (avec des patios, des fontaines et des jardins), ses minarets, ses mausolées et ses fondouks. Elle a en plus assimilé le langage populaire, la musique, la broderie, l’artisanat, l’état d’esprit et l’âme andalouse.

Le contact de Tétouan avec le Machreq (Orient musulman) a toujours été très important, surtout sur le plan spirituel et culturel. Ce contact fut maintenu à travers les siècles grâce aux pèlerins tétouanais qui se rendaient à la Mecque chaque année. Le contact culturel est clair dans les relations des savants tétouanais avec la science religieuse du Machreq, surtout au cours des XIXe et XXe siècles. L’impact de la pensée salafie fut très important et les missions estudiantines de Tétouan à Naplouse et au Caire ainsi que les contacts des savants tétouanais avec des figures comme le Cheikh Rachid Reda et Chakib Arsalane ont couronné cette liaison culturelle.

Au cours du 19e siècle, alors que le Maroc connaissait la récession économique, Tétouan a continué à s’épanouir. Plusieurs palais ont été construits durant ce siècle dont Dar Lebbadi, Afailal, Erzini, les Bricha, les Bennouna et les Benaboud. Ces palais ont gardé leur style andalou-marocain. Cela ne les empêcha pas de s’inspirer du style européen, en particulier les techniques de construction utilisant des piliers de fer qui se sont substitués aux nombreux piliers qui caractérisaient les maisons du XVIIIe siècle. Le décor européen baroque fut introduit aussi. Le palais Erzini est exemplaire pour illustrer le mariage entre l’architecture andalouse et ottomane avec l’architecture européenne.

Les quartiers de Tétouan ont cette caractéristique d’appartenir à plusieurs périodes différentes, tout en conservant et en transformant l’élément andalou. Les plus anciens quartiers comme celui de la Souika datent du XIIe siècle, tandis que d’autres quartiers datent d’autres périodes plus récentes. Il y a une relation entre la distribution des quartiers et le prestige social.

Par exemple à partir du XIXe siècle, le quartier d’Al-Ayoun est devenu populaire tandis que le quartier de la grande mosquée, Jama’ Al-Kabir, fut considéré comme l’un des plus prestigieux. D’autres quartiers comme celui d’Al-Mtamar ont gardé leur prestige malgré leur ancienneté.

Le quartier Mtamar fut construit sur un énorme labyrinthe souterrain, les mazmorras, qui servaient à héberger les esclaves et les captifs chrétiens. Il s’agit d’un système unique dans l’histoire des villes du Maroc. Tétouan a d’autres caractéristiques qui la distinguent. Citons comme exemple le réseau souterrain de l’eau du Shkundu qui fournit beaucoup de maisons avec leurs besoins en eau et qui donne vie aux fontaines qui embellissent les patios de beaucoup de maisons de la ville.

La médina de Tétouan représente une véritable symbiose culturelle. Dar San’aâ ou l’Ecole des arts et métiers traditionnels fut créée dans le but de préserver les différentes expressions artistiques qui ont caractérisé Tétouan durant plusieurs siècles. Les artisans y travaillent sur le bois, la poterie, le fer, le zellij ou les tapis de la même façon que leurs ancêtres il y a quatre siècles.

Une symbiose culturelle

De nombreux arts que l’on enseigne encore dans cette école ont été transmis au cours des siècles à Tétouan. La continuité de ces arts symbolise la continuité d’une ville, donc d’une culture. Le musée ethnographique Skala est un véritable joyau qui traduit tous les aspects de la vie quotidienne traditionnelle tétouanaise. On peut vivre une journée typiquement tétouanaise dans ce musée qui conserve les arts, la cuisine, les habits traditionnels, les bijoux, les armements et la musique de la ville. C’est surtout l’époque alaouite qui domine dans ce musée. Il n’y a peut-être qu’un seul aspect fondamental de la vie culturelle de la ville qui est absent, le livre. On retrouve bien heureusement ce dernier dans la Bibliothèque générale de Tétouan qui est la deuxième bibliothèque du Maroc après la Bibliothèque générale de Rabat.

Il y a aussi des dizaines de bibliothèques privées à Tétouan qui sont uniques. Les mosquées sont très importantes dans la vie quotidienne tétouanaise comme Jamaâ Al Kébir construit par le Sultan Moulay Slimane au XVIIIème siècle. Tétouan est une ville de saints et de zaouias comme celles de Sidi Ali Ben Raissoun et Sidi Ali Baraka. Az Zaouia est le titre d’un célèbre roman écrit par un grand penseur et homme de lettres tétouanais du vingtième siècle, Sidi Touhami Ouazzani. L’école Loukache fut une institution d’enseignement équipée pour recevoir les étudiants de l’extérieur, surtout des régions environnantes.

