Menu
Search
Mercredi 24 Décembre 2025
S'abonner
close
Mercredi 24 Décembre 2025
Menu
Search

2379 mariages mixtes ont été contractés en 2001 : après le code de la famille, le code de la nationalité ?

Les mariages mixtes, presque «à la mode» pendant un certain temps, n'ont pas toujours été vus d'un bon oœil au Maroc où ils sont parfois perçus comme de simples transactions plutôt que comme des unions sérieuses entre deux êtres aux affinités similaires s

No Image
En dépit de tout, on peut avancer aujourd'hui, sans grand risque de se tromper, que les Marocains et les Marocaines continuent tout autant que par le passé, sinon plus, à se marier à des étrangers.

Selon des statistiques rapportées par certains médias, le nombre de mariages mixtes aurait atteint 2379 en 2001 (contre 996 en 1997). Si bon nombre de ces mariages sont une réussite, certains débouchent sur des situations embrassantes dont les premières victimes sont indéniablement les enfants.

La situation est cependant nuancée selon que la partie marocaine au mariage mixte soit l'homme ou la femme, notamment pour ce qui est de la transmission de la nationalité et des droits qui en découlent.

Quand c'est le Marocain qui contracte un mariage avec une étrangère, musulmane ou non, les enfants seront des musulmans et hériteront automatiquement de la nationalité de leur père et de ses biens.

Si par contre, une Marocaine musulmane épouse un étranger musulman, les enfants seront bien entendu musulmans mais ne sauraient prétendre à la nationalité marocaine, la loi nationale ne prévoyant pas, dans pareil cas, la transmission de la nationalité par la mère.

Il en va de même pour la Marocaine qui décide de s'unir à un non musulman. Si du point de vue de la religion, les choses sont claires: pour que cette union puisse avoir lieu, le prétendant n'a d'autre alternative que de se convertir à l'Islam, la transmission de la nationalité pose également problème pour les enfants qui s'en trouvent frustrés de par la loi.

Le code de la nationalité (art 6) est clair à ce propos puisqu'il stipule explicitement qu'est Marocain, l'enfant né d'un père marocain ou l'enfant né d'une mère marocaine et d'un père inconnu.

Les restrictions légales, qui laissent penser que la mère marocaine -par ailleurs une citoyenne à part entière- mariée légalement à un étranger est plus pénalisée que celle qui a un enfant de père inconnu, ne sont pas sans générer des situations pathétiques.

Saïda. L (commerçante) raconte son histoire: «Je suis mariée à un Koweitien. Au bout de quelque temps, mon mari est reparti chez lui pour travailler et +faire mes papiers+, mais il n'est plus revenu. Quand j'ai demandé le divorce, personne n'a voulu m'écouter en l'absence du mari».

«Aujourd'hui, j'ai 26 ans et ma fille en a deux, je n'ai aucun statut et elle n'a aucune «identité».
On lui refuse la nationalité marocaine et elle ne dispose même pas d'un livret d'état civil. Quand je pense que si elle était de père inconnu, je n'aurai pas eu tous ces problèmes», confie-t-elle avec amertume à la MAP.

Les enfants de mère marocaine et de père étranger au Maroc sont traités comme des étrangers et soumis sur le territoire national aux formalités de la carte de séjour, renouvelable chaque année.

La seule «gentillesse» que leur accorde la loi est de pouvoir demander, deux ans avant leur majorité, la nationalité marocaine auprès du ministère de la Justice, à condition d'être, au moment de la demande, résidents au Maroc.

Par ailleurs, une confusion a été faite pendant longtemps entre religion et nationalité alors que l'Islam ne fait pas de distinction entre le national et l'étranger mais seulement entre le Musulman et le non Musulman.

A ce propos, Me Fattoum Koudama, avocate et membre du groupe parlementaire USFP qui a élaboré un projet d'amendement de l'article 6 du code de la nationalité, fait observer que ce code, sans rentrer foncièrement dans des considérations religieuses, devrait donner à la femme marocaine mariée à un étranger musulman, le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants.

«Maintenant que la réforme de la Moudouwana a été adoptée, les conditions sont plus favorables qu'auparavant pour que le code de la nationalité puisse suivre la même voie», a-t-elle déclaré à la MAP.

