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«Travailleurs marocains en France, mémoire restituée» de Zakya Daoud : de l'immigration à la citoyenneté

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«Travailleurs marocains en France: mémoire restituée» est un ouvrage à travers lequel Zakya Daoud retrace l'histoire de la rencontre entre des immigrés maghrébins de la première génération et des étudiants progressistes, entre des syndicalistes et des exilés politiques, rencontre qui a donné naissance, dans les années 70, à l'Association des travailleurs marocains de France, devenue en 2000 l'Association des travailleurs maghrébins de France.

Quel avenir ? L'heure du bilan est aussi celle des interrogations. Constamment sommée de se prononcer sur les valeurs progressistes et démocratiques, de prendre position sur la transition marocaine, de prendre part au mouvement citoyen en France, de s'impliquer contre toute économie de marché qui voudrait réduire l'homme au rang d'une simple force de travail, l'Association des travailleurs maghrébins de France doit prendre position.

Jacqueline Loghlam, alias Zakya Daoud en dresse l'historique. Journaliste au long cours dont la revue «Lamalif» fut, de 1966 à son interdiction en 1988, le réceptacle incontournable d'articles des intellectuels marocains les plus marquants, elle a l'art et la manière de savoir lire le temps et de narrer les évènements avec simplicité et élégance. L'ouvrage qu'elle a consacré à cette importante association a été publié l'année dernière aux éditions Mémoires de la Méditerranée sous le titre : « De l'immigration à la citoyenneté, itinéraire d'une association maghrébine en France : l'ATMF - 1960-2003». Un an plus tard, il a changé de couverture et d'éditeur pour devenir «Travailleurs marocains en France : mémoire restituée» (Ed. Tarik), titre qui semble mieux seoir à cette fouille dans le passé récent. De fait, l'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) faisait partie de l'Association des Marocains en France (AMF), créée en 1961 par des militants de l'Union nationale des forces populaires (UNFP).

Durant les années 70, l'AMF s'est scindée en deux groupes: l'AMF-bureau national et l'AMF-coordination des sections, devenue ensuite l'Association des travailleurs marocains de France (ATMF).
Le développement de celle-ci a été marqué par le changement du rapport au pays d'origine.

Ses activités reflétèrent donc la tension qui a existé – et qui existe encore – au sein des immigrés entre le désir de retour «là-bas» et la réalité de l'enracinement «ici». Ainsi, prenant conscience que la vie en France n'est plus une transition avant le retour «au pays», les membres de l'association se sont-ils engagés de plus en plus souvent dans les luttes citoyennes pour défendre leurs droits. Dans le même laps de temps, ils militèrent pour faciliter l'intégration au sein du pays d'accueil et tisser des liens solides avec la communauté à travers des cours d'alphabétisation, des permanences d'accueil et d'orientation, mais aussi d'animations culturelles et sportives. L'enjeu fut de faciliter l'intégration, mais aussi de préserver la richesse de la culture d'origine et de la développer dans un autre milieu.

«Travailleurs marocains en France, mémoire restituée» retrace, comme l'indique son éditeur en couverture, «l'histoire de cette rencontre entre des immigrés maghrébins de la première génération et des étudiants progressistes, entre des syndicalistes et des exilés politiques». Bref , entre bonnes gens que la misère ambiante ou que leur engagement politique a jeté sur les chemins de l'exil. Constituée de fortes individualités aux parcours atypiques, l'ATMF ne pouvait que «générer une culture spécifique, politique et syndicale sur le socle d'une éthique de démocratie et de justice sociale». D'où le fait qu'elle ait été socialiste durant les années 60, marxiste-léniniste au cours des années 70, puis militante des droits de la communauté immigrée marocaine depuis lors. Ce qui l'a obligée à redéfinir sa stratégie et à se repositionner au sein de l'échiquier associatif français. Pour ce faire, elle a dessiné les contours d'une politique volontariste de participation à la vie locale, aux actions politiques et aux luttes sociales.

Laquelle a nécessité de former des militants, de s'ouvrir aux étudiants et aux cadres nouvellement arrivés, de fédérer la communauté autour d'un projet commun, de créer de nouvelles structures, etc. L'ATMF se vit donc obligée de rapprocher les réunions de ses instances, de chercher ses marques, de communiquer, de lancer des idées, de proposer des alternatives et d'entrer en relation avec des partenaires marocains, essentiellement la CDT et les organisations des droits de l'Homme, cercle qu'elle a vite élargi aux diplômés chômeurs et à toutes les victimes des répressions pour «contribuer à accompagner notre communauté pour qu'elle dépasse sa situation de fournisseur de devises en communauté d'idées de transformation». Projet duquel l'ouvrage de Zakya Daoud nous rapproche à travers des portraits croisés de militants et à travers leurs témoignages. Ce qui le rend plaisant à lire et facile d'abord.

«Travailleurs marocains en France, mémoire restituée», Zakya Daoud, éditions Tarik, 2003, 232 pages
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