Elle symbolise le rôle important de l’enseignement et du savoir dans la ville. Tous les aspects culturels et spirituels de la vie quotidienne sont reflétés dans le circuit de Tétouan. Tétouan est donc un lieu de rencontre de la vie spirituelle, culturelle et artistique de plusieurs traditions dont l’assimilation a marqué l’identité sociale de la ville. Ces passages et ces rencontres ont été le produit d’une histoire vivante et imprévisible avec ses succès et ses échecs humains, mais surtout avec son originalité et sa spécificité socioculturelle.


Fiche pratique

Que voir ?
Le musée archéologique
La mosaïque de Lixus, maquette du cromlech de M’soura
La place Hassan II
La porte monumentale réunissant une partie de l’ancien consulat d’Espagne et la façade du palais du Calife.
Dar El Makhzen
Bel exemple d’architecture hispano-mauresque
L’ancien mellah
Quartier Souïqa, résidence de Franco durant le protectorat
Le Musée d’art marocain
Exposition de costumes, meuble, production artisanale, reconstitution des cérémonies du mariage, instruments des musique, collections de poterie.
L’école artisanale
Atelier du tapis, du cuir, du bois incrusté de la poterie, de la mosaïque et du zellige.
Où manger ?

Le Restinga : 21 rue Mohammed V
Situé près de l’Office du tourisme c’est un restaurant bon marché. Les menus sont consistants et le service est assez rapide.

Chez Chatt : boulevard Mohamed-ben-Larbi-Torrès
Il est ouvert tous les jours et les prix restent très abordables.
Restaurant Saïgon : angle de la rue Mohamed-al-Khatib
A l’influence hispagno-andalouse, il offre toutes sortes de plats, de la salade copieuse à la paella.

Zarhoun : boulevard Mohamed-ben-Larbi-Torrès.
La nourriture spécialement marocaine est servie dans une ambiance musicale légère et enivrante.

La promenade
La médina de Tétouan occupe aux yeux des spécialistes la première place de toutes les médinas du Maroc. C’est dire son importance, sa qualité et le soin apporté à ne jamais pervertir son authenticité.

Elle a conservé une âme andalouse qui fait d’elle la plus hispano-mauresque des villes marocaines.

Pour y accéder, il suffit de vous rendre sur la place Hassan II (Feddane); à l’est de cette place, sous une porte, débute la rue Haj Ahmed Torres qui débouche dans la médina.

Le style hispano-mauresque prend ici toute sa dimension, notamment dans les quartiers d’habitation où les grilles en fer forgé des fenêtres donnent toute leur expression à ces épaisses façades immaculées.

Le souk El Hots est une charmante petite place plantée de quelques arbres où vous pourrez goûter des yeux la beauté des poteries exposées sur les étalages.
A quelques mètres de là, la rue des bijoutiers dévoile ses multiples charmes, sous forme de pièces d’artisanat susceptibles de faire succomber les plus exigeants.
Le souk des tanneurs ou le marché des tissus mérite également votre visite.
Dans la Médina de Tétouan, la Guersa el Kébira est le domaine des marchands de tissus et de vêtements. Les étoffes chamarrées, unies, précieuses et bordées sont un véritable émerveillement.

Les couleurs et les matières semblent variées à l’infini et composent sous vos yeux un tableau vivant.

Au centre de la place, des femmes du Rif, vêtues de leur costume sont assises derrière des étalages bondés de pièces de tissus rayés rouge, blanc et bleu.
La place de l’Usâa, sa fontaine de mosaïque, ses maisons blanches et son magnifique rosier vous rendront l’énergie nécessaire à la porsuite de la visite.

En revenant vers la place Hassan II, vous remarquerez le palais royal bâti au XVIIème siècle. Les importants travaux de restauration qu’il a dû subir au début du XXème siècle n’altérèrent en rien son caractère hispano-mauresque.

De nombreux ateliers ouverts à votre visite perpétuent la tradition du geste et de l’ouvrage soigné. Ces ateliers sont consacrés au tissage, à la dinanderie, à la gravure sur métaux, à la peinture du bois, à la mosaïque ou à la céramique.
Les souks de Tétouan rivalisent avec ceux des autres villes. Le souk El Foki est connu sous le nom de «place au pain».

Sur la place Al Jala se dresse le musée archéologique où repose l’Histoire antique de la cité: mosaïques de luxe, figurines romaines en bronze, statuettes de déesses, collections numismatiques de la période punique....
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