Estimant qu'un grand pas a été franchi, Me Koudama a indiqué que le projet d'amendement proposé dans ce sens par le groupe USFP au parlement, vise essentiellement «à résoudre cette problématique dont les premières victimes sont nos enfants».

«Les enfants issus de mariages mixtes vivent des situations très difficiles qui sont aussi nombreuses que dramatiques, surtout qu'en cas de séparation, plusieurs pères (étrangers) usent de leur droit de tutelle et même de parenté d'une manière abusive», a-t-elle dit.

Fatima A. 40 ans, Fonctionnaire, confie avoir épousé, à 18 ans, un français avec qui elle a vécu au Maroc où leur fils est né. «Mon fils est automatiquement devenu français. Au début, je pensais comme beaucoup de monde qu'il +avait de la chance+ d'avoir la nationalité française.

Aujourd'hui, il a 21 ans, j'ai divorcé de son père qui est reparti en France. Si j'ai mon fils avec moi, c'est parce que son père +a bien voulu me le laisser+», dit elle. Mais «mon fils reste un étranger au Maroc. Il n'a pas de carte d'identité, il a une carte de séjour, qu'il doit renouveler chaque année.

Il se rend de plus en plus compte de sa situation et la vit très mal. Moi-même j'ai mal pour lui et je me culpabilise en me disant que j'ai, peut être, fait le mauvais choix, et que mon fils est en train de payer», déplore-t-elle.

Le Maroc a ratifié et publié au Bulletin Officiel en 2001, la convention internationale relative à la lutte contre toute forme de discrimination à l'endroit des femmes, dont l'article 9 stipule que les parties signataires doivent permettre à la femme de donner sa nationalité à ses enfants (cet article avait fait l'objet de réserves de la part du Maroc).

En outre, le code de la famille, adopté récemment par le Parlement, accorde une place importante à l'enfant.
L'alinéa 2 de l'article 54, stipule en effet que l'enfant a le droit à une identité ayant trait au nom et à la nationalité.

Dans ce sens, Me Abdelkebir Tabih, avocat et membre du groupe USFP au parlement, a indiqué à la MAP que l'Observatoire National des Droits de l'Enfant (ONDE), également initiateur du projet d'amendement, a déployé d'énormes et constants efforts pour la protection des droits des enfants, notamment le droit à la nationalité, donc à «la marocanité».

Dans le projet d'amendement, nous avons choisi un seul article (6) qui dépend entièrement de la loi marocaine et ne remet pas en question des conventions signées avec d'autres pays, afin de faciliter la tâche du législateur pour que cette loi voie enfin le jour, a-t-il dit, relevant que l'amendement vise à faire en sorte que les mêmes pouvoirs légaux que détient le mari soient attribués à la mère, c'est-à-dire que l'enfant né d'une mère marocaine devienne marocain d'office.

«Je suis marocaine, divorcée depuis 6 ans d'un belge avec qui j'ai eu deux enfants. Après notre divorce, mon mari +est parti+ avec les enfants qui avaient à l'époque 6 et 9 ans.

Depuis, je suis obligée de faire plusieurs voyages par an en Belgique pour voir mes enfants et faire en sorte +qu'ils n'oublient pas leur mère+», raconte Nadia D.
«Je n'ai rien pu faire pour empêcher cette séparation et mes enfants sont devenus des étrangers chez eux. Je me sens amoindrie et humiliée et le pire, c'est que maintenant mes enfants refusent de revenir +dans un pays qui les renie+, s'indigne-t-elle.

La modification proposée par l'USFP doit porter sur l'article 6 de la loi de 1958 qui régit la nationalité afin que la femme marocaine ayant contracté mariage avec un non marocain puisse transmettre sa nationalité dans les mêmes conditions que l'homme. Et surtout afin d'éviter des drames familiaux.

La confusion religieuse semble être dissipée et sur le plan politique, il semblerait, aux dires de plusieurs députés interrogés par la MAP, qu'il n'y ait aucun obstacle. Tous les militants pour les droits de la femme et de l'enfant se montrent optimistes, car estiment-ils, le Code de la famille a balisé le chemin et il est tout à fait normal que le code de la nationalité suive.
Lisez nos e-Papers