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Tailleurs de roches à Bouknadel : faire d’une pierre un objet d’art

Sur la route de Bouknadel, ils sont environ une vingtaine d’artisans à s’adonner à l’une des pratiques les plus anciennes de l’humanité : tailler la pierre. A la devanture de leurs ateliers, une panoplie de sculptures colossales, g

Tailleurs de roches à Bouknadel : faire d’une pierre un objet d’art
À l’entrée de sa taillerie campent de grands lions grandeur nature qui vous accueillent d’un air défiant. Chacun d’eux a demandé à Salah plus de 200 Kg de pierre et pas moins de deux mois de travail. Mais le jeu en vaut la chandelle puisqu’un seul lion peut lui rapporter jusqu’à 10.000 DH ! «C’est normal on peine énormément pour réaliser des choses avec une telle minutie.
Notre travail exige beaucoup de patience, un grand effort physique et surtout de la concentration», souligne ce sculpteur pour justifier le prix relativement élevé de ses créations. Cela fait 10 ans que Salah travaille comme sculpteur. C’est son père qui l’avait initié à ce «métier». Muni de son marteau et de son burin (megdi), il nous explique, tout en apportant les dernières retouches à un lion, la spécificité de la taille de la pierre par rapport à la technique du modelage : la taille implique un matériau dur sur lequel l’artiste n’intervient qu’à l’aide d’outils. Il déploie donc une énergie considérable. De plus, le sculpteur sur pierre (ou le hajjar) semble soumis à cette impitoyable servitude propre au matériau qu’il travaille : «alors qu’en modelant le sculpteur peut ajouter et retrancher de l’épaisseur, modifier la forme de sa sculpture, le fait de tailler implique exclusivement l’idée d’enlèvement de matière». Un travail donc fastidieux qui ne permet aucune hésitation. Surtout l’approvisionnement en quantités suffisantes de pierre n’est pas du tout évident : «d’habitude, on achetait les blocs de pierre des carrières situées aux environs de Salé, Taza et Casablanca.
Aujourd’hui, on nous interdit tout accès là-bas. C’est ce qui peut arriver de plus pénible à un artisan : ne pas disposer de la matière première pour exécuter son œuvre. Il se sent terriblement désemparé. Il faut donc procéder avec prudence et surtout ne pas courir le risque de bousiller le bloc de pierre», explique Salah. La première opération qui précède la taille de la pierre, à savoir l’extraction du bloc est souvent faite sur les lieux mêmes de la carrière.
Elle consiste, avec des instruments élémentaires comme le pic et la pioche, à faire sauter les grandes masses inutiles pour faciliter le transport du bloc. Une fois dans son atelier, le sculpteur entreprend toute une série d’activités qui donneront lieu à une sculpture prête à être commercialisée
Les tailles de pierre ont une astuce pour se faciliter la tâche, «c’est toujours à l’aide d’un schéma dessiné sur du papier calque (gabarit) et retracé ensuite sur le bloc, que l’artisan mène et contrôle l’avancement de son travail», note Salah.
Pour la taille proprement dite, cet artisan se sert d’une gamme d’outils assez variés : la hache (chakour) qui lui permet l’égalisation des surfaces planes, la pointe pour dégrossir le bloc et arriver à l’ébauche de la forme voulue.
Degré de polissage
Pour la suite de son travail, il l’exécute principalement à l’aide de son burin pour faire des trous et de sa massette pour écraser les saillies indésirables. Et enfin, il utilise des abrasifs pour effacer les traces d’outils et obtenir le degré de polissage désiré. C’est ce qu’on appelle la finition. Contrairement aux autres métiers artisanaux où on se plaint souvent du marasme des affaires, les hajjara de Bouknadel affirment que leur commerce se porte en général bien quoique la matière première leur fasse défaut ces derniers temps : «Nous sommes bien achalandés surtout pendant l’été avec l’arrivée des résidents marocains à l’étranger.
Les Français et les Espagnols viennent aussi acheter chez nous. Notre seul problème pour le moment est que nous n’avons pas assez de pierres. On arrive plus, depuis quelque temps, à avoir les autorisations pour exploiter les carrières», explique Salah.
«Il ne faut pas oublier que nous sommes des artistes et on a besoin de montrer ce que nous faisons à l’étranger. L’Etat devrait nous aider à prendre part à des manifestations internationales de grande envergure où nous pourrons représenter le Maroc et faire connaître nos produits», lance un artisan.
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